Les intelligences artificielles bousculent et remettent en question de nombreux domaines, dont l’éducation. Remplaceront-elles les profs ? Rendront-elles les élèves ignares ? On fait le point.
L’arrivée de ChatGPT et des IA génératives a été un coup de tonnerre pour bien des personnes, qui ont immédiatement craint d’être remplacées. Parmi elles, les journalistes, les scénaristes, les artistes… et les professeurs. Ces derniers ont-ils vraiment raison d’être pessimistes, ou l’IA est-elle une opportunité à saisir pour révolutionner l’apprentissage ?
Des craintes justifiées
Dans les premiers temps, l’intelligence artificielle – en particulier ChatGPT – a donné une très mauvaise impression au secteur de l’éducation. En effet, quel est l’intérêt de donner des devoirs à réaliser à la maison s’il suffit de poser la question à un chatbot et de recopier bêtement la réponse fournie ? De plus, cette inquiétude s’est vite étendue aux autres types d’examens, les élèves ayant constamment accès à leur smartphone et pouvant utiliser ChatGPT pour tricher. Et la cerise sur le gâteau : ces IA peuvent fournir des réponses erronées ou des citations inventées de toutes pièces, donc elles ne sont pas forcément de bons outils d’apprentissage non plus.
Ces craintes étaient fondées : de nombreux cas de tricherie ont été signalés à travers le monde et ChatGPT est régulièrement pointé du doigt pour sa capacité à générer de la désinformation de manière crédible. Cela a conduit certaines universités à prendre des mesures : dès janvier dernier, Sciences Po avait par exemple prévenu les étudiants que l’utilisation de ChatGPT était interdite pour la production de travaux.
Créer les nouveaux usages
Face à la panique ambiante, d’autres professeurs ont préféré attaquer le problème autrement en échangeant réflexions, expériences et conseils sur les réseaux sociaux sur la meilleure manière d’aborder le sujet avec leurs élèves, qui chercheront de toute manière à utiliser les IA. « Je ne vois plus trop comment ne pas intégrer systématiquement #ChatGPT à mes cours, au moins comme ressource et point de départ, notamment pour les travaux écrits (rédactions…), twitte par exemple Greg Devin, professeur de lettres. De toute façon, si je ne le fais pas, les élèves le feront, et bien souvent n’importe comment… » S’il y a un point sur lequel de nombreux professeurs s’accordent, c’est que ChatGPT, avec sa capacité de désinformation, peut aider à enseigner l’esprit critique et la recherche de sources complémentaires.
Les plateformes de formation en ligne planchent également sur l’utilisation des intelligences artificielles en complément de leurs professeurs humains. Sal Khan, fondateur du site Khan Academy, a ainsi consacré une conférence à ce sujet, nommée « Comment l’IA pourrait sauver (et non détruire) l’éducation ». L’entreprise a récemment conçu Khanmigo, un chatbot basé sur le modèle de langage GPT-4. Ce tuteur virtuel refuse de donner directement les réponses aux apprenants, comme le ferait habituellement ChatGPT, mais les aide à trouver la réponse par eux-mêmes et leur explique leurs erreurs. Plus étonnant, les élèves peuvent également utiliser le chatbot pour dialoguer avec une figure historique ou un personnage de fiction pour un apprentissage plus immersif.
Khanmigo sera aussi utile pour les professeurs humains en tant qu’assistant pédagogique, en les aidant à préparer un plan de cours ou encore en leur donnant des idées pour présenter une nouvelle leçon de manière plus intéressante et ludique.
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Autoriser ou bannir ?
Si la peur de la nouveauté et des potentielles capacités infinies (et incontrôlables) des intelligences artificielles a d’abord conduit à des interdictions, aujourd’hui le temps est plutôt à la réflexion, comme en témoigne l’organisation de deux journées de conférences IA & Éducation début juin à Pantin.
Si l’on ne peut échapper à l’IA, comment l’utiliser correctement dans le système éducatif ? N’est-elle pas un outil comme un autre à utiliser ou non selon les cas, à l’instar de la calculatrice, Google et Wikipédia ? Quant aux craintes de tricherie et de paresse de la part des élèves, il serait sûrement plus judicieux de s’attaquer aux racines du problème : pourquoi les élèves n’aiment-ils pas apprendre et n’ont-ils pas envie de faire leurs devoirs ? Certains professeurs pensent par exemple s’adapter à ces récents changements en proposant plus de projets en classe et à l’oral. Professeurs et élèves ont tout intérêt à apprendre à utiliser correctement les IA tout en comprenant leurs limites, pour qu’ils connaissent ces technologies au lieu de les subir.
Comme dans d’autres secteurs, peut-être que l’intelligence artificielle remplacera surtout les mauvais professeurs. Beaucoup de personnes peuvent nommer un excellent prof qu’elles ont eu au cours de leur scolarité, qui leur a transmis une passion pour leur matière, qui les a soutenus ou encore inspirés, et ça, les IA ne peuvent pas le faire.