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The Handmaid’s Tale : la dystopie de Margaret Atwood s’inspire-t-elle de la réalité ?

14 avril 2025
Par Sarah Dupont
Le livre de “La servante écarlate” de Margaret Atwood a été publié en 1985.
Le livre de “La servante écarlate” de Margaret Atwood a été publié en 1985. ©Hulu

La dystopie imaginée par l’autrice canadienne n’est pas une histoire vraie, mais elle s’ancre dans des événements bien réels, passés et présents, qui illustrent la fragilité persistante des droits des femmes à travers le monde.

Le cauchemar de Margaret Atwood semble loin d’être terminé. À vrai dire, il pourrait tout juste commencer, comme le suggère le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier 2025. Partout dans le monde, les inquiétudes autour des droits fondamentaux, et notamment ceux des femmes, se ravivent – y compris au sein de l’une des plus grandes démocraties de la planète. Et la fiction spéculative imaginée par l’autrice canadienne dans La servante écarlate, dont le premier tome célèbre ses 40 ans cette année, paraît plus que jamais en prise avec le réel.

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Un récit devenu culte

Adapté avec succès en série dès 2017, le roman d’Atwood imagine un futur proche dans lequel les États-Unis sont tombés sous la coupe d’un régime théocratique nommé Gilead. Face à une crise de fertilité mondiale, les femmes sont catégorisées par leur utilité pour l’État : les Épouses, les Marthas, les Tantes… et les Servantes. Réduites à leur fonction reproductive, ces dernières sont attribuées aux élites dirigeantes dans le but d’enfanter à leur place.

Les servantes écarlates dans The Handmaid’s Tale.©Hulu

À la lecture de son résumé, l’histoire relève bien de la dystopie : elle peint une société imaginaire, sombre, régie par un pouvoir totalitaire et une idéologie néfaste, à l’image de 1984 de George Orwell. Margaret Atwood a d’ailleurs toujours refusé l’étiquette de « science-fiction », qui éloignerait son œuvre de la réalité de notre monde : elle préfère parler de « fiction spéculative », ancrée dans le réel, précise-t-elle en 2003 dans un entretien accordé à The Guardian.

« Si je devais créer un jardin imaginaire, je voudrais que les crapauds qui s’y trouvent soient réels », illustrait-elle dans une autre interview accordée au quotidien britannique en 2019. Une manière d’affirmer que rien, dans La servante écarlate, n’est inventé de toutes pièces. Pour bâtir l’univers glaçant de Gilead, Atwood s’est appuyée sur une documentation rigoureuse : archives, coupures de presse et faits historiques.

Une inspiration du réel

Parmi ses principales sources : le décret 770 mis en place par Ceaușescu en Roumanie, qui interdisait l’avortement et la contraception afin d’augmenter la natalité ; la révolution islamique en Iran (1979), qui a imposé un strict contrôle du corps et du comportement des femmes ; ou encore les puritains de la Nouvelle-Angleterre, que l’écrivaine a étudiés durant ses années à Harvard.

Dans The Handmaid’s Tale, les États-Unis sont devenus une dictature religieuse dans laquelle les femmes fertiles sont condamnées à porter la progéniture de l’élite.©Hulu

L’autrice a aussi puisé dans des dynamiques sociales plus proches d’elle. Notamment au Canada, après la Seconde Guerre mondiale, les femmes qui avaient pris des postes dans l’industrie ou l’administration ont été sommées de retourner à la maison. Les récriminations sociales contre celles qui refusaient d’abandonner leur emploi ont inspiré le traitement réservé aux femmes de Gilead, congédiées du jour au lendemain sous prétexte de « retour à l’ordre naturel ».

Mais c’est surtout l’Amérique conservatrice des années 1980 qui a servi de déclencheur. La montée en puissance de la droite religieuse – portée par la Majorité morale, la Christian Coalition ou encore l’administration Reagan – préoccupait profondément Margaret Atwood. À la base de son roman, une hypothèse simple : que se passerait-il si cette attitude désinvolte à l’égard des femmes était poussée jusqu’au bout de sa logique ?

Quand la réalité rattrape la fiction

Depuis la première diffusion de la série, en 2017, les parallèles avec l’actualité n’ont cessé de s’accumuler. À commencer par l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade en 2022, qui garantissait depuis 1973 le droit fédéral à l’avortement, a déclenché une onde de choc dans tout le pays et le monde entier.

Fred Waterford (Joseph Fiennes) dans The Handmaid’s Tale.©Hulu

Des militantes ont alors manifesté dans les rues vêtues des robes rouges et bonnets blancs des Servantes, devenu symbole mondial de la régression des droits des femmes partout sur la planète. « Je suis fatiguée que la série soit toujours aussi pertinente », confiait en 2024 l’actrice Madeline Brewer à Vanity Fair.

Le retour de figures politiques hostiles aux droits des femmes, les politiques natalistes déguisées ou les dérives autoritaires au nom de la morale confirment l’intuition initiale d’Atwood : les pires dystopies ne surgissent pas du néant. Et si La servante écarlate continue à parler aussi fort en 2025, c’est peut-être parce que son avenir imaginé n’est pas si lointain.

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