Décryptage

Trottinettes électriques en France : après l’explosion, où en est-on en 2023 ?

25 juin 2023
Par Benjamin Logerot
Les ventes de trottinettes commencent à diminuer, après 5 ans de folie.
Les ventes de trottinettes commencent à diminuer, après 5 ans de folie. ©Zedspider/Shutterstock

Elles se sont emparées de nos rues et ont régulièrement fait la une des journaux ces dernières années. Le phénomène des trottinettes électriques est désormais bien installé en France.

Pour la première fois depuis le boom du segment, les ventes de trottinettes électriques ont diminué l’année dernière. Un signe que le marché se stabilise et qu’il entre désormais dans sa phase de maturité. Quelle est la place de la trottinette aujourd’hui en France ? Quel avenir pour ce moyen de transport jugé simple et propre, dans une société qui a laissé se multiplier les offres en libre-service dans les villes et qui divise encore grandement la population ?

Un marché de la trottinette en baisse, mais toujours vivace

Si la trottinette électrique en elle-même n’est pas nouvelle (on pense à Razor qui avait déjà sorti une trottinette à moteur, pliable, dès la fin des années 1990), ses versions modernes telles que nous les croisons quotidiennement dans les rues sont apparues très récemment. C’est notamment l’apparition des batteries au lithium, beaucoup plus petites et transportables, qui a révolutionné les usages de ce moyen de déplacement. S’est ensuivi, dès la fin des années 2010, une énorme explosion des usages. Pendant cinq ans, le marché de la trottinette électrique en France a connu une croissance constante à deux chiffres.

La Fédération des professionnels de la micro-mobilité avance même que, sur le territoire, en 2022, quelque 2,5 millions d’utilisateurs et utilisatrices possèdent une trottinette électrique. Mais voilà, nous arrivons désormais à ce que la Fédération appelle « une phase de consolidation du marché ». Les ventes sont en baisse, mais elles montent en gamme. Dans son rapport du marché 2022, la FPMM indique que, l’année dernière, 759 000 trottinettes ont été vendues sur le territoire. En 2021, ce chiffre atteignait presque le million. En un an, les ventes, en volume, ont baissé d’environ 16 % pour un chiffre d’affaires de 345 millions d’euros.

ventes trottinettes électriques
Les Français achètent désormais des trottinettes de gamme supérieure. ©FPMM

Cependant, on constate une forte hausse en gamme des modèles vendus. Le prix moyen de vente d’une trottinette en 2022 était de 455 €, contre 341 € en 2021. La part des trottinettes dont le prix se situe entre 300 et 500 € a explosé et est devenu le segment le plus vendu l’année dernière, représentant 47 % des ventes contre 38 % l’année d’avant. Les ventes sur le segment haut de gamme, de 500 à 800 € (20 % contre 6 % en 2021) et à plus de 800 € (4 % contre 2 %) ont aussi beaucoup augmenté l’année dernière.

Évidemment, ce succès s’explique surtout par les changements apportés dans les usages quotidiens, notamment en ville. Une enquête OpinionWay menée entre 2021 et fin 2022 auprès de 861 possesseurs de ces engins a mis en avant que 63 % des interrogés ont choisi un tel appareil pour gagner du temps. Posséder une trottinette électrique permettrait même d’opérer d’importantes économies chaque mois, puisque 50 % des usagers interrogés ont déclaré économiser entre 30 et 100 €. Des économies réalisées en arrêtant de payer pour des transports en commun ou pour de l’essence.

Protocole test Labo Fnac Trottinettes électriques
Le Labo Fnac a mis au point un protocole de test de trottinettes électriques inédit. ©Labo Fnac

De son côté, l’offre de trottinettes électriques en France n’a jamais été aussi forte et diverse. Il devient même difficile de choisir parmi les nombreux choix disponibles. C’est pourquoi des initiatives ont été prises. Par exemple, le Labo Fnac a mis au point, après deux ans de recherches, le premier protocole de test des trottinettes électriques, qui s’appuie sur cinq points majeurs pour les noter. Le site de vente en ligne accueille donc depuis quelques semaines des tests de trottinettes électriques pour mieux faire son choix.

Des polémiques qui n’en finissent pas

Le secteur dans lequel les trottinettes électriques ne faiblissent pas, c’est bien malheureusement sur les polémiques. Des polémiques se sont succédé sur les incivilités des usagers des trottinettes, mais aussi sur la prolifération des engins en libre-service dans les rues des principales villes de France (ayant mené à encore plus d’incivilités). Il a fallu attendre plusieurs mois et même années pour avoir des règles strictes et claires concernant leur usage dans l’espace urbain partagé. Des règles jugées encore insuffisantes par certaines institutions.

