Avec ce Renaissance Tour, Beyoncé revient plus solide que jamais, dans un show kaléidoscopique ultracalibré. Au pays du prodigieux, elle a définitivement toute sa place.
Une tournée de Beyoncé, c’est forcément un événement. C’est ce que je me disais pour me convaincre, quelques jours avant l’ouverture des ventes en ligne. C’est la première fois que je vais voir une star de cette envergure en concert et, je l’avoue, je ne suis pas un adepte des grandes salles – si tant est que l’on puisse appeler le Stade de France une « salle ». Je ne suis pas non plus un fan de la première heure de Beyoncé ; j’imagine assez facilement ne pas connaître toutes les chansons, mais j’ai toujours été impressionné par les vidéos de ses lives.
Cette façon grandiose de chanter comme si elle allait chercher le pain, alors qu’elle est en train de secouer sa tête dans tous les sens en sautant à cloche-pied en talons. J’ai en tête les images de ses concerts du Superbowl, où je m’étais dit qu’elle ne devait définitivement pas fumer un paquet par jour, ou encore son Coachella 2018, renommé à juste titre le « Beychella ». C’est porté par ces images de performances millimétrées que, je dois bien l’avouer, j’attends d’assister à un show de la même envergure avec ce Renaissance Tour.
Renaissance Tour, des attentes et des espoirs
Le Renaissance Tour est la huitième tournée de Beyoncé, qu’elle a entamée il y a quelques jours à Stockholm, et qu’elle achèvera en septembre à la Nouvelle-Orléans. Écumant l’Europe et l’Amérique du Nord, il semblait assez évident que Queen B allait passer par Paris.
Dix jours avant la date, les réseaux sociaux sont en ébullition. Il y a les fans qui s’absentent des plateformes pour ne pas être spoilés sur le déroulé du concert, ou ceux qui apprennent par cœur un passage de Heated pour montrer que Paris est le meilleur public. Bref, tout le monde se prépare à vivre un grand moment. Et Beyoncé le sait.
Un début tout en douceur
Au Stade de France, l’ambiance est électrique. Le lieu étant gigantesque, tout prend des proportions démesurées. Ayant scrollé de nombreuses heures sur TikTok, je sais plus ou moins à quoi m’attendre, notamment au niveau de la setlist, qui est assez impressionnante : une quarantaine de titres sont prévus. Je m’imagine déjà rentrer à minuit, mais qu’à cela ne tienne, je n’ai pas 85 ans, et on ne va pas voir Beyoncé tous les jours. Installé bien sagement, bière (sans alcool) à la main, j’observe la scène quelques minutes avant l’heure officielle qui, comme souvent, on s’en doute, ne sera pas respectée.
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Par moments, la foule se lève, comme si Beyoncé arrivait par la petite porte. En réalité, ce sont des techniciens qui se font plaisir en défilant au milieu de la scène, éventails en main, l’un des accessoires de la chanson Heated. Du côté du coin VIP, ça se presse également : Selena Gomez vient d’arriver. Beyoncé a quelques ami·e·s connu·e·s parmi lesquels on retrouve Lenny Kravitz, Natalie Portman, Kris et Kylie Jenner, Pharrell Williams, Megan Thee Stallion, ou encore un certain Jay-Z, le mari de celle qui a réuni un stade entier pour elle ce soir.
Lorsque l’écran s’allume enfin, c’est l’euphorie. Littéralement. J’observe tout ça d’un œil un peu plus distant (pour ne pas dire rabat-joie), sans avoir conscience de ce qui m’attend. Beyoncé arrive par le bas, et entame le premier des sept actes que comptera ce concert : Opening. Une partie tout en douceur, portée par des chansons plus anciennes, notamment Dangerously in love qui ouvre le show.
Robe brillant de mille feux, Beyoncé lance sa voix dans les airs, fait résonner son aura à travers le stade et le public en redemande. Bien évidemment, l’artiste originaire de Houston n’élude pas un hommage à Tina Turner, disparue quelques jours auparavant, et qui, de toute évidence, a eu un rôle majeur dans le fait qu’elle se présente à nous aujourd’hui. À la fin de l’acte, un groupe bien connu des fans de Beyoncé arrive sur scène : Les Twins. Ce duo de jumeaux français tourne avec la chanteuse depuis des années maintenant, et allume petit à petit ce qui sera un show rebondissant, dans tous les sens du terme.
Un show millimétré
Entre chaque acte ou presque, Beyoncé nous occupe en diffusant des vidéos à la limite du court-métrage, la mettant en scène tantôt en déesse robotique, tantôt en papesse du style, opérant la transition de façon efficace. Et il faut dire qu’après un premier acte où les chansons plus douces avaient toute leur place, je suis mentalement prêt à migrer vers le deuxième acte : Renaissance.
