Les téléfilms de Noël sont de retour et vont accompagner les siestes post-prandiales jusqu’au retour des beaux jours. Face à leur succès inébranlable, la question se pose : quelle est leur recette miracle ?
Des lumières, des guirlandes, des sapins, du rouge, de l’or, de la neige, un père Noël, une situation normale et puis un drame, des disputes et des réconciliations… Chaque année, c’est le même refrain, le même scénario et les mêmes décors. Pourtant, les chiffres sont de plus en plus impressionnants. En 2020, TF1 et TMC parlaient de deux millions de téléspectateurs par jour. Une fois Halloween passé, les histoires de Noël fleurissent un peu partout sur nos écrans. Et l’avènement des plateformes en ligne n’y a rien changé… au contraire. Elles promeuvent tout autant – si ce n’est plus – les téléfilms de Noël que la télévision.
Les téléfilms de Noël sont aussi vieux que le cinéma
À vrai dire, les films de Noël ont toujours existé. Depuis l’invention du cinéma en 1895, les producteurs ont très vite compris que leur art suivrait les saisons et le premier du genre a vu le jour en 1898. Il s’appelait Père Noël et a été tourné par un réalisateur britannique du nom de George Albert Smith. En France, c’est Georges Méliès qui s’y est collé en premier à partir de 1900 avec Rêve de Noël. S’il est difficile de comparer ces premiers essais avec les productions d’aujourd’hui, on retrouve déjà ce fameux esprit magique : des enfants impatients, de la neige, de la joie de vivre, des adultes qui dansent et des cadeaux.
Mais c’est à partir des années 1930 que le cinéma se lie définitivement avec Noël. Le succès au box-office de ces comédies dramatiques en doudounes, telle que Le Miracle de la 34e rue (1947), pour ne citer qu’elle, marquent un tournant. Chaque fin d’année aura désormais son lot d’histoires qui se finissent autour d’un feu de cheminée et de manière beaucoup trop parfaite. Le film de Noël devient aussi téléfilm de Noël avec la démocratisation de la télévision dans les années 1960.
Avec les téléfilms de Noël, tout est permis
La sortie de La Vie est belle, en 1946, accélère ce changement. Échec commercial en salle, le film de Frank Capra devient finalement un classique du genre à la télévision quelques années plus tard. L’industrie du cinéma se rend compte qu’il est bien plus rentable de diffuser sur petit écran. La prise de risque et les coûts sont limités, et le téléspectateur est moins exigeant. Emmanuel Ethis, sociologue du cinéma, approfondit : « C’est vraiment un genre à part. Ce sont des films assez rapidement faits. Et puis, surtout, c’est une période de l’année où tout est possible, on baisse la garde, c’est le moment de la réconciliation. Un moment où tout déborde de bons sentiments et il faut que ça se voie. »
Une aubaine pour les vendeurs de DVD d’abord et pour les plateformes aujourd’hui. Toute l’industrie du cinéma s’y retrouve : des producteurs aux réalisateurs, en passant par les acteurs. Des tournages courts, des investissements réduits, des recettes énormes. « De plus en plus de stars s’y mettent, parce que c’est une fête sans prise de tête, ajoute Emmanuel Ethis. Si De Niro jouait dans un de ces films, personne ne lui reprocherait. On retrouve aussi l’esprit de Noël dans la manière d’interpréter les choses. Claude Levi Strauss le disait dans son livre Le Père Noël supplicié : tout est permis à ce moment-là. » Les Netflix, Disney et consorts l’ont bien compris. Ce n’est pas pour rien que de plus en plus d’acteurs et actrices en tout genre s’y mettent, comme Zooey Deschanel (New Girl), Peter Dinklage (Game of Thrones) ou encore Neil Patrick Harris (How I Met Your Mother).
La recette : du kitsch, de la sieste et de beaux décors
Aujourd’hui, au même titre que les pulls de Noël ringards, ces films sont devenus cool. Emmanuel Ethis parle même de chefs-d’œuvre pour Love Actually, Maman j’ai raté l’avion ou encore Noël chez les Cooper. Et peu importe que les scénarios, les dialogues et le jeu des acteurs ne soient pas toujours léchés. Après tout, ce n’est pas ce que le spectateur recherche. Comme le sapin, c’est presque une manière de décorer son intérieur aux couleurs de la saison. C’est un tapis sonore. « Avec les téléfilms de Noël, on peut décrocher, faire la sieste et revenir en comprenant toujours ce qu’il se passe », théorise le sociologue du cinéma.
Il résiste à tout. Aux siestes donc, au temps qui passe, aux évolutions technologiques et même au Covid. Les chiffres de l’année dernière sont parmi les meilleurs enregistrés par les diffuseurs. Selon une étude menée sur 2 000 Américains par le site People, 80 % des personnes interrogées ont affirmé qu’elles en avaient regardé plus en 2020 que les années précédentes. Éprouvé, efficace, résistant : le téléfilm de Noël a encore de belles années devant lui.