Critique

Resident Evil 4 : un remake d’anthologie pour l’épisode le plus révolutionnaire de la série ?

17 mars 2023
Par Valérie Précigout (Romendil)
Resident Evil 4 : un remake d’anthologie pour l’épisode le plus révolutionnaire de la série ?
©Capcom 2023

À sa sortie en 2005, Resident Evil 4 devait révolutionner le monde du jeu vidéo et offrir un nouveau visage à une série qu’il était déjà urgent de moderniser. Il y est parvenu au-delà des espérances de ses créateurs en influençant un genre tout entier, marquant les joueurs au fer rouge. Sommes-nous encore à un tournant majeur de l’histoire de la saga ?

Le temps passe, les souvenirs restent, mais les fans n’ont pas l’intention de s’en contenter. Les somptueux remakes des précédents volets de la série ont montré la voie et l’ultime fantasme que représentait une refonte totale de Resident Evil 4 devient aujourd’hui réalité. Il n’est pas exagéré de dire que cette sortie fait partie des événements les plus attendus de 2023.

Car il ne s’agit pas seulement d’un hommage rendu par Capcom à un titre qui n’a jamais cessé de nous hanter. Les joueurs attendent de ce remake qu’un nouveau palier soit franchi en termes d’immersion et de renouveau pour infliger à tous ceux qui le connaissent désormais par cœur une claque aussi cinglante qu’en 2005.

Un Resident Evil 4 intégralement repensé

Soyons honnêtes, même si Capcom a toujours affiché son intention de dépoussiérer l’ensemble des aspects du jeu, on s’attendait surtout à ce que ce remake se justifie par sa réalisation remise au goût du jour. Pourtant, bien qu’il soit visuellement sans compraison avec la version de 2005 ou même avec ses déclinaisons plus récentes en HD, ce nouveau Resident Evil 4 a en réalité bien plus que cela à nous offrir.

©Capcom 2023

Car ce n’est finalement pas uniquement par son lifting graphique qu’il se distingue le plus, mais bien par son approche. Le déroulement de l’histoire – pleine de surprises – et ses détails narratifs ont été remaniés. Mieux encore, les sensations propres à Resident Evil 4 sont préservées sans pour autant que le titre ne vienne s’appuyer sur la nostalgie pure.

Le studio japonais nous promettait un survival horror nouvelle génération, modernisant ses mécaniques de jeu et réinterprétant son scénario, tout en conservant l’essence du titre original à travers le prisme d’une réalisation ultradétaillée. Il fallait être bien sûr de soi pour se lancer un défi aussi ambitieux. Alors examinons d’un peu plus près la formule magique du nouveau bijou de Capcom.

Une réécriture en profondeur des fondamentaux

En admettant que vous soyez du genre à vouloir remonter le temps en relançant le Resident Evil 4 originel (ou sa version HD) dans l’idée de percer à jour chacune des astuces employées par ce remake pour s’en distinguer, sachez que vous risquez vite de baisser les bras devant l’ampleur de la tâche. Car, du titre que l’on connaissait jadis, il ne reste que la substantifique moelle, l’ossature de base à partir de laquelle beaucoup de choses ont été repensées.

©Capcom 2023

Si la mission intrinsèque de Leon S. Kennedy reste toujours de partir sur les traces de la fille du Président des États-Unis dans un village perdu d’Europe de l’Ouest, bon nombre de petites ficelles narratives ont été remaniées. Tenter d’anticiper de manière précise le déroulement des événements est donc peine perdue, ce remake prenant un malin plaisir à nous surprendre pour placer quasiment sur un pied d’égalité les connaisseurs et les néophytes.

Dans sa concrétisation, déjà, ce Resident Evil 4 de 2023 se hisse à la hauteur des nouveaux critères d’exigence imposés par la série. Si la réalisation n’est pas exempte d’imperfections, elle se montre suffisamment soignée pour servir une immersion accrue qui passe désormais aussi par des contrôles modernisés.

©Capcom

Plus question de rester les pieds cloués au sol lorsqu’on vise, les mouvements gagnent en fluidité et offrent toujours la possibilité de déséquilibrer un ennemi avec des dégâts localisés pour le faire s’écrouler ensuite d’un violent coup de pied. Les nouvelles techniques d’achèvement au sol grâce au couteau complètent les enchaînements de tirs et de frappes au corps-à-corps sans que l’on ait besoin de s’acharner bêtement sur la dépouille d’un adversaire pour le lacérer à terre.

