Entretien

On a rencontré Dau, nouvelle sensation du rap

27 mars 2025
Par Lisa Muratore
Dau a dévoilé son nouveau projet “Amazing”, avant de lancer sa tournée en mai prochain.
Dau a dévoilé son nouveau projet “Amazing”, avant de lancer sa tournée en mai prochain. ©ViewFromTheCloud

À l’occasion de la sortie de son nouveau projet baptisé Amazing, L’Éclaireur a rencontré le rappeur Dau afin de revenir sur son parcours, son ascension depuis Nouvelle École, et son univers marqué par différents alter-egos.

Comment décririez-vous votre univers ? 

C’est une très bonne question. Je le définis comme une grande série. Je cherche à explorer plusieurs genres musicaux, donc à partir de là je vois mon univers comme un arc. En fonction des arcs, il va se passer plusieurs choses : soit tu as de nouveaux super-pouvoirs, soit tu en perds. Soit tu es plus sûr de toi, soit tu ne l’es pas. C’est un mélange entre séries de fictions et vraie vie, tout simplement. 

La notion d’alter ego est très présente dans votre univers. Que vous permettent ces doubles musicaux ? 

Pour moi, l’alter ego est une façon plus simple de s’exprimer. Vu qu’il s’agit d’un personnage, qui possède son propre nom et sa propre identité, il peut se permettre de dire certaines choses que le Dau actuel ne dirait pas dans la vie de tous les jours. C’est un prisme d’expression. Ça me permet d’en dire plus.

Dau. ©ViewFromTheCloud

On parle de cette notion d’alter ego et donc de super-héros. Avez-vous l’impression d’être un super-héros quand vous chantez et composez ? 

Je considère que j’ai beaucoup de chance de faire ce que je fais aujourd’hui. C’est fou de se dire que tu arrives à connecter par le biais de la musique avec le public, avec des gens que tu ne connais pas. À partir de là, je me dis que c’est quelque chose de quasi super-héroïque, d’arriver à faire ça. 

Quel rapport avez-vous aujourd’hui avec le public, notamment depuis votre passage par Nouvelle école saison 2 ?

Nouvelle école m’a permis d’élargir ma fanbase. Je n’aurais jamais pensé que ça pouvait aller aussi loin. Par exemple, on me reconnaît dans la rue à l’autre bout du monde, à Montréal. Je trouve ça dingue. Je ne m’attendais pas à ce que ça fonctionne comme ça. La relation que j’ai avec mon public est une vraie histoire d’amour. Toutes les personnes que j’ai pu rencontrer ont été d’une bienveillance incroyable. Toutes ces personnes qui viennent me voir, ce n’est pas simplement dû à Nouvelle école. Ces gens-là s’intéressent aussi à ce que je propose en plus de ce qu’on a fait dans cette émission. Ils écoutent sincèrement mes projets et viennent me voir en concert. Je trouve ça dingue, d’autant plus que ça augmente chaque jour. J’ai aussi des personnes qui sont très fidèles, des gens qui sont là depuis le début. C’est important aussi ! 

Dau. ©ViewFromTheCloud

On vous présente souvent comme une bête de scène. Comment l’appréhendez-vous ? 

Ce qui est paradoxal dans tout ça, c’est que je suis quelqu’un de très introverti. Pourtant, quand je monte sur scène, je ne me sens pas timide. Pour moi, la scène, c’est comme du crack. Même si je sais qu’il y a énormément de monde, j’ai l’impression d’être seul. C’est comme s’il n’y avait personne autour de moi. Peut-être que c’est surprenant, mais ça me fait du bien. Je sais que j’entends le public autour de moi, je sais qu’il est là, mais pendant un concert je joue, avant tout, avec mon imagination. C’est ce qui fait que je vais facilement sur scène. J’aime aussi ce truc de casser littéralement la scène. On essaie d’avoir cette réputation de casseur de scène et pour l’instant ça fonctionne. 

Quel rapport avez-vous avec le studio ? 

C’est comme si j’étais dans ma chambre et que j’étais en train de faire mes devoirs. Ce sont des moments plus intimes, car je suis avec mes amis, on a de belles discussions, on gamberge sur le son qu’on aimerait faire et comment on veut le faire. En fin de compte, que ce soit sur scène ou en studio, je prends beaucoup de plaisir. C’est le but ultime ! 

Comment se déroule votre processus créatif ? Comment trouvez-vous l’inspiration ?

Mon inspiration vient principalement du quotidien. J’essaie de raconter ce que je vis ou ce que je manifeste. On aimerait tous gagner des millions, avoir des streams et mettre les parents à l’abris. C’est très facile, pour moi, d’exprimer ça, car ma musique est comme une sorte de journal intime. Les mots viennent facilement et les beatmakers avec qui je travaille ont aussi beaucoup de talent. Ça facilite aussi énormément la tâche sur ce qu’on recherche, parce que leur production propose un thème d’entrée. 

Dau.©ViewFromTheCloud

Comment voyez-vous votre nouveau projet Amazing par rapport à vos précédents EP ? 

Le projet Amazing s’est fait très facilement. Mes précédents projets étaient plus sombres parce que les artistes que j’avais rencontrés, à ce moment-là, m’avaient proposé des sons extrêmement noirs. Je voulais m’adapter à la prod, je voulais donc que ça soit lourd. 

N’est-ce pas une contrainte parfois de s’adapter au son plutôt qu’à ce que vous voulez raconter à travers vos paroles ou vos thèmes ? 

