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MentalTech : quand le numérique se met au service de la santé mentale

27 avril 2023
Par Marion Piasecki
MentalTech : quand le numérique se met au service de la santé mentale
©myboys.me/Shutterstock

Soigner son anxiété, une phobie ou une addiction avec les technologies est possible, mais ce secteur de la tech fait face à de nombreux défis.

La Medtech fait régulièrement parler d’elle grâce aux progrès fulgurants réalisés ces dernières années à l’aide de technologies comme l’intelligence artificielle, l’impression 3D ou encore la réalité virtuelle. En France, les entreprises spécialisées dans le domaine bien spécifique de la santé mentale, où ces technologies peuvent aussi être très utiles, commencent à s’organiser autour du collectif MentalTech.

Des usages variés

Le secteur du numérique pour la santé mentale recouvre un spectre très large de solutions. Il y a tout d’abord le lien entre les soignants et les patients, comme Qare pour les téléconsultations ou Moka.Care pour mettre en contact des salariés avec un psychologue. Ensuite, les applications de méditation comme Petit Bambou font également partie de ce secteur, puisqu’elles sont utilisées pour lutter contre l’anxiété ou les insomnies.

En France, de nombreuses entreprises de la tech sont consacrées à la santé mentale, que ce soit dans la prévention, le soin ou le lien entre patients et soignants.

D’autres solutions existent pour des problèmes plus spécifiques, à l’instar de C2Care qui soigne entre autres les phobies grâce à la réalité virtuelle, l’application Kwit qui lutte contre l’addiction au tabac ou Sobero contre l’alcoolisme.

Ces deux dernières applications ont été co-créées par Geoffrey Kretz. Ancien fumeur, il propose d’utiliser la gamification et les sciences comportementales cognitives pour lutter contre les addictions. Dans le cas de Kwit, les utilisateurs sont motivés grâce à l’affichage de l’argent économisé, des cigarettes non fumées et même de la durée de vie gagnée.

« Le défaut des thérapies, c’est que le thérapeute n’est pas tout le temps là. Si vous avez un souci le vendredi soir à 23 heures, il n’est pas là. L’appli mobile permet d’être un compagnon disponible H24. »

Geoffrey Kretz
Cofondateur de Kwit et Sobero

Plus l’utilisateur reste non-fumeur longtemps, plus il remplit de mini-objectifs santé qui lui apportent des points d’expérience et lui permettent de passer au niveau supérieur. Côté psychologie, l’application apprend à l’utilisateur à reconnaître ses émotions et ses raisons de fumer et à gérer quand il a envie de reprendre une cigarette.

Pour Geoffrey Kretz, les applications sont réellement un avantage pour lutter contre les addictions, à cause des pulsions de rechute qui peuvent revenir à tout moment : « Le défaut des thérapies, c’est que le thérapeute n’est pas tout le temps là. Si vous avez un souci le vendredi soir à 23 heures, il n’est pas là. L’appli mobile permet d’être un compagnon disponible H24. »

Le Covid, facteur d’accélération du secteur

Si ce type d’entreprises existait déjà avant la pandémie de Covid-19, il est évident que cette dernière a accéléré leur visibilité et leur développement, comme l’explique Joséphine Arrighi, vice-présidente du collectif MentalTech : « Depuis le premier confinement, la santé mentale a été très médiatisée. Je pense que les élus français ont vraiment pris conscience de la santé mentale – parce qu’elle s’est dégradée pendant la crise sanitaire – ce qui a eu le mérite de la placer assez haut dans l’agenda des médias et des pouvoirs publics. »

Cette période inédite a aussi encouragé la création de nouvelles initiatives sur le sujet, parfois de façon opportuniste, ce qui a causé la création du collectif : « On a vu des nouveaux acteurs arriver sur le marché, notamment sur le sujet de la santé mentale au travail. On a vu aussi que tout le monde ne le faisait pas pour de “bonnes raisons” et qu’il était nécessaire de se regrouper entre acteurs qui partagent les mêmes valeurs d’éthique et de pédagogie. »

Données, éthique, financement… De multiples défis à relever

La santé mentale n’étant pas un domaine comme les autres, il nécessite des précautions particulières. Ce sont des données très sensibles, ce qui signifie que les enjeux de protection de la vie privée et de cybersécurité sont d’autant plus importants et que la confiance des utilisateurs en dépend. La question de la sécurité des données de santé en France a d’ailleurs fait plusieurs fois l’actualité ces derniers mois avec plusieurs cyberattaques contre des hôpitaux. Pour Joséphine Arrighi, il y a déjà deux protections contre ces problèmes : le respect strict du RGPD et, si besoin, l’hébergement des données de santé dans des serveurs spécialisés HDS qui ont des protections spécifiques.

Les questions d’éthique et de valeur scientifique sont également cruciales pour proposer de véritables solutions qui ne relèvent pas du charlatanisme, d’où la création d’un collectif avec une charte qui exige l’implication d’un comité d’éthique et de médecins dans le développement de ces services.

L’outil de thérapie digitale C2Care permet d’exposer des patients à leurs phobies de manière graduelle et accompagnée grâce à la réalité virtuelle.

Côté financements, un problème se pose également. Comme dans d’autres domaines de la tech, les entrepreneurs se retrouvent coincés par des processus trop longs. « Il faut beaucoup dialoguer avec l’écosystème et notamment les acteurs publics, les autorités de santé, pour faire en sorte que la réglementation soit favorable à l’innovation en santé et en santé mentale, et donc pour faire en sorte parfois d’assouplir certaines réglementations, estime Joséphine Arrighi. Il faut maintenir un dialogue permanent pour faire en sorte que l’innovation en matière de santé mentale ne soit pas freinée, mais au contraire facilitée. »

Dans les années à venir, ces entreprises espèrent être mieux reconnues par l’Assurance maladie et les professionnels de santé, afin que leurs solutions puissent être prescrites et remboursées. « La France a commencé à annoncer des avancées en ce sens il y a seulement quelques semaines, explique Geoffrey Kretz, donc il faudra sûrement attendre trois ou quatre ans avant que cela bouge. »

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Article rédigé par
Marion Piasecki
Marion Piasecki
Journaliste