Le nouveau thriller du cinéaste suit un tueur en série piégé dans un stade lors d’un immense concert et tient principalement debout grâce à la performance de son acteur principal, Josh Hartnett.
À chaque nouveau film de M. Night Shyamalan, la question est la même : est-ce que le cinéaste a retrouvé les fulgurances de ses débuts ? Si Trap n’atteint pas les sommets de sa filmographie, il parvient sans mal à rappeler que le réalisateur a non seulement beaucoup de choses à dire, mais qu’il sait les mettre en scène avec talent, quelques mois après le réjouissant Knock at the Cabin (2023).
Derrière son postulat de départ simple, mais aguicheur, Trap se révèle plus profond et aborde de nombreuses thématiques.
Lors d’un concert d’une star de la pop, un père de famille (Cooper, interprété par Josh Hartnett) réalise que la salle est cernée par les forces de l’ordre et que chaque homme est interrogé par les policiers.
Cooper apprend vite que le concert sert, en réalité, de couverture pour trouver et arrêter un tueur en série baptisé « Le Boucher ». Ce dernier n’est nul autre que Cooper qui va alors tenter de sortir par tous les moyens, sans éveiller les soupçons de sa fille.
Josh Hartnett porte le film
Trap démarre donc comme un huis clos et suit le personnage interprété par Josh Hartnett à mesure qu’il essaie de comprendre la situation et de trouver un moyen de s’échapper. Le film utilise les décors du concert pour varier les séquences, multiplier les tableaux et les situations, sans jamais se perdre dans un schéma interminable ou répétitif. Et, dès le début, le film joue ainsi sa carte maîtresse : Josh Hartnett.
L’acteur, au parcours atypique à Hollywood, excelle dans ce rôle de composition ambigu et inquiétant. Entre le charme et le charisme, il cache sa véritable nature et parvient à s’extirper des situations les plus compliquées. Le film est rempli de facilités scénaristiques – Cooper parvient à accomplir beaucoup (trop) de choses –, mais elles servent un propos, car dans son film, M. Night Shyamalan s’intéresse avant tout aux rapports humains.
Il montre comment certaines personnes peuvent s’extirper de situations complexes lorsqu’elles font fi des conventions sociales ou des usages attendus. Trap plonge dans la psyché d’un homme complexe et dérangé qui ose. Parfois pour une action anodine, parfois pour beaucoup plus.
Lors de ce huis clos, M. Night Shyamalan parvient à tout faire passer grâce à sa mise en scène. En filmant de près les visages et les regards – qui fixent régulièrement la caméra –, il accentue l’aspect anxiogène et nerveux de son film, et impose un rythme soutenu dès la première seconde. Le cinéaste sait où il veut aller et ne perd pas de temps. Shyamalan, plébiscité et reconnu pour ses nombreux retournements de situation, ne manque pas de lancer par moments son thriller dans d’autres directions, lui permettant d’aborder différents thèmes et de lier son film au reste de sa filmographie.
Des obsessions familières
Comme dans Split (2016), il parle des monstres intérieurs et, comme dans Le Village (2004), il questionne l’importance de protéger sa famille et de voir au-delà des apparences. Film aux nombreuses obsessions qui ne fait aucune concession concernant son aspect ludique et accrocheur, Trap joue sur plusieurs tableaux – comme son personnage principal –, au risque de perdre parfois son public à cause de l’invraisemblance de l’histoire ou de l’entourloupe de trop.
M. Night Shyamalan a visiblement beaucoup de choses à dire dans Trap et il lui arrive même de lancer des thématiques en une ou deux phrases seulement, au fil de dialogues pertinents noyés dans le bruit permanent d’un concert.
Basé à Philadelphie, le long-métrage questionne ainsi la situation immobilière de la ville et la misère sociale, rappelant le propos d’un autre film d’horreur ayant fait sensation en 2022, Barbarian, qui se passait à Détroit et développait tout son propos autour de l’abandon des zones résidentielles éloignées des centres-ville.
C’est finalement l’essence même du cinéma de M. Night Shyamalan. Derrière l’aspect divertissant et spectaculaire, le réalisateur a toujours enrichi ses œuvres de nombreuses réflexions. Le regard du réalisateur sur son époque et son pays ancre ainsi Trap dans le temps et l’espace : folie des stars de la pop, crainte et sécurité des États-Unis, divertissement à travers le macabre, misère sociale et immobilière, relations familiales et représentation de la famille selon l’Amérique…
Trap brasse beaucoup de sujets, risque parfois l’overdose ou le manque de cohérence, mais conserve l’efficacité quasi primaire du cinéma de M. Night Shyamalan. À cela s’ajoute le mélange des genres qui confère au thriller son aspect imprévisible, mais surtout la performance habitée de son acteur principal, Josh Hartnett, qui s’offre l’un des meilleurs rôles de sa carrière.
Trap, de M. Night Shyamalan, avec Josh Hartnett, Ariel Donoghue et Saleka Shyamalan, 1h45, au cinéma le 7 août 2024.