À l’occasion de la remise de sa Palme d’or d’honneur, Michael Douglas a profité de son passage à Cannes pour donner une masterclass. L’Éclaireur y était, on vous raconte.
Si ce mardi 16 mai, Michael Douglas a reçu la Palme d’or d’honneur durant la cérémonie d’ouverture du Festival de Cannes, hier, l’acteur américain âgé de 76 ans s’est livré au traditionnel exercice de la masterclass. Les cinéphiles ont dû faire face à un choix cornélien entre une rencontre avec le comédien et, au même moment, la conférence de presse d’Almodovar pour son court-métrage Strange Way of Life. Après une guerre sans merci sur la billetterie du Festival, c’est finalement Michael Douglas qui l’a emporté dans le cœur de L’Éclaireur, qui est parvenu à accéder aux discussions animées par Didier Allouch avec la superstar américaine.
Pour amorcer l’entretien, le journaliste a évoqué la Palme d’or d’honneur, l’occasion pour Michael Douglas de revenir sur ses souvenirs cannois : « Hier, c’était une émotion particulière, car j’ai plusieurs souvenirs à Cannes. J’étais venu en 1978 afin de présenter Le Syndrome chinois. Par ailleurs, mon père a rencontré ma belle-mère durant le Festival, c’est une histoire qui a bercé ma jeunesse. Je me souviens aussi de l’enthousiasme du public français face à des films internationaux. Ils aiment le cinéma ; c’est ce qui m’a encouragé à tourner dans le monde entier. »
Le poids de Kirk Douglas
L’autre événement du Festival, c’était aussi la présentation du documentaire Le Fils prodigieux, qui revient sur l’ascension de Michael Douglas, dans l’ombre de son père Kirk, puis sa trajectoire indépendante finalement aussi glorieuse que celle de son patriarche. Le long-métrage pose notamment la problématique suivante : comment fait-on pour devenir l’homme qu’était notre père ?
Cette question, Michael Douglas se l’est longtemps posée et pourtant sa méthode d’acting n’a rien à voir avec celle de son père : « Nous parlions indirectement de nos méthodes de travail. Mon père a commencé avec des films plus émouvants avant de changer complètement pour son sixième film. J’ai incarné pour ma part des personnages sombres. C’est d’ailleurs en jouant ce genre de protagonistes que j’ai commencé à acquérir une reconnaissance dans le milieu. L’Oscar pour Wall Street a évidemment été un autre bénéfice, car avant, je sentais la pression de mon père et le poids de son héritage. »
Parler de son père, Michael Douglas a l’habitude et on sent qu’il aime cela. À plusieurs moments durant la conférence, l’acteur évoque la star américaine disparue en 2020, à coups d’anecdotes amusantes, mais aussi le travail avec sa famille, ainsi que l’importance qu’elle occupe dans sa vie : « Je ne suis pas bon tout seul. »
De Milos Forman à Steven Soderbergh
C’est sûrement pour cette raison que Michael Douglas a toujours voulu s’entourer des meilleurs au fil de sa carrière. En tant que producteur pour Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975), il choisit Milos Forman, cinéaste tchèque à qui l’acteur a tenu à rendre hommage : « Nous avons eu beaucoup de mal à trouver un réalisateur pour le film. Milos était alors dépressif, il ne sortait plus du lit, même pour aller en séance de thérapie. Mais quand il a lu le script de Vol au-dessus d’un nid de coucou, il a enfin retrouvé goût à la vie. C’était magique, c’était mon ami et il me manque beaucoup aujourd’hui. » Par ailleurs, le film porté par Jack Nicholson a eu un grand impact dans la carrière de Michael Douglas. Lauréat de plusieurs Oscars, aucun studio n’avaient voulu produire le film à l’époque : « Il faut suivre son instinct, j’avais adoré le livre, c’était un livre très puissant. C’est cette passion et cette structure qui m’ont poussé à poursuivre le projet. »
Paul Verhoeven, Adrian Lyne, Oliver Stone, Steven Soderbergh, Ridley Scott, David Fincher… Michael Douglas a tourné avec plusieurs réalisateurs emblématiques d’Hollywood. Chez Oliver Stone, il deviendra le fameux Gordon Gekko dans Wall Street (1987), l’acteur ayant relevé avoir longtemps travaillé sa voix et son intonation afin d’offrir à l’un des méchants les plus cultes du grand écran une attitude reptilienne.
Souvent attiré par des personnages hors de contrôle, Michael Douglas est revenu sur ce choix de carrière en expliquant : « Je pense que la génération de mon père, c’était le Bien et le Mal. Ma génération en revanche, étant donné que l’on a été influencé par la Guerre du Vietnam, les manifestations… Cela a fait que j’ai tout de suite été attiré par des hommes qui sont dans des positions impossibles. C’est notamment ce que j’ai appris dans Liaison fatale (1987). J’ai placé mon personnage dans un dilemme et le public a compris. »
Steven Soderbergh est aussi l’un des réalisateurs qui a compté dans la carrière de Michael Douglas, lui ayant offert trois rôles diamétralement opposés, dont le plus emblématique est très certainement celui dans Ma vie avec Liberace (2013) : « Steven Soderbergh, on ne peut que le soutenir. J’irais n’importe où avec lui. Il est gentil et silencieux, c’est une bête de travail. Il m’a offert une seconde chance après mon cancer en me donnant le rôle de Liberace. »
Depuis, l’acteur est devenu une figure importante de l’univers Marvel, un choix que Michael Douglas justifie par son envie de « tourner un film avec des écrans verts ». Ceci témoigne de la curiosité toujours plus grandissante de l’acteur qui a également évoqué À la poursuite du Diamant Vert (1984), Chute libre (1993), ou encore Le Président et Miss Wade (1995) avec Annette Bening. S’il a annoncé se concentrer sur ses engagements humanitaires et faire une pause dans sa carrière, après avoir terminé une série d’époque en France, dans laquelle il incarnera Benjamin Franklin, la star n’a jamais eu peur d’explorer plusieurs terrains de jeu cinématographiques : la comédie avec La Méthode Kominsky (2018-2021), les films indépendants avec King of California (2007), tout en prônant cette image de sex-symbol ambigu depuis Basic Instinct.
Présenté à Cannes en 1992, le film porté par Michael Douglas aux côtés de Sharon Stone a durablement marqué l’histoire du cinéma. Alors, quand l’un de ses monstres sacrés pointe le bout de son nez sur la Croisette, on ne peut que tout faire pour assister à sa masterclass. Drôle, passionnante, mais aussi émouvante, elle était finalement à l’image de son acteur et de sa carrière, sublime !