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Maus, célèbre roman graphique sur la Shoah, banni de certaines écoles aux Etats-Unis

29 janvier 2022
Par Félix Tardieu
La couverture de "Maus", de Art Spiegelman.
La couverture de "Maus", de Art Spiegelman. ©ActuaLitté

Imaginé à partir du témoignage de son propre père, rescapé des camps de la mort, l’ouvrage d’Art Spiegelman a été jugé « vulgaire et inapproprié » par le conseil du district scolaire de McMinn (Tennessee). Une décision consternante, y compris aux yeux de l’auteur de Maus.

Récompensée d’un prix Pulitzer spécial en 1992, Maus est une oeuvre majeure qui a largement participé à légitimer le genre du roman graphique et qui continue, encore aujourd’hui, de sensibiliser les lecteurs à l’histoire de la Shoah. Publiée dans la revue américaine RAW de 1980 à 1991, puis éditée en deux tomes (Mon père saigne l’histoire / Et c’est là que mes ennuis ont commencé) en 1986 et 1992, Maus reste notamment connue pour ses figures à mi-chemin entre l’homme et l’animal, où les souris représentent les Juifs – référence visuelle à la propagande nazie – et les chats les Allemands, dans la droite ligne de La ferme des animaux (1945) de George Orwell. Mais visiblement, cette oeuvre monumentale de la fin du XXe siècle n’est pas du goût du conseil du district scolaire de McMinn, un comté du Tennessee. Maus a ainsi été retiré des programmes scolaires de tous les collèges du comté,  malgré l’incompréhension des professeurs d’histoire et responsables pédagogiques, en raison d’un « vocabulaire grossier et répréhensible » et de la présence de « sujets inappropriés pour les élèves de quatrième comme le sexe, la violence et la nudité ».

Interrogé par la chaîne CNBC, Art Spieglman s’est dit déconcerté et a qualifié cette décision arbitraire d’orwellienne. « J’ai connu tellement de jeunes qui ont appris des choses grâce à ce livre (…) ». L’État du Tennessee est « manifestement devenu fou », a ajouté l’auteur. Cette décision a suscité de nombreuses réactions indignées, de la part d’institutions comme le musée de l’Holocauste de Washington ou l’American Jewish Committee ou encore de Neil Gaiman, l’auteur du comics culte Sandman.

Cette décision intervient dans un contexte tendu de réforme des programmes dans certains États conservateurs, comme le Texas ou l’Idaho, qui cherchent à bannir des bibliothèques scolaires des livres prétendument dangereux et idéologiques, mais qui, en réalité, abordent d’une manière ou d’une autre la question des minorités, du racisme ou de l’identité de genre. En octobre dernier, Beloved (1987), roman indispensable de l’écrivaine afro-américaine Toni Morrison  – prix Nobel de littérature en 1993 – sur l’esclavage, faisait ainsi l’objet d’une polémique dans l’État de Virginie lorsque le gouverneur républicain actuel, Glenn Youngkin, mobilisait lors de sa campagne la tentative (quelques années plus tôt) d’une mère de famille de faire interdire Beloved des salles de classe de son comté. Une pétition qui avait à l’époque conduit à une proposition de loi républicaine autorisant les parents d’élèves à empêcher leurs enfants d’étudier des livres abritant du contenu « sexuellement explicite ».

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Article rédigé par
Félix Tardieu
Félix Tardieu
Journaliste