Jusqu’au 20 décembre 2023, la Maison de l’Amérique latine offre une rétrospective à la carrière de Paz Errázuriz sous le nom d’Histoires inachevées. Depuis les années 1970, la photographe chilienne donne à voir les personnes invisibilisées, évoluant en marge de la société.
Il est de ces artistes qui, portés par un instinct ou une curiosité qui les dépasse, parviennent à s’illustrer dans un domaine auquel rien ne les prédestinait. Paz Errázuriz fait partie de ceux-ci. Née en 1944 à Santiago du Chili, la photographe autodidacte a commencé son œuvre au cours de la dictature du général Pinochet, période durant laquelle elle s’immisça dans les fractures de son pays pour mieux comprendre sa réalité.
Jusqu’au 20 décembre, la Maison de l’Amérique latine présente ces fragments de vies effacées, longtemps confinées dans des quartiers spécifiques, organisés selon les classes sociales et les idéologies, dans Histoires inachevées. Voici trois bonnes raisons d’aller les découvrir cet automne.
1 – Une photographe de renom peu connue en France
Peu connue du grand public de l’Hexagone, Paz Errázuriz jouit pourtant d’une notoriété conséquente aux Amériques et dans plusieurs pays européens. Ses compositions ont fait l’objet de nombreuses expositions internationales, et plusieurs institutions – parmi lesquels figurent le MoMA, la Tate Modern, le Museo Reina Sofia ou encore le musée du quai Branly – Jacques Chirac – possèdent quelques-unes de ses créations dans leurs collections.
Histoires inachevées est la première monographie qu’une institution parisienne consacre à l’artiste. À cette occasion, un ensemble de 120 tirages issus de quinze séries différentes – dont trois encore inédites – propose de retracer sa carrière dont la trajectoire témoigne de ses préoccupations politiques et sociales. Ces bribes d’histoires s’imposent ainsi comme une belle manière d’entrer dans son œuvre abondante.
2 – Une plongée dans le Chili de la dictature
Cette année marque les 50 ans du coup d’État contre le gouvernement populaire au Chili, survenu le 11 septembre 1973. « Mes débuts de photographe professionnelle correspondent à ceux de la dictature. La photographie m’a permis de m’exprimer à ma façon et de participer à la résistance. C’est étrange de constater à quel point les périodes hostiles et dangereuses peuvent stimuler les artistes. Toute cette énergie créatrice s’exprime alors par la métaphore. C’était le cas au Chili, dans les années 1980 », explique Paz Errázuriz dans le communiqué de l’exposition.
Circassiens, lutteurs, travestis, prostituées, vagabonds ou personnes souffrant de maladies mentales… Au fil de ses images, la photographe met en lumière la vie de celles et ceux qui vivent en marge de la société chilienne et qui ont longtemps subi les violences du régime en place. De manière détournée, ses monochromes dressent le portrait des diktats sociaux d’une époque, dévoilant ce que les mœurs d’alors jugeaient répréhensible.
3 – Une femme engagée
Déterminée, Paz Errázuriz a bravé de nombreux interdits pour livrer cette multitude de témoignages bienveillants. À une époque où être femme et photographe semble relever de l’oxymore, elle parvient à se procurer un boîtier et trouve des moyens détournés pour obtenir des autorisations afin de pénétrer dans des milieux jusque-là réservés à la gent masculine. Dans ce sillage, dès 1981, elle participa à la fondation de l’Association chilienne des photographes indépendants (AFI).
En contrepoint de ses questionnements découlant de la conjoncture de son pays, Paz Errázuriz s’est également intéressée à des thématiques universelles. L’essentiel de ses séries aborde l’évolution et la représentation du corps, de l’expression de sa jeunesse à celle d’une vieillesse assumée, ou des problématiques qui, aujourd’hui encore, ne cessent d’animer les arènes publiques.