À l’occasion de la sortie de Vermines, premier long-métrage de Sébastien Vaniček, L’Éclaireur a rencontré Jérôme Niel, Sofia Lesaffre et Finnegan Oldfield. Préparation, tournage et Christopher Nolan, les trois acteurs sont revenus, avec humour et dérision, sur cette nouvelle proposition de cinéma de genre.
Étiez-vous arachnophobes avant de commencer le tournage de Vermines ?
Sofia Lesaffre : Complètement, mais ce film m’a guérie. Ça m’énervait d’avoir peur, car je ne comprenais pas pourquoi. J’avais envie d’aimer les araignées.
Jérôme Niel : Je n’ai franchement jamais eu peur. Ça ne m’enchantait pas, bien sûr, mais je n’en ai jamais tué. J’utilisais plutôt la technique du chiffon ou du sopalin. Pas celle du verre, car j’avais trop peur de la couper pile sur la tranche si elle bougeait ! Tu as voulu la libérer et, finalement, tu finis par la couper en deux [rires] !
Finnegan Oldfield : Avec le sopalin, tu te mens à toi-même parce que clairement, tu l’écrases. Tu te voiles la face, parce que tu le jettes par la fenêtre. Tu repousses le problème et tu te fais croire que tu ne l’as pas butée, alors que ton araignée est morte [rires].
Qu’est-ce qui vous a marqué à la lecture du scénario ?
J. N. : L’originalité de l’histoire dans le paysage français. Vermines possède une originalité que l’on n’a jamais vue. C’est très excitant, en tant que comédien, d’être attaché à des projets qui n’ont jamais été faits.
S. L. : Beaucoup de choses m’ont marquée à la lecture du script : le fait de recevoir un scénario original, des propositions qui ne correspondent pas à ce que je reçois d’habitude, un propos intéressant, le fait que ce soit avec des effets spéciaux, ou encore que ce soit un peu physique.
Par ailleurs, c’était très intéressant de jouer ce que mon personnage traverse émotionnellement. C’est aussi un beau film de bande. Hormis le côté horreur ou de genre, c’est un vrai long-métrage d’aventure. Sébastien Vaniček s’est concentré sur notre jeu, sur le jeu du réel, ce que les personnages traversent, ce qu’ils vivent entre eux, leurs relations, leurs connexions, et le parcours intime de chacun. Finalement, les araignées, c’était la cerise sur le gâteau [rires].
Comment se déroule le tournage d’un film de bande ? Comment avez-vous travaillé tous ensemble ? Avez-vous fait des propositions sur le plateau ?
F. O. : On a fait beaucoup de répétitions avec l’équipe et Sébastien. Quand on voulait lui proposer des choses, il fallait le convaincre, car il a ses idées. Si tu y parviens, ta proposition ou ta réplique sont intégrées au scénario. On a beaucoup travaillé avant le tournage. On a aussi eu accès aux décors et on a fait des répétitions sur les lieux. C’était super, ça nous a permis d’ajouter des choses.
S. L. : Il nous a toujours dit sur le tournage : “Si selon vous quelque chose cloche, il faut me le dire, car si vous vous le dites, le spectateur se le dira.” Il a toujours été à l’écoute de la bonne idée.
L’un des éléments marquants du film, c’est évidemment le huis clos. Quel challenge cela représente-t-il pour des comédiens ?
S. L. : Les décors nous ont vraiment aidés à nous plonger dans l’ambiance. On a pu compter sur les talents de l’équipe décoration. Leur travail a été incroyable. On tournait en studio pour tous les intérieurs. On avait à la fois la cuisine, la salle de bain, la chambre… Tout était collé, c’était très immersif.
J. N. : Vraiment, dédicace à l’équipe déco ! C’était fascinant, car on finissait des séquences et on passait dans une nouvelle pièce pendant qu’ils démontaient l’autre. Deux ou trois heures après, on jetait un œil dans l’ancienne salle de bain qui était devenue un salon. C’était fou !
Le film est à la fois un long-métrage d’horreur et de divertissement, mais aussi une métaphore sur les banlieues et les oubliés. Qu’espérez-vous déclencher comme réaction chez les spectateurs ?
S. L. : Je dirais qu’il ne faut pas imposer un propos. Je pense surtout qu’on le voit assez. On le comprend très bien. On ne va pas l’imposer au spectateur, car Vermines est avant tout un film de divertissement. Pendant le tournage, Sébastien m’a dit une phrase qui m’a marquée parce que l’on a les mêmes valeurs : “J’espère qu’avec ce film, les spectateurs vont vivre quelque chose, qu’ils vont, avant tout, ressentir quelque chose.”
