Tom Cruise est de retour au cinéma, ce mercredi 12 juillet, avec Mission impossible : Dead Reckoning, partie 1. L’occasion pour ce blockbuster estival d’offrir du grand spectacle, mais aussi de jouer avec les imaginaires du cinéma et les codes de son industrie. Critique.
Le film de James Mangold avec Harrison Ford, Indiana Jones et le Cadran de la destinée, a ouvert les hostilités estivales le 28 juin dernier. Aujourd’hui, c’est au tour de Tom Cruise avec Mission impossible : Dead Reckoning, partie 1 de se lancer dans la course au box-office, une semaine avant les mastodontes Barbie et Oppenheimer.
Seulement un an après Top Gun: Maverick (2022), l’acteur américain est de retour dans les salles obscures. Or, cette fois-ci, ce n’est pas le pilote Pete Mitchell, mais un autre de ses rôles iconiques que Tom Cruise retrouve : celui d’Ethan Hunt. L’un des espions les plus célèbres du grand écran reprend du service, toujours sous la houlette de Christopher McQuarrie, réalisateur phare de la saga depuis le cinquième volet, Rogue Nation (2015).
Leur mission – si toutefois ils l’acceptaient – est d’offrir à la franchise d’action une conclusion digne de ce nom. Avec ce septième volet, divisé en deux parties, le cinéaste et sa star mégalo ont mis les bouchées doubles au moyen de cascades réalisées par Tom Cruise lui-même – à moto, en parachute, en voiture et même en train – et de combats au corps à corps orchestrés aux quatre coins du monde.
La recette du succès n’a pas changé, à ceci près que Dead Reckoning, sous ses airs de blockbuster américain, affiche plusieurs degrés de lecture qui non seulement permettent de revitaliser la saga, mais aussi de briser, dans un sens, le quatrième mur en mettant subtilement en perspective les problématiques actuelles du cinéma, tout en jouant avec sa galerie de personnages et leur statut d’icône.
Le reflet d’Hollywood
Pour ce faire, Dead Reckoning, partie 1 a choisi son ennemie, une intelligence artificielle, qui, si elle venait à tomber entre les mains de personnes mal intentionnées, pourrait causer de nombreux dégâts. Le choix d’une telle menace n’est pas un hasard dans le cinéma que glorifie Tom Cruise. Depuis la pandémie de Covid-19, l’acteur et producteur américain s’est lancé dans une reconquête des salles de cinéma, prônant le divertissement avec un D sur grand écran comme arme de résistance face à l’hégémonie des plateformes, mais aussi… contre l’impact que pourrait avoir l’intelligence artificielle à terme sur Hollywood.
L’IA n’est en effet plus l’apanage de la fiction et commence à investir marchés cinématographiques. Ses conséquences sont encore ignorées, à l’image de celle présentées dans Mission impossible : Dead Reckoning, partie 1. En cela, cette mystérieuse antagoniste, aussi trouble qu’invisible, apporte de la profondeur au film d’action et une résonance particulière au-delà du grand écran.
D’une certaine manière, Mission impossible brouille les frontières entre son scénario et le débat qui se joue actuellement au cœur du grand Hollywood, dont Tom Cruise semble être l’un des derniers piliers. L’acteur sert de porte-étendard, à l’image de son personnage, dernier vestige d’un âge d’or du septième art. Et cela à tel point que la personnalité de ces deux figures se confond aujourd’hui.
Tom Cruise et Ethan Hunt ne font qu’un
À l’instar d’Harrison Ford et d’Indiana Jones, Tom Cruise se coule parfaitement dans la peau d’Ethan Hunt. À la manière d’un Buster Keaton et d’un Charlie Chaplin, l’acteur n’hésite pas à donner de sa personne, tant d’un point de vue artistique – rappelons qu’il officie en tant que producteur sur la saga – que physique, en exécutant d’impressionnantes cascades, dont une à moto qui saura donner quelques vertiges après la diffusion virale de ses coulisses.
