Avec près de 170 prototypes de taxis volants créés dans le monde, dont certains sont déjà opérationnels, ce mode de transport dessine la mobilité urbaine de demain qui sera… aérienne. Des start-ups aux grands avionneurs, c’est la course, malgré les freins à lever.
Pour relier la périphérie au centre-ville, deux villes entre elles ou faciliter les déplacements au sein des métropoles, le taxi volant pourrait être l’une des solutions de demain pour les transports de passagers (individuel et collectif) et de marchandises. Un scénario qui semble encore bien futuriste, mais qui risque de voir le jour dans les cinq années à venir. L’espace terrien devenant saturé, la mobilité se déplacera-t-elle dans les airs ? Quelque 170 projets de taxis volants illustrent la dynamique de ce secteur prometteur, dans lequel la start-up allemande Volocopter a été pionnière en réalisant les essais de vols de ses prototypes dès 2011. Et surtout, ils répondent aux exigences de mobilité durable que privilégient désormais les collectivités.
40 000 à 60 000 engins volants d’ici 2035
Selon une étude réalisée en novembre 2019 par le cabinet Oliver Wyman, le marché des taxis volants pourrait ainsi représenter 30 milliards d’euros en 2035, avec 40 000 à 60 000 engins volants dans 60 à 90 villes. Les métropoles asiatiques (Singapour, Shanghai) et américaines (Los Angeles, Sao Paulo), ultrasaturées, seraient les premières à se lancer. L’Agence européenne de la sécurité aérienne (Aesa) a, elle, publié une étude faisant état d’un marché européen d’environ 4,2 milliards d’euros en 2030. De quoi générer 90 000 emplois.
Pour Bruno Even, président d’Airbus Helicopters, aucun doute, le segment va décoller : « Le marché mondial pourrait représenter, à terme, plusieurs milliers d’appareils par an, mais il va s’installer de manière progressive, en fonction de l’évolution des technologies, de la réglementation et de l’acceptabilité sociale. » Rien qu’en Europe, plus d’une demi-douzaine d’entreprises ont déjà annoncé le développement de taxis volants pour le transport de passagers ou pour du fret sans pilote. « Je pense que l’utilisation commerciale des taxis aériens peut commencer en 2024 ou 2025 », estime même Patrick Ky, directeur exécutif de l’Aesa).
Honda, Toyota, General Motors, Airbus, Boeing, les start-up allemandes Lilium et Volocopter, la start-up française Ascendance Flight Technologies, la start-up japonaise SkyDrive, le Chinois Ehang, Uber Elevate (filiale d’Uber)… avionneurs, industrie automobile et start-ups entendent clairement développer leur offre sur le secteur de la mobilité urbaine aérienne et se positionner sur ce marché.
Différents types de taxis volants
Nombre de passagers, autonomie, vitesse, trajets : tous les taxis volants ne sont pas identiques, mais ils ont en commun le fait d’être 100 % électrique et à décollage et atterrissage vertical (VTOL, « Vertical and Take Off Landing »). Chez Airbus, le dernier prototype présenté le 21 septembre dernier, CityAirbus NextGen, peut transporter quatre passagers et un pilote, effectuer une distance de 80 km pour des liaisons essentiellement urbaines et voler à 120 km/h. L’avionneur vise un premier vol en 2023 et une entrée en service avec certification en 2025. « Nous sommes en train de créer un marché entièrement nouveau, qui répond à la fois aux besoins de la mobilité aérienne urbaine et aux préoccupations environnementales et sociales », indique Bruno Even.
Le taxi volant SD-03 de la start-up japonaise SkyDrive a réussi son premier vol le 31 août dernier. Son prototype est destiné à des distances courtes, entre 20 et 30 km, et sa vitesse est de 60 km/h. Avec son taxi volant VoloCity, l’allemand Volocopter est le premier à obtenir une certification européenne pour des vols d’essai dans un périmètre restreint. Si le drone allemand est déjà utilisé pour transporter du matériel médical en Bavière, des vols commerciaux sont prévus pour les Jeux olympiques de Paris en 2024, ainsi qu’un premier service de taxi entre Roissy-CDG et un site aux portes de Paris. Il peut parcourir 35 kilomètres à une vitesse maximale de 110 km/h, et transporte deux personnes (un pilote et un passager, ou deux passagers dans une éventuelle version automatisée). Quant au plus rapide des taxis volants, il devrait sortir des usines allemandes de Lilium. Le Lilum Jet, doté de deux paires d’ailes, peut transporter cinq passagers et, surtout, relier les grandes villes entre elles puisque son autonomie sera de 300 km et sa vitesse de 300 km/h.
Les constructeurs sont prêts pour réaliser des vols de 20 à 25 minutes en centre-ville, mais il manque l’infrastructure.
Guillaume ThibaultConseiller sur les mobilités aériennes pour le cabinet Oliver Wyman
Des freins technologiques et réglementaires à lever
Dans les faits, les transports du futur n’en sont qu’à leur phase de développement. Les obstacles à la circulation en ville sont technologiques et légaux. Se pose la question de l’autonomie des batteries et de la fabrication de bornes de recharge. Les « gares » pour le décollage et l’atterrissage de ces eVTOL, les « vertiports », ne sont pas encore développés. Comme l’expose Guillaume Thibault, conseiller sur les mobilités aériennes pour le cabinet Oliver Wyman : « Les constructeurs sont prêts pour réaliser des vols de 20 à 25 minutes en centre-ville, mais il manque l’infrastructure. Équiper une ville de 8 millions d’habitants de 500 véhicules volants devrait représenter 400 millions d’euros d’investissements. »
La question du coût reste majeure, la production et l’exploitation de ces taxis volants se chiffrant parfois jusqu’à 1 million d’euros le taxi. Et un trajet de 15 minutes pourrait coûter environ 300 euros : un prix bien trop élevé pour devenir populaire – même si Uber cherche déjà à rendre ce type de service accessible en misant sur des flottes mutualisées. À Paris, la RATP (associée à Airbus et à ADP pour l’autorisation de mise en circulation des aéronefs) exige que la course coûte entre un et deux euros au kilomètre.
Si la technologie est prête, la réglementation, elle, ne l’est pas encore. Qu’en est-il de la sécurisation des déplacements, de l’attribution des couloirs aériens, de la régulation de la circulation dans les airs, des nuisances sonores… ? « L’Aesa a déjà entamé le processus de certification de certaines des conceptions et prévoit de donner les premiers feux verts pour les machines légères d’ici 2024 environ », dit son président Patrick Ky. Et, avec la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), il devra répondre à ces questions déjà bien avancées afin de permettre aux taxis volants d’entrer en circulation à Paris pour les Jeux olympiques de 2024.