Décryptage

Les mystères de l’exofiction littéraire

28 août 2024
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Frank Meier, le barman du Ritz qui a inspiré le premier roman de Philippe Collin.
Frank Meier, le barman du Ritz qui a inspiré le premier roman de Philippe Collin. ©Roger Schall/Schall Collection

À travers quelques succès de librairie de l’été et quelques ouvrages très attendus de la rentrée littéraire, plongée dans les coulisses d’un genre romanesque qui a le vent en poupe.

Reconnaissons-le tout de suite, « exofiction » est un bien vilain terme, un gros mot littéraire pour désigner un sous-genre romanesque hybride, à cheval entre réalité et imaginaire, exactitude et passion ; une forme de récit qui vise à combler par l’invention les vides et les énigmes de la vie d’une figure historique ou artistique. Sous la plume des romanciers, les héros, les femmes oubliées ou les rouages inconnus de la destinée du monde prennent vie, leur existence nous est dévoilée par le menu avec l’exactitude de l’historien et la fougue du romancier.

Et c’est cela qui plaît au lecteur : l’impression d’apprendre des choses tout en intégrant pour quelques heures le cercle fermé des grands de ce monde. Plongée en quelques livres marquants de l’actualité dans une littérature qui rassemble de plus en plus d’adeptes.

L’été des icônes

Comme un symbole de cette nouvelle effervescence littéraire, l’été a été marqué par la parution de plusieurs exofictions. À la fin du printemps, Tatiana de Rosnay a ouvert le bal avec le très beau Poussière blonde, dans lequel elle parvient à saisir au vol un instant loin des projecteurs pour en faire la matière d’une fiction originale. À travers le regard de Pauline, femme de chambre d’un hôtel fastueux de Reno, où résidaient Marilyn Monroe et son mari Arthur Miller au moment du tournage de son dernier film, Les Désaxés de John Huston (1961), elle offre à l’actrice son rôle le plus émouvant, celui d’une icône au bout du rouleau qui se mue en ange gardien d’une féminité brisée.

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Chaque année, aux premières lueurs de l’été, on guette le nouveau roman de Stéphanie des Horts en quête de notre dose de glamour et de cruauté. En plus de 15 ans et presque autant de livres, elle est devenue la reine incontestée de la biographie romancée. Son œuvre est un savoureux trombinoscope littéraire des héroïnes sulfureuses et scandaleuses qui ont su se frayer une place parmi les hommes.

Après l’intrigante Doris Delevingne ou la séductrice Sara Murphy, après les sœurs Livanos et Bouvier ou l’espionne Betty Pack, elle s’attaque cette fois dans Carolyn et John à la socialite américaine Carolyn Bessette et au couple mythique qu’elle formait avec John John, fils de John Fitzgerald Kennedy. Au cœur de ces années 1990 fulgurantes, qui font rimer glamour et excès, leur beauté insolente et leur vie de rêve fascinent, mais, en coulisses, c’est la descente aux enfers sur fond de drogue et d’adultère. Avant le crash qui choquera l’Amérique tout entière et coûtera la vie à ces amants maudits.

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Avec Le Barman du Ritz, Philippe Collin nous a offert l’exofiction de l’été. L’homme de radio, voix emblématique de France Inter, raconte dans son premier roman la folle histoire vraie de Frank Meier, barman du Ritz pendant l’Occupation. Une légende du cocktail adorée des plus hauts dignitaires nazis, mais surtout un résistant juif qui fut, en secret, un précieux allié des Alliés.

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Au bruit des glaçons qui s’entrechoquent et des shakers qui s’agitent, Philippe Collin peint une fresque érudite, mais romanesque à souhait. Car le bar du Ritz est en fait un modèle réduit de la France occupée. Nazis, collabos, témoins passifs ou résistants qui se dissimulent : chacun joue sa partition et Frank Meier a le plus beau rôle.

