Entre dark fantasy, science-fiction et manga de baston, le mois de juin a été rythmé par la sortie de nombreuses pépites.
Alice in Kyoto Forest, de Mai Mochiduki et Niwa Haruki
Alice au pays des merveilles fait partie de ces œuvres qui ont connu de (très) nombreuses réécritures et adaptations. De Tim Burton à Disney en passant par Neil Gaiman, la jeune fille a inspiré des artistes de renom. Parue ce mois-ci aux éditions Delcourt Tonkam, sa nouvelle réinterprétation nous vient du Japon.
Comme son nom l’indique, Alice in Kyoto Forest nous embarque dans une aventure dans un Kyoto ancestral et énigmatique. Originaire de cette ville, l’héroïne est contrainte de déménager dans le nord du Japon après le décès de ses parents. Elle est alors recueillie par sa tante, qui lui réserve un accueil des plus chaleureux – contrairement à son oncle, qui ne supporte pas le fait d’avoir une étrangère et une bouche supplémentaire à nourrir sous son toit.
Dévastée par la mort de ses proches et par le rejet de sa nouvelle famille, l’adolescente trouve du réconfort dans les livres. Le temps passe et ces derniers lui permettent de s’évader l’espace de quelques heures, d’aspirer à une vie meilleure et de découvrir un tout nouveau monde, rempli de geishas et de leurs apprenties, les maikos.
Fascinée par cet univers et motivée par l’idée de commencer une nouvelle existence, libre et plus légère, elle décide de suivre une formation pour devenir elle-même une professionnelle, dans son Kyoto natal. Cependant, ce retour aux sources est bien plus troublant que prévu. La ville a (beaucoup) changé durant ces huit ans d’absence, et elle est frappée par de nombreux phénomènes surnaturels. Commence alors une grande aventure magique, pleine de mystères et de personnages étonnants.
Alice in Kyoto Forest, de Mai Mochiduki et Niwa Haruki, paru le 5 juin chez Delcourt Tonkam.
Dark Souls Redemption, de Julien Blondel et Shonen
Après avoir conquis le monde des jeux vidéo, Dark Souls s’attaque au manga avec son monde sombre, son histoire cryptique et sa difficulté redoutable. Adapter un univers aussi légendaire était un défi que Julien Blondel et Shonen ont relevé avec le premier tome de leur série. Contrairement à la version papier d’Elden Ring, qui optait pour la comédie, cette adaptation reste fidèle au ton grave des jeux, sans suivre strictement le lore de FromSoftware.
L’intrigue ne se déroule pas dans un cadre familier des jeux, mais l’impression de désolation y est omniprésente dès les premières pages. Il faudra attendre quelques tomes pour évaluer la qualité du scénario, mais ce premier volume promet un récit sombre et épique. Les personnages et créatures, des chevaliers fantômes aux dragons menaçants, s’intègrent parfaitement dans l’univers Dark Souls.
Shonen réussit aussi à capturer l’atmosphère unique de la saga, s’inspirant de Kentarō Miura pour les designs des monstres tout en conservant son propre style. Les panoramas et les combats sont dynamiques et lisibles, contribuant à une ambiance immersive. Les 216 pages se lisent rapidement, accentuées par une section artbook de 26 pages dévoilant le processus créatif. Dark Souls Redemption est une agréable surprise, visuellement superbe et prometteuse, séduisant à la fois les fans de la première heure et les amateurs de dark fantasy.
Dark Souls Redemption, de Julien Blondel et Shonen, paru le 6 juin chez Mana Books.
Nine Peaks, de Tetsuhiro Hirakawa
Tetsuhiro Hirakawa adore les fripouilles. Shonan bakusozoku, Slam Dunk, Combat sans code d’honneur… Les influences du mangaka se ressentent dans ses récits et ses héros. L’artiste est aussi connu pour son sens du détail, sa capacité à retranscrire les scènes de baston sur le papier, mais aussi à dépeindre la vie quotidienne. Une maîtrise qui a permis à sa série Clover d’atteindre les sommets avec, notamment, une déclinaison en 43 volumes et sept millions d’exemplaires vendus. Dix-sept ans après ce succès majeur, l’auteur est de retour avec un manga très prometteur : Nine Peaks.
