Critique

Chicago, le musical : magistralement chic !

13 novembre 2025
Par Claire Ferragu
“Chicago” débarque au Casino de Paris jusqu'au 31 janvier 2026.
“Chicago” débarque au Casino de Paris jusqu'au 31 janvier 2026. ©Stage Entertainment

La comédie musicale mythique de Broadway s’installe au Casino de Paris jusqu’au 31 janvier, pour offrir au public un spectacle absolument grandiose. Le show marque aussi le retour de la chanteuse Shy’m, au sommet de son art.

Non, vous ne rêvez pas, vous êtes toujours en France ! Même si, on vous l’accorde, on pourrait aisément penser qu’on a traversé l’Atlantique destination Broadway, tant Chicago n’a rien à envier aux plus grands musicals américains.

Au Casino de Paris, le rideau s’ouvre sur un grondement de cuivres : le public se laisse happer par un jazz sulfureux où crime, corruption et rêves de gloire s’entrelacent. Dans cette nouvelle production, Shy’m incarne une Velma Kelly magnétique, face à une Roxie Hart irrésistible jouée par Vanessa Cailhol (Molière de la comédienne dans un spectacle de théâtre public 2024), formant un duo explosif de charme, de rivalité et d’ironie. Le résultat : un spectacle étincelant, élégant et résolument moderne.

Les coulisses des répétitions de Chicago.

Si Chicago fascine depuis un demi-siècle, c’est qu’il raconte l’Amérique du spectacle comme un miroir déformant de nos propres obsessions égotiques. Velma Kelly et Roxie Hart, deux criminelles devenues icônes de cabaret, rivalisent de charisme pour briller sous le feu des projecteurs. Dans cette version, cette opposition prend une intensité nouvelle.

Deux rêves de lumière

Shy’m, dans le rôle de Velma, impressionne. Icône française de la pop des années 2010, gagnante de l’émission Danse avec les stars en 2012, comédienne pour la télévision ensuite, elle opère un retour triomphal. Ce musical lui permet d’accorder dans une même temporalité tous ses talents, qu’elle conjugue, il faut le dire, au plus-que-parfait. Dès son entrée sur scène, l’artiste impose sa présence : timbre chaud immédiatement reconnaissable, gouaille assumée, exigence vocale, regard acéré, gestuelle sensuelle et incarnée. Sa danse est exigeante et envoûtante, revêtant parfois des accents burlesques, rappelant les mouvements et les mimiques de Charlie Chaplin.

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Son charisme indéniable lui permet de camper une Velma flamboyante et jamais figée, consciente que le succès se gagne autant par le talent que par la maîtrise de son image. Face à elle, Vanessa Cailhol campe une Roxie Hart délicieusement effrontée. Sous ses airs de poupée naïve, la jeune femme cache une ambition féroce et une intelligence du spectacle redoutable. La comédienne joue cette dualité avec brio : tour à tour fragile, manipulatrice et désarmante. Ce duel est le cœur battant du spectacle. Deux femmes, deux égos, deux rêves de lumière, mais une même rage d’exister dans un monde qui les juge autant qu’il les consomme.

Travail d’orfèvre

Sous la direction de la metteuse en scène Véronique Bandelier, Chicago conserve la rigueur de la version originale de Bob Fosse sans jamais tomber dans la désuétude. L’orchestre, installé sur scène en escaliers, et dirigé par Dominique Trottein, agit comme un personnage à part entière, rappelant que la musique est le moteur de cette machine bien huilée. Les cuivres et les percussions, très présents, viennent souligner de notes sèches chacun des mouvements des personnages, n’accordant aucun temps mort au show.

Les décors minimalistes et le jeu de lumière sculptural participent d’une même esthétique épurée, sensuelle et magnétique. Cette sobriété ne vient que renforcer la vigueur du feu d’artifice artistique qui se déploie sous nos yeux.

La troupe est irréprochable. Les ensembles sont d’une précision chorégraphique bluffante. Arabesques, portés, dépliés, pirouettes… Chaque geste est maîtrisé jusqu’au bout des ongles et calé au dixième de seconde près. Un véritable travail d’orfèvre. Jazz, classique, danses de salon, claquettes, cabaret… Chicago entremêle tous les registres sur un même fil, tenu jusqu’au bout dans une grande minutie par l’ensemble des artistes – danseurs, chanteurs et musiciens.

Il faut aussi saluer l’interprétation de Jacques Preiss dans le personnage de Billy Flynn, avocat aussi cynique que séduisant, ainsi que celle de Waku Malanda en Mama Morton, incarnation d’un pouvoir féminin pragmatique et goguenard, dont la performance vocale ravit.

Un équilibre mordant

Si Chicago reste une satire du show-business des années 1920, il résonne tout de même toujours avec notre actualité. Dans un monde obsédé par l’image et les médias, où tout est transactionnel, les figures de Velma et Roxie incarnent cette quête d’attention qui dépasse toute morale. Shy’m et Vanessa Cailhol insufflent à cette fable une réelle modernité : leurs héroïnes ne cherchent pas seulement à être célèbres, elles revendiquent leur droit à exister pleinement, à se réinventer, à se libérer des regards masculins. Elles font triompher leur art autant que leur liberté.

Au fil des tableaux, Chicago séduit par sa précision millimétrée, son humour noir et son élégance. Le spectacle parvient à trouver le juste équilibre entre hommage et renouveau. « Où sont donc passées les bonnes manières ? », entonnent Velma et Mama. Certainement pas au Casino de Paris. Mais qu’importe : c’est mordant et jouissif. En somme, une grande réussite.

Chicago, le musical, du 7 novembre 2025 au 31 janvier 2026 au Casino de Paris. Billetterie par ici.

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