Par exemple, à la fin du mois de novembre 2022, l’Académie nationale de médecine publiait un rapport alertant sur la trop grande accidentologie liée aux trottinettes électriques chaque année. « Avec l’expansion de l’offre de location des trottinettes électriques, l’accidentologie liée à leur utilisation est devenue un problème sanitaire majeur », pouvait-on lire en introduction du rapport. Et c’est un des problèmes majeurs que nous retrouvons souvent en Une des journaux, devant le sujet des engins lancés dans les fleuves et rivières par leurs opposants.

trottinettes électriques paris
Les accidents de trottinettes sont les plus nombreux à Paris puisque c’est la ville qui en accueille le plus. ©gabriel12 / Shutterstock

L’Académie ajoute que « les facteurs de risque de cette nouvelle pratique de la micro-mobilité urbaine sont liés notamment à la conception des engins, au comportement des conducteurs, à l’état des voiries et au partage de l’espace public ». Mettons en avant un chiffre : le nombre d’usagers décédés était, au moment de la publication du rapport en novembre 2022, de 27, contre 10 sur toute l’année 2019. Le nombre de blessés a lui aussi augmenté au fil des ans. Ils étaient 180 % plus nombreux entre l’été 2021 et l’été 2022 qu’en 2019. Pour l’Académie de médecine, les régulations en place ne sont pas suffisantes.

Depuis 2019, les trottinettes électriques sont pourtant entrées dans le code de la route. Le gouvernement a alors mis en place un certain nombre de règles à respecter par les usagers, notamment en ville. Par exemple, il est obligatoire de rouler sur les pistes cyclables. En l’absence de piste, il est possible de rouler sur les trottoirs (à condition que la mairie l’autorise) à une allure de 6 km/h maximum. Il faut avoir 12 ans minimum pour circuler sur une trottinette électrique (et en général 18 ans pour les engins en libre-service), posséder un équipement rétro-réfléchissant et ne pas dépasser les 25 km/h en déplacement.

L’Académie a listé quelques propositions afin de limiter le plus possible les accidents et les blessures. L’institution appelle à une augmentation de l’âge minimum pour utiliser une trottinette électrique à 16 ans, demande à faire passer un certificat obligatoire pour les mineurs, dispenser des formations ou encore obliger le port d’équipements de protection. Des règles qu’il serait possible de faire respecter auprès des usagers possédant leur propre trottinette électrique, mais plus difficilement auprès des usagers de trottinettes venant d’opérateurs d’engins en libre-service, particulièrement dans le collimateur des détracteurs.

Quel avenir ? 

Pour les ventes de trottinettes, il n’y a pour le moment pas de souci à se faire. Le marché reste solide et continue sa consolidation en France. Cependant, il en va différemment pour l’offre de trottinettes en libre-service dans les grandes villes. Souvent critiqués pour la gestion maladroite, et parfois jugée négligente, de leurs flottes d’engins, les opérateurs sont depuis quelques années dans le collimateur des municipalités.

trottinettes électriques libre-service
L’un des plus grands reproches adressés aux trottinettes en libre-service dans les villes est le manque de gestion de leur stationnement, entraînant souvent l’encombrement des trottoirs. ©Billaudeau Thomas / Shutterstock

Avec l’explosion de l’usage des trottinettes électriques, les villes ont laissé venir, très vite, de nombreux opérateurs sans distinction. Par exemple, en 2019, la ville de Paris comptait pas moins de 12 opérateurs différents proposant leurs trottinettes dans les rues de la capitale. Leur nombre a été limité à trois, comme dans d’autres villes. Mais, à Paris, la situation va changer. À partir du 1er septembre prochain, il n’y aura plus de trottinettes électriques en libre-service dans les rues. Un vote auprès des citoyens, organisé par la mairie, a tranché et a décidé du non-renouvellement du contrat liant les trois entreprises, Lime, Dott et Tier à la ville de Paris à la rentrée.

À Marseille, face aux nombreuses plaintes et à la présence des trottinettes dans des endroits inappropriés, le sujet est lui aussi évoqué par la mairie depuis le début de l’année. Lille est d’ailleurs l’une des seules grandes métropoles françaises à n’avoir jamais accepté l’arrivée d’opérateurs dans ses murs, contrairement à sa voisine Roubaix, par exemple. À Lyon, les deux opérateurs Dott et Tier ont été reconduits pour quatre ans en février dernier, mais restent scrutés par la municipalité écologiste, qui a serré la vis concernant les règles d’utilisation. Même son de cloche à Bordeaux, qui oblige le stationnement à des endroits bien identifiés. Les discours semblent être toutefois les mêmes à chaque fois : si les règles ne sont pas suivies, les opérateurs n’auront plus leur place.

À lire aussi

Article rédigé par