On y retrouve son goût pour la bagarre, mais aussi des thématiques qui lui sont chères comme l’amitié, la filiation et l’amour de la famille. Tout commence quand Gaku, 16 ans, assiste aux funérailles de son père. Noyé dans la foule qui est venue rendre hommage à son aîné, le lycéen réalise qu’il « avait dû être quelqu’un d’important à un moment de sa vie ». Bouleversé par cette perte, le jeune homme décide de renouer avec l’activité favorite de son papa : la pêche.
Malencontreusement tombé à l’eau, il est finalement sauvé par un garçon de son âge aux airs badass qui n’est autre que son père (beaucoup plus jeune). Propulsé dans le passé, Gaku va vivre une aventure étonnante aux côtés de son paternel en lui prêtant main-forte dans une guerre de gangs. Retour vers le futur à la sauce Tetsuhiro Hirakawa, Nine Peaks est une petite pépite à dévorer de toute urgence.
Nine Peaks, de Tetsuhiro Hirakawa, paru le 6 juin chez Ki-oon.
Spriggan (Perfect edition), d’Hiroshi Takashige et Ryōji Minagawa
Indiana Jones, Lara Croft, Benjamin Gates… La pop culture a façonné des archéologues hors du commun. Loin des spécialistes minutieux, patients et sans histoire de la réalité, ces héros et héroïnes nous entraînent dans des aventures épiques et fascinantes. En 1989, Hiroshi Takashige et Ryōji Minagawa partageaient déjà cette volonté de conter à leurs lecteurs une histoire remplie d’artefacts anciens, d’éléments fantastiques, mais aussi d’action et de combats. Les mangakas ont alors imaginé Spriggan, un récit qui nous plonge à la fin du XXe siècle, alors qu’une vieille tablette est découverte dans les profondeurs marines.
Cette dernière porte une inscription en hébreu : « À vous, âmes bienveillantes… Nous vous adressons un message. Sur cette planète existaient différentes civilisations. Mais elles sont sur le point de disparaître. En cause, les limites de notre espèce, les guerres nées des différences entre les peuples, engendrant ruine et désolation… Nous prions pour que vous ayez un avenir. Aux quatre coins du monde, nous vous laissons les fragments de nos multiples civilisations. Or, si vous n’êtes pas aptes à recevoir cet héritage, puisse-t-il être scellé afin qu’il ne tombe aux mains de ceux qui l’utiliseraient pour nuire. Vous ne devez pas suivre le même destin que nous. »
Un message intrigant, qui a marqué le début d’une aventure devenue culte. En effet, le manga a séduit des lecteurs aux quatre coins du monde, a inspiré un jeu vidéo dans les années 1990, et s’est décliné en un film d’animation supervisé par Katsuhiro Ōtomo (Akira) lui-même. Plus de 30 ans après sa parution, la BD japonaise continue de faire l’actualité. Netflix s’est emparé de son histoire pour l’adapter en série et Panini manga a offert une nouvelle vie au manga en faisant paraître une Perfect edition. L’occasion de (re)découvrir ce monument de la littérature.
Spriggan (Perfect edition), d’Hiroshi Takashige et Ryōji Minagawa, paru le 12 juin chez Panini manga.
Contes fabuleux de la nuit, de Miyako Miiya
Ma mamie adorée, Le voyage d’Ours-Lune, La Forêt magique de Hoshigahara… La collection
« Le Renard Doré » (Rue de Sèvres) est LA révélation de cette année. La maison d’édition fait un sans-faute, sortie après sortie, ne cessant d’affirmer sa capacité à raconter des histoires intimes, touchantes et poétiques.
Paru ce mois-ci, Contes fabuleux de la nuit s’inscrit clairement dans cette tradition. Le manga, qui réunit 14 récits courts pour les adolescents, capture le quotidien de ses héros dans des dessins étonnants et sombres. Le lecteur se laisse porter et bercer par les aventures contées par la grand-mère, acceptant volontiers de plonger dans ces univers surprenants et émouvants.
Tour à tour, elle nous embarque dans les périples d’une « sorcière calamiteuse » qui ne l’est pas tant que ça, d’un jeune garçon qui échappe à la mort grâce à son esprit vif et ingénieux, ou encore d’un canard qui n’a rien d’un canard. Avec son air naïf et ses réflexions profondes, Contes fabuleux de la nuit est le genre de manga qui nous fait sourire, de la première à la dernière page, et qui nous reste un long moment en tête après l’avoir refermé.
Contes fabuleux de la nuit, de Miyako Miiya, paru le 19 juin chez Rue de Sèvres.