
Lancée par la France en février 2025 lors du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle à Paris, Current AI réunit États, philanthropes et géants de la tech pour un fonds de 2,5 milliards de dollars. L’objectif ? Transformer l’IA en un bien commun, guidé par l’éthique, la transparence et l’inclusion.
Février 2025, Paris. Lors du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, la France, épaulée par des gouvernements, des philanthropes et des géants de la tech, lance Current AI : un partenariat mondial inédit, doté d’un investissement initial de 400 millions de dollars et visant à en lever 2,5 milliards sur cinq ans. Pourquoi confier l’intelligence artificielle à un petit cercle quand elle peut profiter à chacun ? C’est pour répondre à cette question qu’est née l’initiative Current AI. L’ambition : transformer l’IA en un bien commun, ouvert et éthique, à rebours des logiques de captation privée.

Current AI s’appuie sur un réseau de partenaires variés, allant de Google à Salesforce, en passant par des fondations comme la MacArthur Foundation ou la Patrick J. McGovern Foundation. Dix pays, dont l’Allemagne, le Chili, la Finlande et le Nigéria, se sont d’emblée engagés à soutenir le projet, qui bénéficie aussi du soutien d’entrepreneurs et chercheurs de premier plan, à l’image de Reid Hoffman (LinkedIn) ou Arthur Mensch (de l’IA française Mistral AI). Parmi les soutiens de la première heure, on retrouve aussi des figures majeures de l’écosystème IA, telles que Clément Delangue (Hugging Face), Éléonore Crespo (Pigment) ou Fidji Simo (Instacart), qui apportent leur expertise pour orienter les choix du projet.
Trois piliers : données, ouverture, responsabilisation
L’initiative s’articule autour de trois axes majeurs, conçus pour répondre aux grands défis éthiques et sociaux de l’IA.
Données
Élargir l’accès à des ensembles de données publics et privés de qualité, notamment dans des domaines clés comme la santé, l’éducation ou les médias. L’objectif est double : garantir la diversité et la représentativité des jeux de données, et permettre à des acteurs variés – chercheurs, startups, ONG – de développer des IA utiles et fiables.
Ouverture
Investir dans des outils et infrastructures open source, pour rendre l’IA plus transparente, adaptable et inclusive. Cette ouverture doit favoriser l’innovation, mais aussi permettre l’audit et la compréhension des algorithmes par la société civile et la communauté scientifique.
Responsabilisation
Mettre en place des cadres solides pour la transparence, l’audit et la participation citoyenne. Current AI prévoit ainsi des mécanismes d’évaluation de l’impact social et environnemental de l’IA, en lien avec des organismes comme l’Agence internationale de l’énergie, et encourage la création d’un Observatoire de l’impact énergétique de l’IA.
Une IA au service de tous, pas seulement de quelques-uns
Current AI se distingue par son engagement à réduire les fractures numériques et à promouvoir une IA inclusive, qui ne laisse personne de côté. Le projet place la diversité linguistique, l’accès équitable à la technologie et la réduction de l’empreinte carbone au cœur de ses priorités.

Comme l’a souligné Martin Tisné, fondateur de Current AI : « Nous disposons d’une fenêtre de tir pour façonner l’avenir de l’intelligence artificielle. L’IA a le pouvoir d’améliorer l’accès à l’emploi, aux soins et à l’éducation, mais seulement si nous agissons maintenant. Current AI va entraîner une évolution vers des technologies ouvertes, mettant les personnes au centre. » Cette volonté de replacer l’humain au cœur du progrès technologique se traduit par des actions concrètes : soutien à la recherche sur l’IA dans les langues minoritaires, développement d’outils pour l’éducation ou la santé, et création de standards pour garantir la sécurité et la confiance dans les systèmes intelligents.
Un levier pour l’innovation européenne (et mondiale)
Pour la France et ses partenaires, Current AI est aussi un levier pour renforcer la souveraineté technologique européenne et diversifier un marché de l’IA encore trop polarisé. Emmanuel Macron l’a affirmé : « En donnant accès aux données, à l’infrastructure et à la puissance de calcul à un grand nombre de partenaires, Current AI va contribuer à développer nos propres écosystèmes d’IA en France et en Europe, à diversifier le marché et à encourager l’innovation dans le monde entier de manière équitable et transparente. »
Le projet s’inscrit dans la lignée de l’AI Act européen et des grands principes internationaux sur l’IA responsable, tout en cherchant à accélérer la coopération entre pays du Nord et du Sud, notamment pour renforcer les capacités des pays en développement.
Les défis à venir pour Current AI
L’ampleur de la tâche est à la hauteur des ambitions affichées. Il faudra garantir la viabilité financière du projet, maintenir un haut niveau d’exigence en matière de transparence, et réussir à fédérer des intérêts parfois divergents autour d’une vision partagée de l’IA au service du bien commun. Mais le lancement de Current AI marque déjà un tournant : celui d’une intelligence artificielle conçue comme un bien public mondial, et non comme une simple opportunité de marché.
La fondation veut financer des « digital public goods » open source dans des domaines clés : éducation, santé, gestion des catastrophes naturelles… Des bourses, des ateliers techniques et des laboratoires d’innovation seront déployés pour aider chercheurs et startups, notamment dans les pays émergents, à monter en compétences et à partager leurs avancées.
Quel avenir pour cette intelligence artificielle au service de l’intérêt général ?
Le défi majeur reste de maintenir cette dynamique collective sur la durée, en évitant la dispersion des financements et en renforçant la coordination internationale. Si Current AI parvient à allier rigueur scientifique et conscience sociale, elle pourrait devenir un modèle de coopération mondiale en IA. En outre, chaque initiative doit fournir un rapport détaillé de son bilan social et environnemental.
Ce suivi rigoureux permet d’identifier les meilleures pratiques, d’éliminer les efforts peu efficaces et d’orienter les financements vers les projets ayant démontré un véritable bénéfice pour les populations et la planète. L’enjeu ultime est de transformer ces promesses en réalisations concrètes sur tous les continents, pour que l’intelligence artificielle profite réellement à chacun et contribue à construire un avenir plus juste et durable.