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L’intelligence artificielle peut-elle causer la disparition de l’intelligence humaine ?

25 novembre 2023
Par Kesso Diallo
Actuellement, l'intelligence artificielle est loin de surpasser les humains.
Actuellement, l'intelligence artificielle est loin de surpasser les humains. ©Gorodenkoff/Shutterstock

Certains pensent que l’intelligence artificielle est une menace pour notre intelligence, mais qu’en est-il vraiment ?

ChatGPT, Dall-E, Stable Diffusion… Grâce à ces outils d’intelligence artificielle (IA), il est désormais possible de générer divers contenus, tels que du texte, des images ou des vidéos, à partir d’un simple prompt. Utiles dans de nombreux domaines, ils peuvent aider les étudiants comme les employés dans leur travail, leur faisant ainsi gagner du temps. Mais l’utilisation de ces outils ne représente-t-elle pas un danger pour l’intelligence humaine ?

Vers une disparition de l’école ?

Certains pensent en effet que l’IA est une menace pour notre intelligence. C’est le cas de Laurent Alexandre, chirurgien, qui tire la sonnette d’alarme dans son dernier ouvrage, La Guerre des intelligences à l’heure de ChatGPT.

« Le fondateur de ChatGPT, Sam Altman, a pour objectif de fabriquer une intelligence artificielle (IA) supérieure à l’intelligence humaine. Il s’agit d’une rupture majeure avec le monde dans lequel Homo Sapiens vit depuis son apparition. Un monde où, pour la première fois, il perd le monopole de l’intelligence », avertit l’écrivain.

« Ce qui, depuis la nuit des temps, requérait de l’apprentissage, le concours d’autrui, l’effort de notre corps et de notre esprit, va être frappé d’inutilité et d’obsolescence, pour nous voir réduits à des êtres ne faisant plus que des prompts. » 

Éric Sadin
Écrivain et philosophe

S’inquiétant du succès fulgurant du robot conversationnel d’OpenAI, il estime que l’arrivée de celui-ci « va considérablement concurrencer les cerveaux humains formés par l’école ». À l’heure où des établissements encouragent leurs élèves à utiliser le chatbot et où d’autres l’interdisent, Laurent Alexandre va jusqu’à suggérer que cette institution va disparaître.

« Au cours des prochaines années, l’école connaîtra certes une modernisation accélérée sous l’effet des technologies numériques, mais il s’agira en réalité des derniers feux d’une institution vouée à prendre place dans l’histoire au rayon des curiosités du passé, fondée sur une science approximative, au même titre que les sanatoriums », prévient-il. 

Un “promptisme généralisé” dans les prochaines années

Laurent Alexandre n’est pas le seul à penser que l’IA est un danger pour l’intelligence humaine. C’est aussi le cas d’Éric Sadin, écrivain et philosophe, qui considère que les systèmes comme ChatGPT vont à terme « tuer le génie qui est en chacun de nous ». Dans son dernier ouvrage, La Vie spectrale : penser l’ère du métavers et des IA génératives, il affirme que cette décennie et la suivante seront celles du « promptisme généralisé » à cause de ces outils qui nous permettent de « réaliser à terme la quasi-totalité de nos tâches tant cognitives que créatives ».

« Aucune des tentatives de vendre ces textes (…) n’a encore conduit à la production d’un best-seller (…) Cela ne veut pas dire que ChatGPT ne puisse pas être un outil d’aide à la création, ni que certains textes brefs écrits par des IA ne puissent faire illusion. »

Alexandre Gefen
Critique littéraire et chercheur universitaire

« Ce qui, depuis la nuit des temps, requérait de l’apprentissage, le concours d’autrui, l’effort de notre corps et de notre esprit, va être frappé d’inutilité et d’obsolescence, pour nous voir réduits à des êtres ne faisant plus que des prompts », indique Éric Sadin.

Le philosophe va même jusqu’à proposer de remplacer l’acronyme de ChatGPT (transformateur génératif pré-entraîné) par « ACC » pour « abjection culturelle et civilisationnelle », alertant par ailleurs sur « l’avènement prochain d’un devenir-légume et désincarné de l’humanité », avec des enfants « dont les cerveaux seront, si l’on n’y prend garde, implantés de puces et alors continuellement guidés par des processeurs et des forces extérieures à eux ».

Une technologie loin de surpasser les humains

Ce n’est pas pour rien que ces auteurs parlent du futur. Malgré ses progrès, nous sommes encore loin de ce qu’on appelle l’intelligence artificielle générale, soit un système capable de penser, d’apprendre et de comprendre comme un humain. L’IA, telle qu’on la connaît aujourd’hui, ne surpasse pas les humains.

Capables de répondre à nos questions, de générer divers types de contenus et de réaliser d’autres tâches, les systèmes comme ChatGPT ou Midjourney n’ont en réalité rien d’intelligent, ne faisant que « recracher » ce qu’ils ont appris, sans rien comprendre. Ils sont en outre toujours alimentés par nous, les humains, étant conçus par des développeurs et s’améliorant, entre autres, grâce à nos requêtes et échanges avec eux.

« Une des fictions actuelles sur les IA consiste à leur attribuer la capacité d’écrire intégralement des livres (…) Ce rêve (ou ce cauchemar) n’est vraiment pas encore tout à fait d’actualité, hormis (…) si l’on entend par livres de courts textes illustrés ou de brèves synthèses médiocres. »

Alexandre Gefen
Critique littéraire et chercheur universitaire

Si aujourd’hui ces IA génératives peuvent nous aider à créer des discours ou des images, à programmer ou encore à tricher avec une certaine facilité, si elles représentent une menace pour de nombreux emplois, elles ne sont pas aussi douées que les humains.

Dans le milieu culturel, par exemple, ces outils ont permis à plusieurs personnes n’étant pas écrivaines de publier des livres, au grand dam des auteurs et autrices. Ces textes ne sont pourtant pas d’aussi bonne qualité. « Une des fictions actuelles sur les IA consiste à leur attribuer la capacité d’écrire intégralement des livres entiers. (…) Ce rêve (ou ce cauchemar) n’est vraiment pas encore tout à fait d’actualité, hormis des cas très spécifiques, ou si l’on entend par livres de courts textes illustrés ou de brèves synthèses médiocres », affirme Alexandre Gefen, critique littéraire et chercheur universitaire, dans Vivre avec ChatGPT.

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« Aucune des tentatives de vendre ces textes sur les plateformes d’autopublication n’a encore conduit à la production d’un best-seller, précise-t-il, ajoutant que cela ne veut pas dire que ChatGPT ne puisse pas être un outil d’aide à la création, ni que certains textes brefs écrits par des IA ne puissent faire illusion. »

Autrement dit, pour le moment, l’IA assiste les humains dans la réalisation de diverses tâches, mais elle n’est pas aussi douée que nous, nécessitant des vérifications pour éviter des erreurs. Actuellement, elle est loin de faire disparaître l’intelligence humaine. Bien que ces outils soient utilisés par de nombreuses personnes, ils ne font pas l’unanimité et il n’est pas sûr que cela change même s’ils améliorent avec le temps.

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Article rédigé par
Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste