Le réalisateur de Rogue One: A Star Wars Story est de retour avec un ambitieux film de science-fiction, visuellement spectaculaire et au propos touchant, bien que classique.
Cela faisait sept ans que Gareth Edwards n’avait pas proposé un nouveau long-métrage de cinéma. Après son acclamé Rogue One: A Star Wars Story (2016), le cinéaste s’est fait rare, mais revient en – très – grande forme avec The Creator, film original de science-fiction qui semble lui convenir bien plus que ses escapades autour de franchises établies. Dans The Creator, l’humanité doit faire face au développement de l’intelligence artificielle, et John David Washington – fils de Denzel – fait une rencontre qui pourrait changer l’avenir de la planète.
L’intelligence artificielle… Sujet d’actualité des derniers mois, thématique abstraite aux limites encore inconnues, idéal pour lancer un nouveau film de science-fiction. Opportuniste même, diront certain·e·s, tant le hasard du calendrier fait bien les choses avec la sortie du nouveau film de Gareth Edwards. Néanmoins, The Creator, bien que son sujet et sa campagne promotionnelle s’articulent autour de l’intelligence artificielle, a bien plus à offrir qu’un regard sur un thème d’actualité. L’intelligence artificielle n’est en fait qu’un prétexte. Le réalisateur s’intéresse avant tout à l’humain et aux relations sociales dans sa dystopie quasi apocalyptique.
Il emprunte au sujet ce que faisaient déjà James Cameron dans Terminator (1984) et Ridley Scott dans Blade Runner (1982), à savoir : l’homme contre la machine en point de départ de l’intrigue. Joshua (John David Washington) est rappelé par l’armée américaine pour mener une expédition en Nouvelle-Asie, là où l’intelligence artificielle semble détenir une arme d’une nouvelle sorte. Sur place, il découvre un enfant et se lance dans un road trip quasi mystique à travers les étendues sauvages – et magnifiques ! – d’un monde qu’il pensait connaître.
Le juste équilibre du rendu visuel
The Creator est réussi à plus d’un titre : visuellement, le film est une merveille. Gareth Edwards s’est entouré d’une équipe réduite pour parcourir la planète et recueillir les images dont il avait besoin pour donner vie à son œuvre. Son budget, ridicule pour une telle production – moins de 90 millions dollars, bien loin des 200-250 millions (ou plus) que l’on voit régulièrement –, semble être un message adressé directement à Hollywood et fait écho aux thématiques de son film : la machine ne fait pas tout, l’être humain est nécessaire.
Ce vétéran des effets spéciaux – il a terminé les effets de son premier film, Monsters (2010), sur son ordinateur portable quelques semaines avant la sortie – sait gérer un budget et une image. Quand The Creator a besoin de simples décors naturels pour exister, le cinéaste ne va pas plus loin.
Quand au contraire le film exige un décorum de science-fiction ambitieux, le réalisateur s’appuie sur la force de la technique, qu’elle soit visuelle ou sonore, pour offrir un spectacle immersif, ambitieux, qui rappelle le cinéma de Denis Villeneuve dans la sobriété, l’impact et la photographie (Greig Fraser, directeur photo du dernier Dune retrouve Gareth Edwards après Rogue One).
The Creator a en outre une excellente première idée : placer son intrigue en Asie (ou Nouvelle-Asie dans ce futur), bastion imprenable de l’intelligence artificielle. Gareth Edwards s’applique alors avec ce qu’il sait faire de mieux : filmer la nature et la vie avec une authenticité et une humanité qui lui sont propres.
Allégorie évidente de la guerre du Vietnam et qui place les Américains comme les envahisseurs, The Creator raconte l’existence d’un enfant robot aux pouvoirs étranges, et de l’humain qui croise sa route, Joshua. Le schéma est connu, classique, et les récentes œuvres de fiction ne manquent pas pour illustrer le road trip d’un homme et d’un enfant à travers un monde hostile – Logan (2017), The Mandalorian (2019) ou encore The Last of Us (2023) pour ne citer qu’eux.
À lire aussi
Il suffit d’une histoire sincère
Mais Gareth Edwards y apporte son regard et son discours : il ne fait pas passer l’intrigue pour novatrice, premièrement, et arrive à s’épargner bon nombre de clichés. Sa sincérité permet in fine d’adhérer pleinement au film d’Edwards.
Le réalisateur est « premier degré » dans ses thématiques et dans les relations entre ses personnages, sans cynisme. L’univers convaincant et le casting impeccable font le reste : The Creator est émouvant quand il doit l’être – déchirant par moments – et touche du doigt une simplicité d’émotions rappelant à nouveau le Blade Runner de Ridley Scott. John David Washington est brillant de charisme et la jeune Madeleine Yuna Voyles surprend par son regard et sa justesse incroyables.
C’est finalement la force de The Creator : s’appuyer sur tout ce qui fonctionne (l’image, le casting, le son, la musique, les thématiques) pour montrer qu’Hollywood n’a parfois besoin que d’une histoire sincère et d’une façon de faire méticuleuse, presque artisanale dans le cas de Gareth Edwards, pour séduire le public.
Le réalisateur utilise sa plus ancienne thématique, la plus pure et la plus évidente : l’amour. De Monsters à Rogue One: A Star Wars Story, en passant par Godzilla (2014), toute la filmographie de Gareth Edwards est parsemée de personnages en quête par amour sincère ou par souvenir de celui-ci.
Cliché ? Niais ? Certain·e·s le penseront. Mais dans les mains du cinéaste, la formule fonctionne et le film offre deux leçons : le cinéma d’aventure ou de science-fiction peut se reposer sur des thématiques universelles et historiques, sans avoir besoin de les détourner ou de les moquer. Et surtout, l’appréhension d’une histoire par le public passe toujours par la sincérité que son auteur·rice met derrière. Et en cela, Gareth Edwards est un vrai créateur, lui aussi.
The Creator, de Gareth Edwards, avec John David Washington, Gemma Chan et Madeleine Yuna Voyles, 2h13, au cinéma le 27 septembre 2023.