Décryptage

Les équipements connectés peuvent-ils nous aider à parer les effets du changement climatique ?

25 septembre 2023
Par Alexandra Bellamy
Les équipements connectés peuvent-ils nous aider à parer les effets du changement climatique ?
©one photo/Shutterstock

Hausse des températures, sécheresse, incendies… Voilà quelques effets du changement climatique que le monde subit de plus en plus violemment chaque année. Certaines technologies espèrent nous aider à les parer. Mais peuvent-elles le faire sans aggraver la situation ?

Nouvelles technologies et changement climatique… Le sujet est aussi complexe que clivant. En effet, entre la fabrication des équipements connectés, leur consommation d’énergie et le stockage de données, leur impact environnemental est non négligeable. Néanmoins, ils peuvent contribuer à réduire la consommation d’énergie des logements ainsi que leur empreinte carbone.

Si des études tentent de quantifier l’impact environnemental des équipements numériques dans leur ensemble, nous ne nous risquerons pas ici à trancher sur la question de savoir si le bénéfice peut compenser le « préjudice » – d’autant que la nature des équipements, la manière dont on les utilise, leur durée de vie… peuvent changer la donne. Nous souhaitons surtout avancer quelques pistes de réflexion autour des possibilités offertes par les nouvelles technologies liées à la connectivité.

Spécialisée dans la surveillance des risques naturels, la société Paratronic utilise des sondes, capteurs, caméras et l’intelligence artificielle pour détecter précocement des phénomènes tels que les départs de feu ou les crues. ©Paratronic

Pourra-t-on vraiment se passer de climatisation ?

L’exemple de la hausse des températures et de la climatisation illustre assez bien la complexité de ces questions. Alors que cet été, pendant les épisodes caniculaires, la température a dépassé 40 °C dans certaines villes de France, on peut se demander s’il sera possible de se passer de systèmes de climatisation dans les années à venir. Aujourd’hui, il est déjà compliqué de s’en priver dans certaines régions chaudes et notamment pour les publics les plus fragiles. Dans les prochaines décennies, diverses études et projections prévoient un inévitable accroissement du nombre de climatiseurs dans le monde.

©Meteo France

Or, malgré les efforts des fabricants pour développer des équipements plus vertueux, les effets de la climatisation sur la hausse des températures sont bien connus ; c’est pourquoi on parle souvent de cercle vicieux. 

L’Ademe, par exemple, n’incrimine pas les utilisateurs de climatisations, mais en prône une utilisation raisonnée. L’agence de la transition écologique recommande notamment de choisir son appareil avec soin, de le faire entretenir et d’en faire une utilisation sobre. « Par exemple, passer d’une température de consigne de 22 °C à 27 °C permet de diviser par deux la consommation d’énergie des appareils, tout comme mettre en route la climatisation à partir de 30 °C en extérieur au lieu de 27 °C, divisant par trois la consommation d’énergie. »

Les climatiseurs récents sont de plus en plus souvent connectés, ce qui permet de gérer plus facilement leur utilisation (plages horaires, température, démarrage et arrêt…), ainsi que la consommation d’énergie. Pour les équipements d’ancienne génération, certains fabricants proposent des solutions, comme Netatmo avec sa Commande intelligente de climatiseur. Certains thermostats connectés sont également capables de gérer intelligemment la climatisation en plus du chauffage, à l’instar de Tado°. On peut ainsi piloter la climatisation depuis son smartphone, programmer des plages de fonctionnement ou encore se reposer sur la géolocalisation pour éviter de laisser fonctionner « la clim » quand on s’absente. 

La commande intelligente pour climatiseur Netatmo peut fonctionner avec presque tous les appareils fixes ou mobiles du marché, quelle qu’en soit la marque.©Netatmo

Penser de manière plus globale  

Si ces équipements connectés facilitent une utilisation plus pondérée de la climatisation, cela ne suffit pas. Il faut penser le confort au sein du logement de manière plus globale. L’un des premiers conseils de l’Ademe pour limiter le recours à la climatisation consiste à « mieux concevoir les habitations et ne pas faire entrer la chaleur ».

En l’occurrence, l’utilisation de stores occultants ou de volets roulants peut largement ralentir l’entrée de la chaleur dans le logement. Les solutions connectées, qui peuvent pour certaines prendre en compte l’exposition et les horaires de lever et coucher du soleil pour automatiser l’ouverture et la fermeture des volets, peuvent être un plus. Cela ne dispensera peut-être pas totalement d’utiliser la climatisation, mais possiblement de grappiller quelques degrés. On pourra ainsi retarder le moment où on l’allumera, voire s’en passer certains jours.

Il peut être intéressant de piloter sur la même application les volets roulants, ainsi que la climatisation et le chauffage.©Somfy

On peut d’ailleurs faire la même remarque en ce qui concerne le chauffage en hiver. En effet, les équipements connectés (chauffage connecté, modules, thermostats…) permettent une utilisation plus pertinente du chauffage. Et le rôle des volets connectés pour ne pas laisser le froid pénétrer dans le logement est tout aussi important.  

