Décryptage

Barbie, une icône de la pop culture qui divise toujours autant

19 juillet 2023
Par Marine Durand
Le film “Barbie” est sorti le 19 juillet au cinéma.
Le film “Barbie” est sorti le 19 juillet au cinéma. ©Warner Bros.

Casting 100 % glamour, trailers savamment distillés… Le film Barbie, de la réalisatrice américaine Greta Gerwig, s’annonce comme l’un des immanquables de l’été. L’occasion pour L’Éclaireur de revenir sur le destin de la célèbre poupée, adulée et décriée depuis plus de 60 ans.

Que celui qui n’a jamais joué avec une Barbie lève la main. On ne voit pas beaucoup de bras levés ? C’est normal. La poupée de l’Américain Mattel a traversé les générations et séduit plus d’un milliard de petites filles et de petits garçons depuis sa commercialisation, en 1959. D’ailleurs, loin de se cantonner au rayon jeux du supermzarché, la belle blonde de 29 cm a depuis longtemps intégré le champ de la pop culture : au musée, en librairie ou à la télévision, Barbie est partout, et on la retrouvera bientôt au cinéma, puisque le long-métrage Barbie arrive ce 19 juillet dans les salles obscures, sous les traits de Margot Robbie et devant la caméra de la très chic Greta Gerwig.

La « Barbiemania » est déjà en marche, mais l’icône a depuis toujours suscité des interrogations et des critiques, en particulier au moment où la société avance sur les questions de représentation et d’inclusivité. Décryptage avec Julie Delettre, coréalisatrice avec Gabriel Garcia cette année du documentaire Et Dieu créa Barbie (France 5), toujours disponible gratuitement sur la plateforme France.tv.

Barbie, une petite révolution dans le monde du jouet

1959, États-Unis. Alors que les petites filles n’ont jusque-là que des poupons bien joufflus à leur disposition, Ruth Handler, l’épouse du fondateur de la marque de jouets Mattel et vice-présidente de l’enseigne, décide de lancer sur le marché une poupée adulte, coquette et maquillée. En l’honneur de sa fille, Barbara, Ruth Handler nomme « Barbie » ce jouet d’un nouveau genre inspiré de Bild Lili, une figurine sexy rapportée quelques années plus tôt d’Allemagne et mascotte du quotidien Bild. Banco.

Les possibilités de tenues sont infinies.©Shutterstock, DinosArt

« Barbie est une poupée super markettée, et le storytelling de Mattel est efficace au moment où la société de consommation est en plein boom, relate Julie Delettre. La créatrice en fait une poupée émancipatrice, avec ce corps de femme qui permet aux petites filles de se projeter dans leur vie future. »

Avec ses milliers de vêtements et d’accessoires interchangeables, Barbie entre dans les foyers et fait figure d’avant-garde : jockey, vétérinaire, hôtesse de l’air, astronaute avant même que l’homme ne marche sur la Lune… La poupée peut tout faire. « Tout de même, elle est infirmière au départ, pas médecin », tempère Julie Delettre, qui remarque qu’à ses débuts, personne ne questionne son corps ou sa féminité exacerbée.

Barbie, un empire sans frontières

Avec le seuil du milliard de poupées vendues franchi en 1997, Barbie est plus qu’un phénomène de société, c’est une icône. Elle étend naturellement son empire au-delà du rayon jouets : une collection de romans dans la fameuse Bibliothèque rose d’Hachette, des planches de stickers, une série animée disponible sur YouTube, une ribambelle de films d’animation – le site SensCritique en recense 43 –, dont plusieurs sont disponibles sur Netflix…

Elle attire même l’attention très tôt des collectionneurs et des maisons de vente, qui organisent régulièrement des ventes aux enchères, comme en 2006 chez Drouot. Le musée des Arts décoratifs, à Paris, lui consacre même une grande exposition en 2016, pour ses 60 ans. « Nombreux sont les créateurs qui ont croisé son chemin de passionnée de mode, pour laquelle chacun a déjà imaginé les tenues les plus extravagantes ou les plus élégantes », décrit à l’époque le musée.

