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L’intelligence artificielle est-elle vraiment intelligente ?

04 février 2023
Par Kesso Diallo
Capable de bien des choses, l'intelligence artificielle est loin d'être intelligente comme les humains.
Capable de bien des choses, l'intelligence artificielle est loin d'être intelligente comme les humains. ©Space Wind/Shutterstock

Depuis plusieurs mois, l’intelligence artificielle ne cesse de faire parler d’elle, notamment avec les IA génératives. Malgré les capacités de ces systèmes, peut-on vraiment parler d’intelligence ?

Assistants vocaux, systèmes générateurs de contenus… L’intelligence artificielle (IA) est présente dans de nombreux appareils et domaines. Un terme pour désigner « l’ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence humaine ». Si ces systèmes et machines impressionnent et peuvent nous aider grâce à leurs capacités et fonctionnalités, la question se pose : sont-ils réellement intelligents ?

Des systèmes faussement intelligents

L’intelligence. Emprunté au latin intellĕgentĭa – lui-même dérivé du mot intellĕgĕre (« discerner », « comprendre ») – le mot désigne la faculté de comprendre, de connaître, mais aussi de s’adapter à une situation. Dans ce sens, l’intelligence concerne aussi bien les êtres humains et les animaux que les outils d’IA.

Ces systèmes semblent, à première vue, être intelligents. Lancé fin novembre, le robot conversationnel ChatGPT ne cesse par exemple de surprendre le public, étant capable d’écrire des articles, d’aider les élèves avec leurs devoirs et même de réussir l’examen d’entrée d’une université américaine. Il s’adapte aussi aux questions ou demandes qui lui sont adressées, refusant notamment de répondre à des requêtes inappropriées (racisme, sexisme…). De même, les assistants vocaux peuvent répondre à nos questions, jouer de la musique ou encore donner la météo.

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Bien que l’IA soit capable de bien des choses, elle n’a, en réalité, rien d’intelligent. Derrière ces systèmes se cachent en effet souvent des humains, ce que de nombreuses personnes ignorent ou ont tendance à oublier. Ils sont créés par des développeurs et s’améliorent grâce à ce qu’on appelle des travailleurs du clic. Ce sont des personnes qui sont payées pour entraîner ces IA en effectuant des tâches répétitives (catégorisation de contenus, triage de données…). Même les internautes, en discutant ou en soumettant des requêtes à ces systèmes, contribuent gratuitement à leur entraînement et à leur amélioration.

Ce travail est éprouvant, mais il est nécessaire pour éviter que les IA génèrent des propos violents, sexistes ou encore de fausses informations. C’est notamment grâce à ces travailleurs que ChatGPT est aussi éloquent et refuse de répondre à certaines questions. Une enquête du Time publiée récemment a révélé qu’OpenAI, la société à son origine, avait fait appel à des sous-traitants pour la rendre moins toxique. Mal payés, ces derniers ont dû lire divers types de contenus problématiques pour les étiqueter, comme la description graphique d’un homme ayant des relations sexuelles avec un chien.

Un terme né d’un malentendu

De plus, si les IA semblent intelligentes, elles ne font que raisonner en fonction des données sur lesquelles elles ont été entraînées, soit de ce qu’elles connaissent. Autrement dit, un robot comme ChatGPT ne fait que recracher ce qu’il a appris, sans rien comprendre. L’intelligence « est réservée au vivant », affirmait Luc Julia aux Échos en 2019. Cocréateur de l’assistant vocal Siri d’Apple, il considère que l’IA n’existe pas, comme l’indique le titre de l’un de ses ouvrages. Selon lui, on ne peut pas parler d’intelligence pour ces systèmes telle qu’elle se définit pour nous, et il faudrait plutôt parler de capacité cognitive ou mémorielle augmentée.

Mais alors, pourquoi ces derniers font-ils partie de ce qu’on appelle l’intelligence artificielle ? La réponse se trouve dans l’origine du terme. « Tout est parti d’un immense malentendu », indique Luc Julia dans son essai. L’expression « intelligence artificielle » a été utilisée pour la première fois par le chercheur John McCarthy, lors de la conférence de Dartmouth – un atelier scientifique – en 1956. « Ce terme s’est imposé tout de suite. Il était suffisamment frappant, paradoxal et ambigu pour plaire à beaucoup de gens. Il décrivait bien les projets de ces experts, cela parlait au public, et cela permettait de formuler tout un tas de promesses et ainsi d’attirer des crédits », expliquait Pierre Mounier-Kuhn, chercheur au CNRS à France Culture en 2018.

Luc Julia estime que cette expression a été employée pour décrire une discipline n’ayant rien à voir avec l’intelligence. « Tous les fantasmes et les fausses idées dont on nous abreuve aujourd’hui découlent de cette appellation malheureuse », affirme le cocréateur de Siri dans son livre.

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