En ce qui concerne la meilleure conception des habitations évoquée par l’Ademe, le confort d’été est pris en compte dans les nouvelles normes de construction des logements. Mais les plus anciens sont parfois mal isolés. La réflexion sur l’installation d’un système de climatisation doit donc s’accompagner de questionnements sur l’isolation. Dans certains cas, des travaux de rénovation énergétique peuvent améliorer le confort en été comme en hiver, limitant alors les besoins en chauffage et en climatisation. 

Vers plus d’automatisation grâce à l’IA

Le pilotage intelligent des volets, des solutions de climatisation, de chauffage… est déjà une bonne chose. Mais l’automatisation, c’est encore mieux. Cela dégage l’utilisateur d’une « charge » ou du moins d’une préoccupation : si le système est programmé, il n’y a aucun risque d’oubli. Toutefois, il reste des paramètres qu’on ne maîtrise pas forcément pour utiliser ses équipements de manière plus vertueuse. 

Certains fabricants travaillent donc au développement d’écosystèmes entièrement connectés exploitant l’intelligence artificielle pour consommer moins d’énergie, plus intelligemment et rapprocher nos logements de la neutralité carbone. 

L’IA ferait office en quelque sorte de cerveau du logement, pilotant les équipements de manière raisonnée, en tenant compte de nombreux éléments et données dont l’utilisateur n’a pas forcément connaissance ou conscience. En voici un exemple concret : on peut faire confiance à son système de chauffage connecté pour déclencher la chauffe à la bonne température, au bon moment, en prenant en compte l’inertie. Mais si on doit aussi considérer les prévisions météo, les pics de consommation sur le réseau électrique, la production d’énergie solaire si on est équipé de panneaux photovoltaïques et encore d’autres paramètres, la tâche devient beaucoup plus ardue. Le rôle de l’IA consiste justement à agréger toutes ces données et à « manager » les équipements en conséquence. 

Lors de l’IFA de Berlin, nous avons vu plusieurs exemples de ces systèmes de pilotage de la maison, notamment présentés par Haier, LG ou encore Samsung. Tous ont la même vision du logement intelligent de demain, à savoir une application utilisant l’IA qui assure le contrôle de tous les équipements (connectés) de la maison : chauffage, climatisation, chauffe-eau, appareils électroménagers, borne de recharge de véhicule électrique… L’ensemble étant en partie alimenté par des panneaux solaires et éventuellement relié à des batteries pour stocker l’énergie.   

SmartThings Energy peut piloter les équipements connectés de nombreux fabricants – Samsung évoque plus de 5000 appareils de plus de 350 partenaires.©Samsung

Samsung, par exemple, présentait lors du salon berlinois une solution utilisant une pompe à chaleur, un système de production d’électricité et l’application SmartThings Energy aux commandes. Sur son site, le fabricant explique : « L’application Samsung SmartThings Energy répond à la nécessité de réduire les émissions carbone, de faire des économies d’énergie et d’améliorer la connectivité. Elle offre aux promoteurs immobiliers, gestionnaires de logements et propriétaires de maisons un meilleur contrôle, permettant des économies d’énergie et fournissant des informations pour contribuer à la transition vers une consommation nette à zéro. » Sachant qu’elle contrôle le chauffage, la ventilation, la climatisation, mais également les appareils électroménagers et l’IoT de Samsung et de nombreuses marques partenaires. 

Même raisonnement pour LG, avec sa plateforme Home Energy qui inclut des panneaux solaires, une pompe à chaleur et un système de stockage, le tout étant compatible avec LG ThinQ Energy, qui contrôle tous les appareils connectés et gère la consommation d’énergie (ainsi que sa production et son stockage).

L’application hOn de Haier pourra piloter et optimiser la consommation de tous les équipements connectés de toutes les marques du groupe. ©Haier

Haier prépare aussi une solution semblable, via son application hOn. « On sait que la disponibilité de l’électricité est déjà un sujet majeur et va le devenir de plus en plus – en fonction de la disponibilité sur le réseau et également si vous êtes équipés de panneaux solaires (…). On va devoir avoir une gestion intelligente de tout cela. Par exemple, si avec l’explosion des véhicules électriques tout le monde considère qu’en hiver on pourra rentrer chez soi à 19 h et brancher sa voiture, ça ne marchera jamais. L’application va permettre de gérer intelligemment l’ensemble », nous explique Vincent Rotger, président de Haier France. 

La connectivité et l’IA peuvent sans doute nous aider à mieux vivre avec les conséquences du changement climatique. Elles ne constituent pas pour autant des solutions miracles. Pour ne pas tomber dans un cercle vicieux, il nous semble nécessaire que l’adoption et l’utilisation de ces solutions s’accompagnent de réflexions sur leur utilité, voire leur nécessité. En confiant la gestion de sa climatisation ou de son sèche-linge à un système intelligent, on fera des économies. Mais l’impact environnemental sera toujours plus important que si on pouvait se passer de ces équipements. La meilleure solution est peut-être de mêler avec discernement high-tech et des solutions déconnectées, comme l’isolation des logements ou la végétalisation des espaces urbains.

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Article rédigé par
Alexandra Bellamy
Alexandra Bellamy
Journaliste