Tout au long du spectacle, de façon très intelligente, Beyoncé alterne les chorégraphies et les dispositifs impressionnants (mention spéciale pour le gros char sur scène) qui suffisent à s’extasier sans remarquer qu’elle est assise. Dans le langage Beyoncé, je me dis que ça veut probablement dire qu’elle s’économise cinq minutes, le temps de reprendre une respiration normale. C’est la moindre des choses. Les titres de son dernier album s’enchaînent, pour mieux mettre en lumière d’anciens tubes qu’elle parsème de temps à autre pour regagner l’attention de tout le public.
Car, de mon côté, si je ne maîtrise pas toutes les paroles de Cozy, je suis en revanche imbattable sur des titres comme Run the world, chanson qui s’accompagne d’une chorégraphie quasi-mythique, que je regardais déjà sur YouTube il y a des années, et devant laquelle je m’extasie ce soir en ne décelant aucune fausse note dans la voix de Beyoncé. De fait, une nouvelle fois, elle confirme qu’elle bâtit sa carrière sur tout, sauf sur du vent. J’en ai presque le souffle coupé, ce qui ne semble pas être son cas. Par là même, elle en deviendrait presque robotique, une vraie « Alien superstar », comme l’un de ses titres le suggère.
Beyoncé, un remède contre l’ennui
Depuis quelques jours, des rumeurs couraient sur la présence de certains guests. Nicki Minaj, ou encore Madonna pourraient débarquer sur scène comme invitées spéciales. De mon côté, je me dis que ce n’est évidemment pas impossible et que, si la rumeur existe, c’est que quelque chose va se produire. Résultat ? C’est Blue Ivy, la fille de 11 ans de Beyoncé, qui s’est avancée sur scène, portée par quelques pas de danse bien sentis dont je suis moi-même incapable en soirée. À chaque fois, Beyoncé réussit à créer l’événement dans l’événement, et il me semble que c’est un talent que tous les artistes n’ont pas forcément.
Interludes après interludes, des « happenings » se produisent : tantôt Les Twins débarquent, tantôt une troupe (hyper inclusive) rend hommage à l’atmosphère des scènes ballroom. Tout est sur-étudié pour que, jamais, je ne pense à l’heure qu’il est. Et ça fonctionne.
Fédérer pour mieux s’ambiancer
Au moment de titres comme Love on top, morceau avec lequel elle avait d’ailleurs créé l’événement sur scène en annonçant, il y a 12 ans, qu’elle était enceinte de la jeune personne montée sur scène tout à l’heure, Beyoncé tend son micro, et laisse le public faire pour elle. Je prends conscience que ces milliers de gens sont là pour vivre cette effusion collective. Je pourrais presque comprendre les fans qui se sont mis à pleurer en entendant les premières notes du concert. À ce moment-là, je me dis également que Beyoncé est tout de même très forte pour parvenir à créer un show aussi équilibré. Je me dis surtout qu’il n’y a ni ennui, ni essoufflement, jusqu’à ce que je comprenne que je n’avais pas encore entendu Crazy in love.
D’un coup d’un seul, le Stade de France se lève tout entier pour cette chanson iconique, et je sens que quelque chose se passe. Beyoncé s’avance, emporte tout sur son passage, incarnant à merveille une citation d’Albert Einstein qu’elle a placée dans l’un de ses interludes : « L’imagination est plus importante que la connaissance. » Beyoncé a créé des images qu’elle déploie à travers le monde, pour tout le monde, avec tout le monde. Ce concert en est le symbole.
Au fil du show, une jeune femme à côté de moi signale avoir peu entendu de titres issus de son album Lemonade, ce qui ne me dérange pas outre mesure, mais ce qui vaut le coup d’être précisé. De mon côté, je note surtout une absente de taille : Drunk in love, morceau que Beyoncé avait interprété pour la première date suédoise, et qui, il y a quelques mois, a été remis sur le devant de la scène grâce à sa réinterprétation à Dubaï (opérant par la même occasion une polémique) dans l’esprit « chant de sirène ».
Qu’à cela ne tienne, je l’oublie aussitôt que j’y pense. Car ce soir, je n’ai pas le temps de penser. Tout ceci est dû à un show à flux tendu, où les tenues plus affolantes les unes que les autres se succèdent : mention spéciale d’ailleurs au costume d’abeille au moment de PURE/HONEY, qui confirme définitivement son surnom de « Queen B(ee) », tout comme les engagements parsemés çà et là, ou les hommages aux figures qui ont compté dans sa vie.
À la fin, je suis déjà conquis, mais vers 23h15, son arrivée sur un cheval argenté – celui qui apparaît sur la pochette de l’album Renaissance – finit de me convaincre que j’ai bien fait de prendre mes places. Beyoncé se met en scène en cavalière et lévite au-dessus de la foule du Stade de France. On a effectivement connu des fins de concert plus discrètes. On le sent, le show se termine, les gens commencent déjà à sortir pour rejoindre les stations de métro, mais, de mon côté, j’en reprendrais bien pour deux heures encore et je m’étonnerais presque de le penser. Dans ma main, ma bière est à moitié chaude, je l’avais oubliée, ça ne me ressemble pas. Lorsqu’on parlait d’un show grandiose, je crois désormais comprendre de quoi il s’agissait.