Longtemps pointés du doigt (sans preuve scientifique) pour justifier la violence d’un individu, les jeux vidéo ont été réhabilités par plusieurs études qui soulignent leurs bienfaits. Pour de nombreuses personnes, jouer contribue à améliorer la santé mentale. Témoignages.
« À l’annonce du premier confinement en mars 2020, j’avais peur, se souvient Louise, 26 ans. Je craignais pour ma santé, pour mon travail, pour mon avenir. C’est à ce moment que mon copain m’a fait découvrir Animal Crossing sur Switch. Je n’avais jamais joué sur une console avant ça et j’ai tout de suite adhéré. Ça me permettait de penser à autre chose qu’à l’épidémie : mon seul problème était alors de savoir comment rembourser Tom Nook [un personnage auquel on souscrit des emprunts dans le jeu, ndlr]. »
Comme Louise, des millions de joueurs et joueuses ont (re)découvert les joies du gaming pendant ces deux mois passés entre quatre murs. Vecteur de lien social, manière de réduire le stress ou de s’évader : les jeux vidéo présentent de nombreux bienfaits pour la santé mentale.
“Une colère en moi et un besoin de l’extérioriser”
Pendant longtemps, on a plus volontiers établi un lien entre les œuvres vidéoludiques et la violence, principalement lorsqu’une tuerie de masse survenait aux États-Unis. Pourtant, « les études ne montrent pas de lien de causalité entre un jeu violent et un comportement violent », rappelle Vanessa Lalo, psychologue clinicienne spécialiste des pratiques numériques, sur France Culture.
C’est même le contraire puisqu’une étude de 2020, menée par Andrew K Przybylski, professeur en Comportement humain et technologie à l’université d’Oxford, admet une corrélation entre le gaming et le bien-être. Le cas de Louise, dont les parties d’Animal Crossing l’ont aidée à supporter un moment difficile, n’est pas isolé.
Pour Paul*, 24 ans, cela a commencé dès l’adolescence. « J’ai subi un abus sexuel durant l’enfance. Il a donné lieu à un procès, mais je me suis rendu compte en grandissant que les psychologues ne m’avaient pas beaucoup accompagné. Ajoutons à cela un père qui est un “sacré personnage” et on peut dire que j’avais une colère en moi et un besoin de l’extérioriser. J’ai beaucoup joué à Tekken puis à Grand Theft Auto, où j’ai tué pas mal de monde. Mais cette violence n’était pas le principal attrait. Ce que j’aime dans les jeux, c’est la grande sensation de liberté qu’ils procurent, en particulier dans les open-world. En jouant, je reprends le pouvoir de narration. C’est pourquoi j’ai également passé énormément d’heures sur Les Sims. »
Les RPG, les jeux qui profitent le plus à la santé mentale
S’il a toujours le CD des Sims 2 à portée de main comme on garderait son doudou dans un placard, Paul lance le jeu beaucoup moins souvent qu’avant. « J’y ai surtout joué quand je me sentais seul : que ce soit chez mon père ou chez mes grands-parents, ou quand j’ai déménagé, au collège. Je créais toujours des histoires assez éloignées de ma propre vie. J’abusais des codes pour avoir de l’argent en illimité, car mon objectif était de fabriquer mon scénario, pas d’avancer dans le jeu. C’était un exutoire et ça a été un moyen de développer ma créativité », glisse celui qui est devenu scénariste et acteur.
De son côté, Lucas, 31 ans et « gros gamer » depuis ses 5 ans, continue de jouer, mais de façon plus cyclique. « Dans mes moments de moins bien, les jeux vidéo ont toujours été un refuge. Désormais, il y a des phases où je sors souvent et vois beaucoup de monde. Mais j’ai aussi besoin de moments où je me pose, ne sors pas et fais des parties. Mes jeux fétiches sont la série The Elder Scrolls, Fallout, Mount and Blade Bannerlord : des titres qui te font entrer en immersion totale grâce à une histoire et un personnage. »
Rien d’étonnant à ce que les RPG ou les jeux en monde ouvert comme GTA soient cités : ce sont ceux qui profitent le plus à la santé mentale et au bien-être des joueurs selon une étude médicale menée en 2022 par trois chercheuses affiliées à un centre universitaire de Wellington, en Nouvelle-Zélande.
Au contraire, toujours d’après ces mêmes résultats, les personnes qui jouent à des jeux compétitifs en ligne sont celles qui bénéficient le moins des bienfaits psychologiques que peuvent avoir les jeux vidéo. Sur le sujet, on se souvient notamment du craquage, passé à la postérité, du streamer Kameto, évoquant le jeu League of Legends : « Depuis que j’ai repris LoL, c’est trop nul frère, je m’énerve pour rien alors que rien ne s’est jamais aussi bien passé [dans ma vie]. » D’autant que l’étude le précise : c’est un usage modéré qui peut avoir des bénéfices émotionnels, psychologiques et costauds, tandis qu’un usage excessif peut être nocif.
“Plus de dix ans plus tard, je me surprends à repenser à lui”
Pourtant, jouer en ligne offre ses propres types de bienfaits. « Ce sont des espaces de rencontre pour créer des amitiés. Dans certaines communautés de joueurs dites “saines”, c’est possible d’y chercher du soutien social : un environnement dans lequel on est accepté, écouté et où on trouve de l’empathie et du soutien », énumère dans une vidéo Elsa Brais-Dussault, psychologue clinicienne installée au Québec.
Un cas de figure dans lequel Lucas se reconnaît. Adolescent, il découvre les jeux en ligne avec le Xbox Live et s’inscrit dans une équipe compétitive sur le jeu Tom Clancy’s Ghost Recon. « Là-bas, j’ai rencontré quelqu’un qui a été un vrai ami pendant trois ans. On a continué à jouer ensemble très régulièrement sur d’autres jeux comme Halo ou Call of Duty. On se racontait des éléments personnels, nos galères de vie, on se conseillait. Même si je n’ai jamais vu sa tête, cela m’a aidé et a été un autre refuge que les jeux RPG. Un jour, il ne s’est plus connecté pendant une semaine, puis une deuxième et une troisième. Et nous n’avons jamais reparlé. Parfois, plus de dix ans plus tard, je me surprends à penser à lui. C’était vraiment un type cool. »
*Le prénom a été modifié