Troisième court-métrage sur quatre à sortir sur Netflix autour de Roald Dahl, avec l’adaptation d’une nouvelle peu connue de l’auteur.
Le cycle se poursuit. Avec Le Preneur de rats, Wes Anderson continue son exploration de l’oeuvre de Roald Dahl, et adapte une nouvelle peu connue issue du recueil de nouvelles Le Chien de Claude, écrit à la fin des années 1940.
Avec la même esthétique que dans La Merveilleuse Histoire de Henry Sugar et Le Cygne, le réalisateur propose une fable quasi abstraite, dans laquelle il s’amuse avec l’imagination des spectateurs en adoptant une approche symbolique et figurative. La notion de théâtre filmé n’a jamais été aussi présente depuis le début du cycle, mais Wes Anderson n’en oublie jamais le cinéma…
Un dératiseur à l’allure étrange est accueilli par deux hommes afin d’exterminer les rats présents dans une meule de foin. L’histoire du Preneur de rats est d’une simplicté absolue. Elle se dirige au départ vers la chasse aux rongeurs attendue par un homme excentrique, mais bien vite, le court-métrage fait comprendre aux spectateurs que l’important réside dans les échanges entre les différents protagonistes. Ralph Fiennes joue ici deux personnages, avec grand talent : Roald Dahl — comme depuis le début — et le dératiseur de rats, qui partage avec ces animaux des caractéristiques physiques troublantes. À ses cotés se trouve les deux habitants du village : Rupert Friend, un garagiste, et Richard Ayoade, qui fait office de narrateur de la nouvelle.
Comme les deux précédents courts, Le Preneur de rats est très bavard. Les échanges sont vifs, dynamiques, contants. À la différence des précédents, ce nouveau film bénéficie d’une mise en scène beaucoup plus statique, qui fait économie de tous mouvements superflus. Loin d’être peu inspiré, Le Preneur de rats fait suite à La Merveilleuse Histoire de Henry Sugar et Le Cygne, en réinventant encore une fois la façon de mettre en scène l’histoire. Wes Anderson conserve son style, mais ne fait pas deux fois la même chose.
Une approche plus horrifique
Les personnages parlent, discutent de la meilleure façon d’attraper des rongeurs et Le Preneur de rats tend progressivement mais surement vers le malaise et l’horreur. Après l’absurde et le poétique, Wes Anderson s’essaye à un autre genre, magnifié lors d’une scène en particulier, dans laquelle l’éclairage et la réalisation font ressortir tous les éléments d’effroi que le réalisateur cherche à convoquer. Le moment est simple, sobre, mais parvient à jouer avec la représentation de ses personnages et notamment avec le rendu inquiétant du dératiseur. Véritable climax du film, ingénieux et marquant.
Wes Anderson aime l’abstrait et Le Preneur de rats utilise l’interprétation pour servir son propos. Les personnages montrent des objets invisibles, les animaux sont là mais n’existent pas, et un héritage théâtral se fait sentir. À l’inverse, le réalisateur créé la surprise en dévoilant une animation — au rendu perfectible — lors d’une courte scène. Si Le Preneur de rats est ainsi enthousiasmant sur de nombreux points, sa chute est moins marquante que celles des précédents courts. Un film « tranche de vie », légèrement malaisant, à l’approche visuelle soignée et au casting impeccable. Ce n’est déjà pas si mal…