Par ailleurs, la saga Mission impossible a toujours été indissociable de la carrière de Tom Cruise, de son image, mais aussi de l’évolution de sa carrière. On se souvient ainsi de la claque de 1996 par Brian De Palma et la naissance de l’action-hero Cruise, du succès mitigé de Mission impossible 3 (2006) après les déboires liés à la polémique autour de la scientologie, ou de la revanche de la star à partir du quatrième opus, et de son envie d’offrir à la saga une envergure inédite.
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Dans Dead Reckoning, tout cela est condensé en 2h43 de film, car qui dit chapitre final, dit forcément hommage à toute la franchise. On retrouve ainsi tous les ingrédients de la série : les débuts sombres, épurés et pragmatiques sous l’égide de Brian De Palma, sa patine années 1990, tout comme le retour de personnages phares de la franchise (coucou Kittridge) sont autant d’éléments de la première partie qui contrastent avec le spectaculaire d’un huis clos final à bord d’un train – final qui fera d’ailleurs oublier le Bullet Train (2022) de David Leitch, ou encore la scène d’exposition d’Indiana Jones 5.
Dead Reckoning se place comme le chapitre héritage de la saga Mission impossible. Une stratégie bien pensée, qui permet de contrebalancer le rythme d’un scénario piétinant.
En effet, à vouloir titiller chaque recoin de la franchise, le long-métrage accumule quelques faiblesses dans le développement des personnages et les explications des enjeux scénaristiques. L’histoire a du mal se mettre en place. Les tenants et les aboutissants demeurent obscurs, sans pour autant que la tension annonciatrice du prochain volet soit pleinement construite.
Le jeu des identités
Le film se perd également dans une galerie de personnages parfois trop vaste. Si l’on retrouve ainsi le gang de Tom Cruise composé de Rebecca Ferguson, Simon Pegg et de Ving Rhames, on croise également Alanna Mitsopolis (Vanessa Kirby), de retour dans ce chapitre, tout en faisant la connaissance de nouveaux protagonistes. Les spectateurs pourront ainsi découvrir le mystérieux Gabriel (Esai Morales) et sa seconde, Paris (Pom Klementieff), ainsi que Grace (Hayley Atwell), une pick-pocket embarquée contre son gré dans la mission d’Ethan Hunt.
Cette dernière, connue du grand public pour avoir incarné l’agent Carter chez Marvel, représente un contre-point drôle et pétillant, parfois même émouvant, non seulement face à Tom Cruise, mais aussi à son rôle emblématique dans Captain America (2011).
Son statut de voleuse de bas étage contraste avec celui de l’espion international, mais les deux acteurs forment un duo convaincant. La scène de course-poursuite en voiture dans Rome finira de catalyser leur dynamique.
Hayley Atwell n’est pas la seule protagoniste remarquable de cette grande scène romaine. On doit aussi citer Pom Klementieff, que l’on découvre pour la première fois dans la peau d’une redoutable antagoniste.
Si elle peut parfois paraitre clownesque – son maquillage et ses costumes rappelant presque une pâle copie d’Harley Quinn –, cette partition contraste avec celle des Gardiens de la galaxie, saga dans laquelle la comédienne évolue sous les traits de l’extraterrestre Mantis. La super-héroïne a laissé place à la super-vilaine.
Mission impossible septième du nom n’hésite pas à jouer avec les représentations cinématographiques, à les tordre, dans le seul but de surprendre son spectateur et de lui offrir plusieurs niveaux de lecture. Un aspect complètement méta qui mélange nouvelles considérations hollywoodiennes, statut hybride d’acteur-personnage et hommage à l’ensemble de la franchise.
Il y a presque une profondeur jouissive dans la mise en place de ce dernier chapitre autour d’un action-hero humanisé, loin du protocole à la 007. Véritable machine hollywoodienne, Dead Reckoning est un subtil mélange entre réflexion de fond sur l’état actuel du cinéma et grand spectacle de forme, finalement. L’un n’est pas indissociable de l’autre, et ça, Tom Cruise et Ethan Hunt l’ont bien compris.
Mission impossible : Dead Reckoning, partie 1, de Christopher McQuarrie, avec Tom Cruise, Rebecca Ferguson, Simon Pegg, Ving Rhames, Hayley Atwell, Pom Klementieff et Esai Morales, 2h43, en salle le 12 juillet 2023.