Margot Robbie dans la peau de Barbie dans le film de Greta Gerwig.©Warnes Bros Entertainment

« Quelques-unes de ses robes de collection sont ainsi signées par des couturiers, parmi lesquels Thierry Mugler, Christian Lacroix, Jean-Paul Gaultier, Agnès B, Cacharel ou encore Christian Louboutin », abonde Julie Delettre. Le 19 juillet, on retrouvera Barbie au cinéma, en prises de vues réelles, avec Margot Robbie dans les jolis souliers de la poupée et Ryan Gosling dans la peau du bellâtre Ken.

« Greta Gerwig est une réalisatrice plutôt féministe, avec une carrière dans le cinéma indépendant. C’est intéressant de voir ce que Barbie va devenir entre ses mains, et c’est aussi un joli coup de Mattel, coproducteur du film », relève Julie Delettre.

Barbie, féministe ou toxique ?

Barbie peut jouer tous les rôles et les enfants se projettent avec elle dans tout un tas de destins, mais la figurine de plastique est-elle pour autant féministe ? C’est en tout cas l’opinion de la chanteuse Arielle Dombasle, qui a choisi de s’amuser de sa propre image dans son single Barbiconic, en 2022. « C’était la femme moderne par excellence, et c’était aussi la première des féministes », expliquait la célèbre blonde l’an dernier, dans l’émission Télématin.

Mais elle semble bien seule à voir en Barbie une héroïne des droits des femmes. « Elle est accusée depuis longtemps de renvoyer une fausse image de la beauté féminine, à cause de ses mensurations, qui n’existent pas dans la vraie vie », analyse Julie Delettre. La réalisatrice rappelle qu’une étude britannique a montré que les petites filles qui jouaient aux Barbie avaient une image moins positive de leur physique.

Le dessin animé Barbie et sa maison de rêve.©Gulli

Dans le documentaire Et Dieu créa Barbie, elle revient d’ailleurs avec son coréalisateur sur un modèle qui a fait polémique dès sa sortie : la Barbie « pyjama party », avec sa mini-balance pour accessoire, ainsi qu’un livre Comment perdre du poids ?, répondant en quatrième de couverture : « Ne mange pas ». « Un appel à l’anorexie », dénonce Julie Delettre, selon qui Barbie « véhicule tout de même une vision de la femme très stéréotypée ». D’ailleurs, le tube planétaire d’Aqua, Barbie Girl (1997), tacle avec ironie cette représentation de femme-objet.

Barbie, une inclusivité très marketing

Dès 1968, Mattel commercialise une poupée noire et tente de sortir du seul spectre de la grande blonde aux yeux bleus, mais ce n’est qu’au milieu des années 2010 que le mastodonte du jouet, en perte de vitesse, amorce un virage vers l’inclusivité. Barbie dotée d’une prothèse auditive, Barbie « plus size », Barbie atteinte de trisomie ou encore Ken atteint de vitiligo…

La Barbie trisomique de Mattel.©Mattel

Sans compter les nombreux modèles réalisés à l’effigie de personnalités (mais non commercialisés), comme la Barbie transgenre, inspirée de l’actrice Laverne Cox, ou la Barbie voilée, à l’image de l’escrimeuse américaine Ibtihaj Muhammad. Coup de pub bien senti ou vrai désir d’ouverture ?

« Mattel communique beaucoup sur ses poupées différentes, mais ils ont compris un peu tard que Barbie pouvait aussi être petite, grosse, rousse, handicapée. Surtout, ils ne peuvent que surfer sur cette vague-là, parce que c’est l’évolution de notre société », note Julie Delettre, tout en précisant que la dimension féérique du jouet, qui offre aux enfants la possibilité de développer leur imagination, reste essentielle.

Nicky Doll et une Barbie dans le documentaire Et Dieu créa Barbie.©France TV

La diversité proposée est intéressante, juge la réalisatrice, qui a demandé dans son documentaire à plusieurs interlocuteurs ce que pourrait être la Barbie de demain. « Une drag bien sûr ! », a répondu la célèbre Nicky Doll, qui présente actuellement la saison 2 de Drag Race France sur FranceTV Slash. « Pourquoi pas, sourit de son côté Julie Delettre. Le drag, c’est la féminité poussée à l’extrême, mais pour en rire, pas pour en faire un diktat ! ». Voilà qui est dit.

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