Sorti sur Netflix le 10 novembre, The Killer est un film de vengeance classique, mais qui parvient à tordre avec habileté les codes du genre.
Trois ans après Mank (2020), le réalisateur emblématique de Fight Club (1999) et de Seven (1995) est de retour sur Netflix dans le cadre du contrat d’exclusivité passé avec la plateforme (mais pas pour la saison 3 de Mindhunter, ça n’arrive pas).
Après un projet très personnel basé sur un script écrit par son père, David Fincher revient à son genre de prédilection, le thriller, tout en s’essayant au pur film de vengeance, mais — forcément — à sa façon. Le résultat, The Killer, est d’une efficacité implacable, et derrière la simplicité apparente du scénario se cache un propos fascinant autour de la réussite et de l’échec.
Michael Fassbender incarne un tueur. Minutieux, méthodique, concentré et préparé, il ne laisse rien à la chance et n’échoue jamais… jusqu’au jour où il rate sa cible. Les répercussions sont immédiates et lancent le personnage dans une quête de vengeance. Le genre est connu, et de nombreux films utilisent le prétexte du revenge movie pour offrir une surenchère visuelle d’action et de mises à mort. Forcément la récente saga John Wick vient à l’esprit, mais The Killer pourrait facilement en être l’antithèse.
Le coeur et le propos du film ne sont pas les meurtres ou l’action. Pas de body count improbable ou de courses poursuites effrénées. Dans cette adaptation de la bande dessinée française Le Tueur (Casterman), écrite par Matz et dessinée par Luc Jacamon, David Fincher s’intéresse à la routine quotidienne, marquée par l’attente (et l’ennui) de son personnage (mais pas du public). Dans une introduction fascinante qui laisse le temps s’écouler — probablement la meilleure scène du film —, le réalisateur montre étape par étape la méthodologie froide de son personnage, et sa préparation avant l’acte mortel.
Entre mutisme et paroles constantes
En s’entourant de Michael Fassbender (et de son look imparable), David Fincher trouve un acteur taillé sur-mesure pour ce rôle glaçant de tueur à gage. L’acteur, bien trop rare ces dernières années, a l’occasion de briller, entre son mutisme glacial, son charisme évident et son regard joueur, qui laisse transparaître tout le conflit de son personnage.
The Killer est à la fois un film muet et un film très bavard. Tout le long, le « héros » détaille ses pensées via l’utilisation de la voix off et s‘adresse au spectateur pour mettre un sens à cette routine interminable. C’est la grande réussite du long-métrage : derrière les mots répétés inlassablement par le tueur, les actions sont parfois diamétralement opposées. Fincher aime les solitaires et aime les personnages qui échouent. The Killer est la combinaison des deux et derrière l’efficacité attestée de son protagoniste — plusieurs scènes le prouvent —, tout part d’un échec et d’une succession de choix hasardeux, bien trop hasardeux, pour quelqu’un qui ne laisse aucune place à l’improvisation et bannit l’empathie.
En moins de deux heures, le film est d’une justesse filmique incroyable. Inspiré des films noirs et muets, Fincher compense l’absence de dialogue par un langage cinématographique absolu, et garde une sobriété étonnante vis-à-vis du sujet. Par de nombreux aspects, The Killer ressemble à Drive (2011) de Nicolas Winding Refn.
Deux films qui prennent un postulat et un genre pour en sortir des codes attendus et mettre l’accent sur la tension, pas sur l’action. Quand celle-ci arrive (et elle arrive bien dans The Killer), elle est d’une maitrise incroyable et le film comporte au moins l’un des plus beaux affrontements de la carrière de Fincher, entre la brutalité des coups, la violence, la rapidité et l’ingéniosité de la scène. The Killer parvient à faire miroiter une curiosité morbide, exploitée en un climax jouissif. Le film suit finalement l’errance d’un homme hors de la société, qui passe son temps à l’observer.
The Killer pourrait passer pour un Fincher mineur. Il n’a pas la profondeur d’un Fight Club, Zodiac (2007) ou Seven, ou la portée de The Social Network (2010). Il se rapproche plus de Panic Room (2002) : un exercice de style maitrisé, intelligent, qui peut compter sur son excellent interprète principal et sur tout le langage que David Fincher aime le plus : le cinéma, tout simplement.