Une rentrée placée sous le signe de l’exofiction

Parmi les 600 et quelques livres qui garnissent une rentrée littéraire touffue, nombreux sont ceux qui fraient de près ou de loin avec l’exofiction. Le plus souvent, dans la lignée d’un Stefan Zweig – peut-être le maître incontesté du genre, qui s’est penché tour à tour sur Marie-Antoinette ou le navigateur Magellan –, l’exofiction se pique surtout de figures épiques, héroïques, qui ont marqué l’histoire du sceau de leurs exploits.

Pour sa première rentrée littéraire et sa première incursion dans la « Blanche », Olivier Norek est parti sur les traces d’une figure mythique, née au cœur d’une guerre méconnue, celle opposant en 1939 l’URSS à la Finlande. Attaqué par une immense armée, le petit pays scandinave va résister pendant des mois et même pousser l’URSS à l’affront ultime, signer un traité de paix humiliant. Cette résistance héroïque, incarnation flamboyante du Sisu finlandais, est en partie due aux dons d’un homme, Simo Hayha, plus grand sniper de l’histoire, surnommé « la mort blanche » pour sa capacité à ne faire qu’un avec la nature et la neige au moment de tirer.

Pour Les Guerriers de l’hiver, Olivier Norek est parti enquêter sur le terrain, comme il nous l’a raconté, a rencontré des personnes de son entourage et des snipers aguerris pour mieux pénétrer l’âme de ce héros national, responsable de la mort de près de 700 soldats russes sans jamais rien céder aux traits du monstre sanguinaire.

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Sept ans après son prix Renaudot pour La Disparition de Josef Mengele (2017), traque romanesque du plus odieux des médecins SS dans sa nouvelle vie sud-américaine, Olivier Guez s’ancre à une nouvelle figure historique, glorieuse cette fois, pour marquer de son empreinte la rentrée littéraire. Gertrude Bell fut l’égale de son grand ami, l’illustre Lawrence d’Arabie.

Fille d’une riche famille d’industriels anglais, marquée à vie par un premier voyage au Moyen-Orient à 24 ans, à la fois exploratrice et espionne, elle est, au sortir de la Première Guerre mondiale, une figure reconnue et crainte au cœur des jeux d’influence orientaux, sur fond de colonisation, de trésors archéologiques et de gisements pétroliers. Énième femme puissante invisibilisée dans des livres d’histoire écrits par les hommes, elle se voit offrir par Olivier Guez un majestueux mausolée littéraire.

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Le motif de la femme de l’ombre est d’ailleurs une des thématiques les plus riches et bouillonnantes de l’exofiction. Une conséquence directe de la déferlante #MeToo, de la libération de la parole des femmes et de la revalorisation de leur place dans l’histoire. Dans Les Sept Maisons d’Anna Freud, Isabelle Pandazopoulos s’intéresse à la vie et à la personnalité de la fille de Sigmund Freud.

À travers elle, elle nous fait revivre les derniers instants du géant de la psychanalyse. À la fois saga familiale, quête d’émancipation féminine d’une fille malade qui veut être autre chose qu’une simple patiente, et plongée érudite dans une science aux contours troubles, le livre est aussi passionnant que touchant.

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Même mode opératoire pour Anna Funder dans L’Invisible Madame Orwell. Dans une intrigante biographie romancée, l’écrivaine australienne lève le voile sur Eileen O’Shaughnessy, figure énigmatique entourant l’œuvre de George Orwell. Passionnée de 1984, l’autrice a découvert lors d’une de ses innombrables lectures la mention de cette femme qui ne fut autre que la première épouse du géant des lettres mondiales. Elle s’est donc lancée sur les traces de cette influence de l’ombre qui joua un rôle décisif dans la fabrication d’une œuvre culte.

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Bien plus qu’une simple entreprise d’hagiographie romanesque, l’exofiction serait donc également une littérature engagée qui entend réparer les manquements de l’histoire ? À méditer.

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