Critique

Wes Anderson : que vaut la nouvelle exposition de la Cinémathèque française ?

18 mars 2025
Par Lisa Muratore
Wes Anderson sur le plateau de son dernier film, “Asteroid City” (2023).
Wes Anderson sur le plateau de son dernier film, “Asteroid City” (2023). ©Roger Do Minh/Pop. 87 Productions/Focus Features via AP

James Cameron cède la place à Wes Anderson au sein de la Cinémathèque française. Le musée parisien dévoile ce mercredi 19 mars sa première rétrospective sur le réalisateur-artisan de The Grand Budapest Hotel (2014), dans un parcours aussi vif que la filmographie du cinéaste.

Après James Cameron, un autre réalisateur singulier du cinéma américain aura le droit à sa rétrospective à la Cinémathèque française. À partir du 19 mars, le temple du 7e art parisien dévoilera, en effet, sa nouvelle exposition centrée sur Wes Anderson. L’occasion de revenir sur sa carrière – de ses débuts dans les années 1990 jusqu’à son dernier film Asteroid City (2023) –, ses riches collaborations, mais aussi les codes de son cinéma entre thématiques personnelles et techniques de réalisations diverses.

Malgré un montage chronologique, l’exposition, sobrement baptisée Wes Anderson, retrace de façon foisonnante l’œuvre du cinéaste entre dessins, photographies de tournage, storyboards et carnets de notes pour la plupart tirés de la collection personnelle du réalisateur. Les visiteurs pourront entrer dans l’intimité de l’artiste, mais aussi comprendre ses mécanismes de réflexion et ses inspirations.

Affiche officielle de l’exposition sur Wes Anderson à la Cinémathèque française.©Cinémathèque française

Première rétrospective consacrée à l’artiste par la Cinémathèque française, l’exposition déploie, à la manière de Wes Anderson, un parcours aussi fantaisiste que réfléchi. Ainsi, on découvre les premiers pas du cinéaste au Texas, son envie de 7e art ou encore sa rencontre, sur les bancs de l’Université d’Austin, avec Owen Wilson qui deviendra l’un de ses collaborateurs privilégiés et avec qui il écrira son premier court-métrage, Bottle Rocket, en 1996.

Le sens du détail

Voici le point de départ de l’exposition, alors que trône, dès l’entrée du musée, un large portrait de Wes Anderson fraîchement diplômé. Une image en noir et blanc, encadrée d’un rouge vif et captivant représentant un jeune cinéaste qui n’aura de cesse, au gré de ses films, de s’affirmer comme un artiste remarquable tant par ses thèmes que par sa direction artistique inégalable.

N’est-ce pas à cela que l’on reconnaît les grands cinéastes, finalement ? Une chose est sûre, Wes Anderson a le sens du détail, de la préparation et de la référence. En effet, le cinéaste n’hésite pas à nourrir son univers cinématographique d’œuvres littéraires – on connaît son amour pour Roald Dahl – et à s’entourer d’artistes photographes, de musiciens, ou encore de chefs costumiers hors pair.

Ainsi, l’exposition ne se contente pas de revenir sur la filmographie de Wes Anderson par le biais de l’image, elle décortique aussi les différentes strates artistiques de ses films. La musique d’Alexandre Desplat qui a notamment composé la bande-son de The Grand Budapest Hotel côtoie le travail de la costumière Milena Canonero, rencontrée sur le tournage de La vie aquatique (2004), dont on peut retrouver plusieurs panoplies au fil de l’exposition.

Dépasser le cadre

Chaque ensemble forme ainsi un tableau, parfaitement ajusté, et toujours aligné avec le film présenté. Pour autant, l’exposition ne manque pas d’émotion. Elle montre à travers de nombreuses photos des coulisses, des extraits de films ou encore des objets de tournage que Wes Anderson est aussi un artiste de l’intime. Malgré son cadre strict, l’exposition parvient à transmettre une certaine intensité, développant un propos touchant l’aspect personnel de la filmographie d’un cinéaste qui s’est toujours appliqué, avec un humour cartoonesque, à dépeindre la dualité humaine.

The Grand Budapest Hotel.©20th Century Fox – Scot t Rudin Productions – Indian Paintbrush – Studio Babelsberg / DR

Héros imparfaits, familles dysfonctionnelles et enfance désenchantée sont les figures qui composent la filmographie d’un metteur en scène de l’intime qui, malgré une obsessionnelle symétrie, est toujours parvenu à sortir du cadre pour faire passer l’émotion.

Autre marque de fabrique : au fil de sa filmographie, le réalisateur s’est souvent entouré de la même troupe d’acteurs et d’actrices, mais il a également proposé aux plus grands noms du cinéma des rôles inédits. Ralph Fiennes, loin de son emblématique Voldemort, apparaît ainsi en directeur d’hôtel drôle et sexy, tandis que Bruce Willis n’hésite pas à se grimer pour les besoins de Moonrise Kingdom (2012), au même titre que Gene Hackman qui, en 2001, a incarné le terriblement génial Royal Tenenbaum, patriarche de La famille Tenenbaum (2001). Quelques semaines seulement après sa mort, la diffusion dans l’exposition d’un extrait du film dans lequel son personnage annonce être mourant prend un sens un peu différent, mais toujours très émouvant.

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Le cinéma en tant qu’artisanat

Outre la galerie de personnages loufoques imaginée par ce génie du 7e art, cette rétrospective célèbre également l’artisanat de son cinéma, notamment dans la section consacrée à Fantastic Mr. Fox et L’île aux chiens ; deux longs-métrages pensés en stop-motion, respectivement en 2009 et 2018. Maquettes, figurines en taille réelle et extraits des films complètent cette rétrospective géante en hommage à l’un des plus grands façonniers du cinéma contemporain.

Fantastic Mr. Fox. ©Twentieth Century Fox – American Empirical Pictures / DR

Vingt-cinq ans après sa première visite, Wes Anderson est ainsi de retour à la Cinémathèque française. Cette fois-ci, le cinéaste entre par la grande porte : le musée invite à découvrir son travail à travers des tableaux immersifs regroupant des matériaux divers et une émotion certaine permettant de saisir les thématiques qui ont infusé son cinéma à travers les années.

À une époque où l’intelligence artificielle investit le débat artistique et où le 7e art est de plus en plus automatisé, l’exposition Wes Anderson de la Cinémathèque française apparaît comme une véritable volonté d’honorer l’art cinématographique en tant que savoir-faire manuel et émotionnel. Ainsi, qui de mieux pour poursuivre cette pure tradition du cinéma que l’un de ses plus emblématiques artisans ?

Wes Anderson, du 19 mars au 27 juillet 2025, à la Cinémathèque française, à Paris. Billetterie par ici.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste