
Ce 31 mars, ADN lève le voile sur l’adaptation animée d’un light novel à succès mêlant sabre, malédiction et voyage temporel. Ses deux premiers épisodes laissent entrevoir une fresque ambitieuse, mais encore timide.
Il y a des œuvres qui prennent leur temps. Et parfois, c’est tout l’intérêt. Sword of the Demon Hunter, adaptation du roman de Motoo Nakanishi (230 000 exemplaires vendus au Japon), opère une entrée discrète, mais intrigante, dans le paysage animé, se distinguant légèrement des blockbusters frénétiques de la nouvelle génération.
Diffusé sur ADN à partir du 31 mars, ce nouvel anime du studio Yokohama Animation Lab (connu pour The Kingdoms of Ruin) propose une immersion lente et mystérieuse dans le Japon de l’ère Tenpō, entre rites anciens et terreur démoniaque.
Un récit entre mythe et déjà-vu
Tout commence dans le village montagneux de Kadono, isolé du monde, où l’on découvre deux enfants fuyant un père violent. Recueillis par un homme énigmatique, ils grandissent au sein d’une communauté régie par des traditions ancestrales, où une prêtresse veille sur une épée sacrée, le sabre Yarai, censé contenir un pouvoir mystique redoutable.
Une ellipse s’installe : l’un des enfants, Jinta, est devenu le protecteur de Shirayuki, fille de l’homme qui l’a accueilli, et prêtresse à son tour. Sa sœur Suzune, elle, semble figée dans le temps – et cache un œil rouge démoniaque derrière un bandage, indice d’un mal latent qu’elle-même semble ignorer.

Le scénario mêle chasse aux démons, dilemmes moraux et romance contrariée. Mais les premiers épisodes suivent un schéma narratif balisé : amours impossibles, héros taciturne, antagonistes quelque peu caricaturaux… Le spectre de Demon Slayer plane – notamment dans la relation fraternelle entre Jinta et Suzune – sans en retrouver la puissance émotionnelle ni la finesse d’écriture.
Autour de Jinta, l’univers se met en place : avec l’apparition de créatures démoniaques, l’ambiance se dessine petit à petit entre mysticisme rural et légende tragique. Un démon surgit, annonçant qu’un être nommé Kishin, « le roi des démons », émergera dans le futur. Dès lors, la question n’est plus de défendre le village, mais d’empêcher une catastrophe prophétique.
Une esthétique surannée, mais soignée
Malgré son manque d’originalité, l’ensemble est loin d’être à écarter. L’anime se distingue par un ton mélancolique assumé, une lenteur qui tranche avec la frénésie habituelle et une certaine pudeur dans la mise en scène des drames. Les dialogues, bien que peu étoffés, laissent entrevoir une dynamique de fond, notamment autour d’un dilemme qui se dessine peu à peu : faut-il protéger sa sœur si elle est la clé d’un désastre à venir ?

Visuellement, Sword of the Demon Hunter revendique un style classique, presque suranné, que le studio Yokohama Animation Lab semble assumer. Les traits sont parfois imprécis (notamment sur les détails des visages ou des mains), mais certains plans offrent de vraies réussites : les Lycoris radiata rouges, devenus emblèmes dans Tokyo Ghoul, ou les glycines évoquant de nouveau Demon Slayer s’invitent avec délicatesse dans les décors.
Des promesses pour la suite ?
Les scènes de combat, elles, peinent encore à convaincre. Peu spectaculaires, parfois raides, elles misent davantage sur la brutalité réaliste que sur le panache visuel. Un choix qui peut séduire par sa sobriété, mais qui manque, pour l’instant, de souffle et de tension dramatique. Le sang coule, les membres tombent, mais l’émotion tarde à suivre.

C’est dans ses dernières minutes que l’anime dévoile sa carte maîtresse : une nouvelle ellipse, de 170 ans cette fois, qui propulse l’intrigue dans un monde moderne, avec l’apparition d’un nouveau personnage clé. L’histoire semble quitter les montagnes brumeuses du passé pour explorer les conséquences d’un héritage maudit dans une époque contemporaine. Cet effet de rupture fonctionne et relance un intérêt jusque-là tiède. Le voyage temporel, seulement évoqué, prend enfin forme. Et avec lui, l’espoir d’un récit plus ample.

Sword of the Demon Hunter entame son périple avec retenue. Le rythme est lent, le propos encore flou, les archétypes un peu trop familiers. Mais quelques éclats visuels et un twist prometteur laissent entrevoir une œuvre qui pourrait prendre de l’ampleur avec le temps. À condition d’oser pleinement le souffle tragique et épique qu’elle retient encore.