Célèbre par son oeuvre La servante écarlate, l’autrice canadienne a révélé le 6 novembre son autobiographie, intitulée Le livre des vies. Une œuvre saluée pour sa lucidité, son humour et l’histoire de la fabrique d’une romancière, devenue icône internationale.
Nulle part sur Terre, le récit de June Osborne n’a laissé femmes et hommes indifférents. Par ses livres puis par son adaptation audiovisuelle, La servante écarlate a transcendé l’œuvre littéraire pour devenir un étendard de la lutte pour le droit des femmes. Si puissant qu’il figure parmi les romans qui dérangent le plus l’Amérique, retiré de listes de lecture ou de bibliothèques dans certains États, notamment en Floride et en Virginie.
Devenue une figure majeure des XXe et XXIe siècles, Margaret Atwood raconte pour la première fois sa propre histoire dans Le livre des vies : mémoires écarlates, publié chez Robert Laffont (collection Pavillons), et disponible en librairie depuis le 6 novembre. Avec ses 616 pages, l’ouvrage a été accueilli avec enthousiasme des deux côtés de l’Atlantique. L’autrice sera l’invitée exceptionnelle de La Grande Librairie d’Augustin Trapenard, ce mercredi 19 novembre.
La fabrique d’une œuvre
Les mémoires suivent l’autrice depuis son enfance dans les forêts du nord du Québec jusqu’à sa popularité mondiale. Cette traversée biographique est aussi l’analyse de la naissance d’une vocation littéraire, de l’imaginaire façonné par la nature et des coulisses de romans devenus incontournables.
Le Washington Post salue « un récit plein de sagesse et d’esprit de la vie qui a façonné son écriture ». Le journal y voit une réflexion profonde sur l’éducation et la construction du pouvoir personnel, « une analyse remarquablement complète de la vie d’une écrivaine ».
Les thèmes dominants
Le Los Angeles Times insiste sur l’ambition du projet : « Un ouvrage imposant (…) qui relate la relation complexe et symbiotique entre la vie et l’art », note le quotidien, soulignant l’humour de l’autrice à travers des confidences. « Lors d’une apparition publique, on peut surmonter toute humiliation, à moins de vomir ou de mourir », y confie-t-elle.
À rebours des récits triomphalistes, The Guardian y voit de son côté « une autobiographie incisive, drôle et captivante ». « Les romanciers ne sont pas des sages, plutôt des explorateurs », ajoute l’autrice à Télérama. Cette posture irrigue le livre, qui préfère la question à la certitude et la curiosité au manifeste.
Les dessous de La servante écarlate
Atwood revient longuement sur la genèse de son roman le plus célèbre. Elle confie avoir redouté sa publication : « À tous les coups, il allait me valoir d’être taxée d’antichrétienne, de féministe diabolique, d’hérétique opposée à la religion de l’Amérique », déclare-t-elle au média français.
L’idée du livre trouve ses racines dans les procès des sorcières de Salem et dans les normes patriarcales observées au cours de ses recherches universitaires. Atwood rappelle que son roman n’est pas une dystopie détachée du réel mais une « fiction spéculative », c’est-à-dire fondée sur des pratiques ayant déjà existé ou étant à notre portée. Pour elle, la force de l’histoire tient à cette proximité dérangeante : les interdits imposés aux femmes « puisent leurs sources dans l’Antiquité et dans l’époque moderne », relate-t-elle au Washington Post.
Symbole culturel
Atwood analyse aussi le destin inattendu de son roman, devenu manifeste féministe bien au-delà de l’intention initiale. The Guardian rappelle qu’à l’ère du trumpisme, l’adaptation télévisée a rendu l’œuvre « plus que jamais d’actualité ». L’autrice observe que cette visibilité s’accompagne d’une remise en cause de la liberté de lecture, concluant à Télérama : « Aujourd’hui, en Amérique du Nord, on n’envoie certes plus les écrivains au goulag ou en exil, mais leurs livres sont retirés des bibliothèques et des écoles, ce qui est une forme de censure. »