J. N. : C’est ce que disait Christophe Nolan…
S. L. : Oui, je sais. C’est moi qui lui ai dit !
J. N. : Non, mais Christopher Nolan disait vraiment ça aux gens qui cherchaient à comprendre ses œuvres ! Il leur disait : “N’essaie pas de comprendre, ressens.” Après, c’est facile de dire ça quand on fait des films qui n’ont ni queue ni tête [rires]. Effectivement, ça ne sert à rien de réfléchir, parce que ça n’a aucun sens [rires] ! On ne peut QUE ressentir quelque chose, parce que ça part à vau-l’eau. Tenet (2020), par exemple, tu ne peux que ressentir. Il est allé trop loin, attention le petit ego, Chris !
F. O. : J’ai beaucoup aimé Tenet, mais je n’ai rien compris. Après, tu me diras, lui non plus n’a rien compris [rires] ! Tout le monde a ressenti, même ses comédiens.
Quelle vision avez-vous du cinéma de genre français ?
F. O. : Je me souviens de La Nuit a dévoré le monde (2018). C’était un film d’auteur de zombies, sorti il y a quelques années. J’étais allé le voir au cinéma avec des amis. Ils n’avaient pas du tout accroché. Ils ne comprenaient pas comment on pouvait faire un film de zombies en France. Moi, en revanche, j’avais adoré et je suis content que le cinéma de genre explose aujourd’hui, avec Le Règne animal, notamment. Je suis heureux qu’on arrive tous en même temps, avec des esprits complètement différents.
S. L. : Plus on en fera, plus on aura la chance de faire de bons films de genre. Ça donnera de plus en plus envie de les financer.
J. N. : Les plateformes jouent un grand rôle là-dedans, parce qu’elles sont plus à même de prendre des risques. Typiquement, pour Vermines, le projet se fait au cinéma grâce à Netflix. Sans eux, ce film n’aurait pas existé. On fait partie d’une mouvance, mais, en même temps, il y a quelque chose qui va se faire avec les plateformes grâce auxquelles il y a un éventail énorme de longs et courts métrages proposés.
À l’heure où on regarde tous des films de Noël, qu’est-ce qui fait que Vermines est le long-métrage idéal de cette fin d’année ?
J. N. : Les films de survie et de genre se partagent. J’ai regardé tellement de films d’horreur au cinéma, que ce soit avec mes amoureuses ou mes amis de l’époque…
S. L. : Tu y allais avec toutes tes amoureuses en même temps [rires] ?
J.N. : Oui, je fais ça chaque année [rires].
F. O. : Ah oui, donc tu loues la salle en fait [rires] !
J. N. : Plus sérieusement, je vais rarement tout seul au cinéma, car c‘est quelque chose qui se partage. Quand on a fait des avant-premières, je me suis souvent mis en retrait pour voir comment les spectateurs réagissaient. J’ai vu des gens qui s’agrippaient à d’autres personnes, d’autres qui se cachaient les yeux… C’est la substantifique moelle de l’émotion au cinéma. J’aime quand on réagit physiquement à ce qu’il se passe sur grand écran. Je me souviens d’une séance pour le film d’horreur Rec (2007), le public s’est soulevé en même temps dans la salle, quand le personnage ouvre une trappe à la fin du film. On a tous sauté ensemble, c’était dingue.
Quelles sont les œuvres qui vous ont marqué cette année ?
S. L. : J’ai découvert un film d’animation qui s’appelle Mon ami robot. Il sort le même jour que Vermines. C’est sublime !
F. O. : J’ai une dé-recommandation, c’est Mon ami robot [rires]. Je plaisante, je ne me fais pas du tout de souci, ce n’est pas la même ambiance. C’est bien qu’il y en ait pour tous les goûts ! Ma vraie recommandation, c’est Le Règne animal.
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J. N. : Moi, je dirais que c’est le dernier Scorsese, Killers of the Flower Moon. Je craignais les trois heures de film, mais l’histoire est incroyable, d’autant plus quand on sait qu’elle est vraie. C’est quand même improbable de se dire que ça a vraiment existé, c’est terrible !
Je me fais surprendre à chaque nouvelle performance de Leonardo DiCaprio. À chaque fois, il me fait rager d’admiration. Quand je le découvre dans le film, pendant les cinq premières minutes, avec son menton en avant, je me dis que ça ne va pas marcher, que l’on dirait le SAV d’Omar et Fred. Je me dis qu’il va droit dans le mur ! Sauf qu’il te fait exister le personnage avec ses dents pourries, et ça marche. J’avais envie de l’étrangler pendant le film, car il est aussi bête que doué [rires] ! C’est un acteur qui me fascine. Lily Gladstone est incroyable aussi. Il faut rendre à César ce qui est à César : ce que fait Martin Scorsese est parfait.
Vermines, de Sébastien Vaniček, avec Théo Christine, Jérôme Niel, Sofia Lesaffre, Finnegan Oldfield et Lisa Nyarko, 1h45, en salle le 27 décembre 2023.