J’ai l’impression que ce n’est pas une contrainte d’avoir le son avant les paroles. Au contraire, le son va guider un projet. C’est déjà arrivé que j’écrive les paroles avant d’avoir l’instru, mais dans ces cas-là, il faut que le son soit tel que je l’ai imaginé au moment de l’écriture. Je peux être très chiant si ça ne correspond pas à ce que j’avais imaginé. [Rires] Je suis aussi partisan de l’efficacité. Je me dis que si on commence à trop réfléchir, c’est qu’on n’est pas au bon endroit.

Qu’avez-vous appris sur ce projet que vous ne saviez pas avant ? 

Le projet Amazing m’a confirmé que je savais chanter, que je chantais juste. Il m’a aussi appris à professionnaliser un peu plus ma musique, à être plus concis. Je pense que je pars un peu dans tous les sens avec ce projet par rapport aux précédents. Il m’apparaît plus droit, plus carré. Je le vois comme une amélioration. 

Pourquoi cette volonté d’alerter sur le fait que ce n’est pas un album ? 

Je trouve que je suis pas encore au niveau où je veux être pour sortir un album. Bien que la sortie d’un EP puisse être similaire à celle d’un album, je me dis que, dans un projet, tout doit être cohérent. À partir de là, je me dis que je veux apprendre à avoir cette rigueur-là, à rester homogène sur ma sonorité tout en étant varié, de façon à ce qu’on raconte une histoire. Que ce soit six sons ou bien dix, je trouve ça dommage de ne pas raconter une histoire du début jusqu’à la fin.

Comment vous êtes-vous entouré sur cet album que ça soit avec vos beatmakers ou bien vis-à-vis de votre featuring avec Jewel Usain ? 

Pour Jewel Usain, c’était très simple, car on se connaît depuis longtemps. Avant même que je fasse de la musique, je l’écoutais déjà. Le hasard a fait qu’on avait des amis en commun et qu’on a pu se rencontrer en 2018. On a eu le temps d’apprendre à se connaître. Avant ce projet, on avait déjà fait des projets ensemble. Mais notre featuring Amazed est le meilleur qu’on ait produit, il a tout éteint. J’aime travailler avec Jewel, car il fait passer l’humain avant tout.

C’est pareil pour les beatmakers avec qui on a travaillé, nos ingénieurs son aussi, parce qu’avant d’être des collaborateurs ce sont des amis. Ce sont des gens qui n’ont pas peur de me dire la vérité ou de donner leur avis. Ils n’ont pas peur d’être vrais et c’est ce qui fait que c’est beau, parce qu’ils me donnent beaucoup de conseils. S’entourer de personnes en qui tu as confiance, c’est important. Si on est entouré de personnes toxiques, ce n’est pas bon pour la créativité, la musique qui va en découler ne sera pas bonne. 

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Comment pouvez-vous expliquer le titre du projet ? Qui est Amazing finalement ? 

Comme sur le projet Dennis, Amazing est l’un de mes alter ego. Disons que ce projet, c’est sa carte d’identité. Cet alter ego là reste un petit peu nerveux, mais il est plus honnête avec lui-même, plus ouvert. Il y a toujours de l’ego trip, mais c’est le contraire de Dennis. Ce dernier représente la colère, Amazing, c’est le calme. Dennis, c’est la revendication, Amazing, c’est la sérénité. C’est important d’avoir cet alter ego là aussi aujourd’hui. 

Qui sont vos modèles ? Ceux qui vous inspirent ou ceux qui vous ont poussé à vous lancer dans la musique.

Ce qui m’a poussé à me lancer dans la musique, ce sont mes colocataires de Londres. Ils faisaient de la musique et je n’en faisais pas à cette époque-là, mais les voir écrire et faire de la prod, je trouvais ça très beau. J’avais envie de prendre part à ce projet-là vu que j’habitais avec eux. Ils faisaient de la musique tous les jours et je me sentais un petit peu mis sur le côté. Ça m’a poussé à écrire mon premier texte et, dès le moment où je me suis lancé, j’y ai pris goût. Je n’ai jamais arrêté depuis et je n’aurais jamais pensé que ça irait aussi loin. 

Comment cette expérience à Londres a-t-elle influencé votre musique ? 

J’ai découvert la musique autrement en Angleterre. Elle m’a nourri différemment. La musique de Londres, c’est autre chose. C’est peut-être pour ça que j’aime beaucoup casser la scène, parce que c’est ce qui se fait outre-Manche. C’est quelque chose que je regrette aujourd’hui de la part de certains artistes français ; certains ne se donnent pas à fond. Je ne veux pas faire de généralités, mais comment peut-on faire un son qui fait sauter tout le monde, si soi-même on ne transpire pas sur scène ? Il faut incarner ses sons. Bien sûr, chacun a son caractère, je ne voudrais pas non plus me permettre de dire aux autres ce qu’ils doivent faire. 

C’est quoi la suite pour vous ? Une tournée ? Un album ? 

On a une tournée qui commence à partir du 23 mai à la Machine du Moulin Rouge. On vise le sold-out évidemment ! Après, on va continuer à tourner. Il y a une réédition qui se prépare aussi. Sûrement qu’après tout ceci, il sera temps de penser à l’album, au premier, mais on va prendre notre temps. 

Quelle est votre dernière claque culturelle ? 

La série Severance m’a beaucoup marqué. Quel banger ! Ceux et celles qui l’ont pas regardée, quelle erreur ! [Rires] Je ne me remets pas de cette série, il faut que tout le monde la regarde.

Dau en tournée dans toute la France. Billetterie par ici.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste