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Couper les réseaux sociaux en cas de crise, une mesure disproportionnée selon des organisations civiles

29 juillet 2023
Par Kesso Diallo
Les organisations s'inquiètent du projet de loi français pour sécuriser et réguler l’espace numérique.
Les organisations s'inquiètent du projet de loi français pour sécuriser et réguler l’espace numérique. ©Twin Design / Shutterstock

Une soixantaine de groupes de défense des droits de l’homme craignent que la future loi sur les services numériques soit utilisée pour étouffer la dissidence en ligne.

Avec la future loi européenne sur les services numériques (DSA), qui entrera en vigueur fin août, il sera possible de couper les réseaux sociaux en cas de crise. C’est ce qu’a affirmé le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, début juillet, indiquant que les plateformes qui ne respecteront pas ce règlement pourront être bloqués. Des déclarations faites en réponse au président français Emmanuel Macron ayant évoqué la possibilité de couper les réseaux sociaux lors d’épisodes de violences urbaines dans le pays.

Pour 66 organisations à but non lucratif, dont Access Now, Internet Sans Frontières et l’Electronic Frontier Foundation, cette possibilité ne doit pas devenir réalité. Dans une déclaration publiée mercredi, elles ont demandé à Thierry Breton « des éclaircissements sur [ses] déclarations incendiaires ». Elles souhaitent que le commissaire confirme que « le DSA ne prévoit pas, en fait, la possibilité de fermer les plateformes en ligne comme sanction pour ne pas avoir supprimé les “contenus haineux” ».

Des mesures inquiétantes

Les organisations estiment que le blocage des réseaux sociaux sont une mesure disproportionnée et ne doit en aucun cas être une solution à une crise dans l’Union européenne (UE) ou dans l’un de ses États membres. « La loi sur les services numériques n’est pas un outil de censure. Le DSA est conçu pour défendre les droits de millions de personnes à travers l’Europe, et la simple suggestion qu’elle pourrait, devrait ou peut être utilisée pour le contraire est trompeuse et dangereuse », a déclaré Eliska Pirkova, responsable mondiale de la liberté d’expression chez Access Now.

Selon l’organisation, 62 coupures d’Internet ont été enregistrées lors de manifestations dans le monde en 2022. « Les données montrent une augmentation de leur utilisation pour masquer la violence et les graves atteintes aux droits humains, telles que la répression brutale des manifestants », indiquent les groupes de défense dans leur déclaration. Pour eux, même si le DSA autorise certaines restrictions temporaires d’accès aux services, celles-ci ne sont que des « mesures de dernier recours qui ne peuvent être envisagées qu’en cas de non-coopération et de non-respect répétés du présent règlement ».

Outre les éclaircissements demandés à Thierry Breton, les organisations ont aussi exhorté la Commission européenne à veiller à ce que les pays de l’UE comme la France ne mettent pas en œuvre et n’appliquent pas le DSA de manière « trop large ». Selon elles, le projet de loi français pour sécuriser et réguler l’espace numérique contient des mesures inquiétantes pour la liberté d’expression en ligne, notamment un délai de 24 heures pour la suppression des contenus par les plateformes et un blocage de sites Web basé sur navigateur, « qui est un outil de censure gouvernementale sans précédent ».

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Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste
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