La Bourse de Commerce – Pinault Collection (Paris) inaugure aujourd’hui sa nouvelle exposition consacrée au sculpteur Charles Ray.
En mêlant les formes classiques et familières de la statuaire antique et les représentations et préoccupations contemporaines, Charles Ray a largement contribué à redéfinir les questionnements sur la sculpture. Entre précision et complexité, entre hyper-réalisme et goût prononcé pour la figuration humaine, l’artiste est considéré comme l’une des figures les plus marquantes de la scène internationale. Ce sont dix-sept de ses œuvres que la Bourse de Commerce présente à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 6 juin prochain – dont six sont offertes au public pour la première fois. Les sculptures de Charles Ray investissent l’ensemble du bâtiment dont elles renouvellent, par leur présence, l’espace et l’atmosphère. Horse and Rider (2014) s’offre ainsi au regard avant même de pénétrer dans le musée ; et le reste des œuvres se partagent l’espace central de la Rotonde et l’ensemble de la galerie du deuxième étage.
Le parcours proposé par la Bourse de Commerce permet de rendre perceptible la réflexion de l’artiste sur les matériaux utilisés – marbre, papier, béton, acier, aluminium ; matériaux aussi variés, mais surtout aussi signifiants, que les formes qu’ils empruntent. La fréquentation passionnée de l’histoire de l’art par Charles Ray, et l’érudition qui en résulte, transparaissent dans chaque œuvre. Son monumental Boy with Frog (2009) évoque ainsi la statuaire grecque, ses représentations du dieu Apollon s’apprêtant à tuer un lézard, ou encore le David de Donatello brandissant la tête de Goliath ; mais l’artiste remplace le dieu triomphant par un jeune garçon étonné de sa découverte de l’altérité. Sa Sleeping Woman (2012), quant à elle, rappelle les angelots endormis qui peuplent les tableaux de la Renaissance ; mais c’est le sommeil étonnement paisible d’une sans-domicile-fixe qui l’a inspiré. Bien sûr, Doubting Thomas (2021) renvoie à la scène classique, représentée à de multiples reprises, dans laquelle l’apôtre Thomas demande à Jésus de toucher ses stigmates. Alors que l’art classique s’est passionné pour le toucher de Thomas, pour la pénétration, si concrète, si dérangeante, de son doigt dans les stigmates du Christ, Charles Ray représente les deux hommes à distance l’un de l’autre, figés dans une tension étrangement érotique.
Moins classique mais tout aussi surprenant, pudiquement encastré dans un recoin du bâtiment, un groupe de huit hommes en pleine orgie. Passée la surprise, on se rend compte que tous les visages sont les mêmes – celui de l’artiste – et que les hommes, malgré les apparences, ne se touchent pas. Oh ! Charley, Charley, Charley… (1992) questionne ainsi la possibilité de l’assouvissement du désir, y compris dans ses représentations les plus crues, les plus réalistes.
Parallèlement à cette exposition, la Bourse de Commerce, organisée autour du cylindre pensé par l’architecte Tadao Ando, présente toujours les œuvres de Bertrand Lavier, David Hammons, Nobuyoshi Araki et Stan Douglas. Quant à Charles Ray, une exposition conçue en étroite collaboration avec la Bourse de Commerce lui est aussi consacrée au Centre Pompidou ; et permet ainsi d’offrir une lecture complémentaire de cette œuvre aussi dense que troublante.
Infos pratiques
Bourse de Commerce – Pinault Collection, 2 rue de Viarmes (75001) ; Du lundi au dimanche de 11h à 19h ; Fermeture le mardi ; Nocturne jusqu’à 21h le vendredi.