
Après les condamnations historiques prononcées en décembre dernier, Caroline Darian, fille de Gisèle Pélicot, prend la parole dans Pour que l’on se souvienne. Un livre pour rappeler, comprendre et ne pas oublier.
Le 19 décembre 2024, le tribunal d’Avignon rendait un verdict historique. 51 hommes condamnés pour viols et agressions sexuelles aggravées, des peines allant jusqu’à 20 ans de prison, et une victime qui avait choisi de ne pas se taire. L’affaire des viols de Mazan a ébranlé la France, soulevé des débats sur la soumission chimique et marqué un tournant dans la reconnaissance du consentement. Un procès hors norme, dont les répercussions ont dépassé largement les murs d’un tribunal.
Quelques mois plus tard, à l’approche du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, Caroline Darian, « fille de la victime et du bourreau » comme le rappelle la quatrième de couverture, publie Pour que l’on se souvienne (JC Lattès). Un livre qui prolonge le combat et interroge la mémoire collective face à l’impensable. Elle revient sur cette affaire qui l’a marquée à double titre : comme témoin du calvaire de sa mère, Gisèle Pelicot, mais aussi comme victime d’un père dont elle n’a compris les actes qu’à l’aube de l’affaire.
Un livre pour affronter ce qui dérange
Caroline Darian n’en est pas à son premier témoignage. En 2022, elle publiait Et j’ai cessé de t’appeler papa, un premier livre dans lequel elle racontait l’horreur découverte au fil de l’enquête : sa mère, droguée pendant des années par son propre mari, livrée à des dizaines d’inconnus sans le savoir. Trois ans plus tard, alors que le procès a eu lieu et que les condamnations sont tombées, elle prend à nouveau la plume.
Dans ce nouvel ouvrage, elle ne se contente pas de revenir sur le calvaire de sa mère. Elle raconte aussi l’après. L’enquête inachevée, les questions qui restent sans réponse, les failles d’un système judiciaire encore mal armé face à ce type de crimes. Et surtout, elle met en lumière une réalité que beaucoup préféreraient ignorer : la soumission chimique n’est pas un phénomène isolé, mais une violence insidieuse, souvent invisible, dont les victimes peinent encore à faire entendre leur voix.
L’affaire de Mazan, un séisme judiciaire et social
Il aura fallu une coïncidence sordide pour que l’affaire éclate. En 2020, Dominique Pelicot est interpellé pour avoir filmé sous les jupes de femmes dans un supermarché. À son domicile, les enquêteurs découvrent des milliers de vidéos de viols. Sa femme, Gisèle Pelicot, inconsciente sur chacune d’elles. Pendant près d’une décennie, droguée à son insu, elle a été livrée à des dizaines d’hommes dans leur maison.
Le procès, qui s’est tenu en 2024 à Avignon, a dévoilé au grand jour l’ampleur du système. 51 hommes reconnus coupables, des peines allant de trois à 20 ans de prison, et une question qui hante encore les esprits : comment un tel crime a-t-il pu durer aussi longtemps dans l’indifférence générale ?
Gisèle Pelicot, en choisissant de témoigner à visage découvert, a fait de son histoire un symbole. Partout en France, des manifestations ont été organisées. Sur les réseaux sociaux, la phrase « La honte doit changer de camp » est devenue un cri de ralliement. Et l’écho a dépassé les frontières : de la BBC au New York Times, la presse internationale a suivi chaque étape du procès.
Un autre regard, une même urgence
Le 5 mars, Vivre avec les hommes (Flammarion) de la philosophe Manon Garcia paraîtra en librairie, le même jour que le livre de Caroline Darian. Dans cet essai, l’auteure s’interroge sur ce que l’affaire de Mazan dit de notre société, sur la persistance des violences sexistes et sur la possibilité – ou l’impossibilité – d’un dialogue entre les sexes après de tels événements.
Avec une approche philosophique et politique, Garcia dissèque les rapports de domination et questionne la manière dont les hommes et les femmes peuvent coexister après que l’impensable ait été dévoilé.