Fin septembre, une étude sur la confiance envers les IA et les robots a révélé deux chiffres étonnants : 42 % des personnes interrogées approuvent le fait d’avoir des relations sexuelles avec un robot et 39 % une potentielle relation amoureuse avec une intelligence artificielle. Une autre étude de 2013 donnait un chiffre bien différent : 9% des Américains interrogés voulaient avoir des relations sexuelles avec un robot. Comment l’opinion a-t-elle pu évoluer à ce point en moins de dix ans ? À quoi ressemble ce type de robots aujourd’hui ?
Cette progression entre 2013 et 2021 de l’acceptation des relations sexuelles avec un robot est étonnante et on pourrait se demander ce qui a causé un tel changement. « Difficile à dire, admet l’informaticienne Kate Devlin, qui a publié le livre Turned On: Science, Sex and Robots sur ce sujet en 2018. Peut-être que l’opinion a changé parce que les technologies ont évolué depuis et parce que les médias en parlent plus, donc les gens sont plus en mesure de voir ça comme une possibilité. »
L’intelligence artificielle, une part grandissante de notre imaginaire et de notre quotidien
En effet, c’est vers l’année 2013 que l’on commence à aborder réellement ce sujet dans les médias et la pop culture. Le film Her de Spike Jonze, qui a obtenu l’Oscar du meilleur scénario cette année-là, mettait en scène Joaquin Phoenix qui tombe amoureux d’une intelligence artificielle interprétée par Scarlett Johansson. La série suédoise Real Humans, sortie en 2012, était centrée sur les relations entre les humains et les robots, y compris amoureuses. Enfin, le premier épisode de la deuxième saison de Black Mirror, sorti en 2013, racontait l’histoire d’une femme se retrouvant avec un androïde qui n’est autre qu’une copie conforme de son compagnon décédé.
Du côté des technologies, il faut aussi se rappeler que les assistants vocaux étaient encore très récents : celui d’Apple, Siri, est sorti en 2011 et celui d’Amazon, Alexa, en 2014. Parler à voix haute à une intelligence artificielle, ne serait-ce que pour lui demander de démarrer une playlist, était un peu étrange pour le grand public. Aujourd’hui, communiquer avec une intelligence artificielle au quotidien n’est plus aussi incongru, même si l’on ne peut pas parler de relation à ce stade.
Entre 2013 et 2021, un événement particulier a chamboulé les relations interpersonnelles à l’échelle planétaire : la pandémie de Covid-19. Confinements, fermeture des bars, restaurants et lieux culturels, gestes barrières… ont forcé des milliers de célibataires à le rester et ont rendu le quotidien des couples plus routinier. Tout cela a bien sûr eu des conséquences sur le marché des sex toys, y compris les poupées hyperréalistes, dont les ventes ont explosé depuis 2020. Cette tendance se confirme chez les quelques fabricants de robots sexuels, déclarant une augmentation des ventes de plus de 50 %, particulièrement chez les hommes célibataires de plus de 50 ans. Et ce, alors qu’ils coûtent plusieurs milliers d’euros.
Il est probable que les personnes interrogées dans ces études imaginent une version parfaite de ces robots, presque indissociable d’un être humain. En 2021, on en est encore loin.
Plus des poupées parlantes que des vrais robots
« Il n’y a pas de vrais robots sexuels disponibles commercialement aujourd’hui, uniquement des prototypes, prévient Kate Devlin. Seule une poignée de marques essaie d’en fabriquer : deux aux États-Unis et deux en Chine. Ces prototypes sont essentiellement des poupées avec un peu de mécanisation. »
La marque la plus connue dans les pays occidentaux est RealDoll. Elle fabrique des poupées articulées dont la tête est robotisée et le vagin muni de capteurs. Elles peuvent cligner des yeux, tourner la tête, faire différentes expressions faciales et parler. Une intelligence artificielle, aussi accessible via une application mobile, permet de choisir entre plusieurs « personnalités ». Il est donc important de noter que, contrairement à l’idée que l’on peut se faire d’un robot humanoïde, elles ne peuvent pas encore bouger.
Reste à savoir ce que le futur réserve à ce secteur très particulier, mais Kate Devlin est dubitative : « Je pense que le marché du robot sexuel est plutôt limité. Les robots hyperréalistes sont incroyablement difficiles et chers à créer. Je ne pense pas que beaucoup de personnes auront un robot sexuel de mon vivant. » Une grande partie des propriétaires de poupées hyperréalistes cherchant aussi simplement une présence rassurante dans leur quotidien, elle pense que l’avenir de ce secteur est ailleurs : « Le scénario le plus probable est l’intelligence artificielle ou des compagnons intimes virtuels. Nous voyons déjà des utilisations dans ce domaine, avec des personnes qui forment des liens avec des chatbots comme RealDollX, Replika ou Gatebox. »
Une probabilité que RealDoll prend en effet très au sérieux, à en croire le site Internet de son intelligence artificielle RealDollX, avec l’arrivée prochaine de la réalité augmentée et de la réalité virtuelle parmi ses services.