Des modifications dans l’air du temps

À l’évidence, ce fameux couteau devient désormais notre allié numéro un, permettant non seulement d’achever proprement les ennemis, mais aussi de parer à peu près tout et n’importe quoi, voire de déstabiliser l’assaillant avec le bon timing. Ce n’est pas pour rien si les lames foisonnent dans ce remake, même si seul notre couteau de combat attitré pourra être réparé et amélioré.

Brillant toujours autant par son arsenal sans commune mesure avec celui des premiers épisodes de la série, Resident Evil 4 reste très généreux dans sa manière de laisser le joueur libre de personnaliser et d’optimiser son équipement. En insérant des gemmes précieuses dans les trésors dénichés en chemin, nos trouvailles gagnent en valeur marchande, ce qui nous permet d’investir progressivement dans un armement de pointe.

©Capcom 2023

Il faudra bien cela pour se frayer un passage dans les environnements de cauchemar que l’on traverse froidement, sans perdre de vue la possibilité d’adopter parfois une approche furtive si on le souhaite. Pas question, bien, sûr de faire de Resident Evil 4 un jeu d’infiltration, les éliminations silencieuses n’étant finalement viables que dans de rares occasions, mais l’intention reste louable.

Tout comme l’idée d’effacer quasiment toute trace de QTE (« Quick Time Event » : touches à valider au bon moment) pour actualiser au maximum l’expérience, en dehors de quelques manœuvres d’esquives réalisables dans des conditions bien spécifiques.

Leon rempile comme garde du corps

Pour répondre au plus près au remarques émises par les joueurs en vue de polir cette copie 2023 de Resident Evil 4, Capcom a aussi très largement repensé l’intégration du personnage d’Ashley. Faut-il rappeler à quel point la protection de la fille du Président était perçue par beaucoup comme un poids alourdissant l’expérience de jeu ?

Ici, un seul bouton suffit à influer sur son comportement (rester proche de Leon ou se mettre en retrait) et sa jauge de vie disparaît au profit d’un simple appel de détresse émis lorsqu’un ennemi tente de la capturer.

©Capcom 2023

Un temps de réaction trop long peut suffire à entraîner un game over, mais la garde rapprochée de la jeune femme devient désormais nettement moins contraignante. Sa présence reste d’ailleurs requise pour dénicher certains secrets impliquant le duo qu’elle forme avec Leon, ce nouveau Resident Evil 4 faisant clairement le choix d’approfondir son exploration pour épaissir son cheminement et le rendre moins linéaire. Dans le même ordre d’idées, les énigmes ont été complètement remaniées et se révèlent globalement plus élaborées, ménageant des pauses bienvenues dans une progression qui reste toujours très intense sur le plan de l’action.

Requêtes, chasse au trésor et exploration libre

Impliquant désormais l’accomplissement de requêtes optionnelles, le déroulement du remake met en évidence le désir de Capcom d’offrir une approche un peu plus libre. On y trouve une vraie intention de pousser le joueur à revenir fouiller les environnements pour y dénicher toutes sortes de trésors cachés, même si rien ne nous empêche non plus d’aller droit au but.

Un bon moyen de booster une durée de vie déjà très respectable pour un jeu de ce type, tout en autorisant chacun à avancer à son rythme tant l’aspect customisation est poussé. Pas question de vous gâcher la surprise, mais sachez que de nouveaux types de défis et de récompenses ont été inclus pour offrir encore plus d’options de personnalisation en fonction de votre style de jeu.

©Capcom 2023

Rien n’est laissé au hasard, la grande diversité de l’arsenal offrant autant d’approches variées pour répondre aux attentes de chacun, tandis que la création de munitions mise en place dans les récents remakes reste bien évidemment de la partie. L’accès aux anciennes zones dans un but d’exploration approfondie avec l’accomplissement des requêtes ou la recherche de trésors contribue fortement à enrichir l’expérience de jeu.

©Capcom 2023

Et c’est peut-être bien dans ces moments-là que l’on profite le plus du titre, certaines zones pouvant abriter des ennemis d’un nouveau genre alors que d’autres nous laisseront souffler deux minutes si on avait pris soin de les débarrasser de leurs occupants. Les déplacements libres en barque permettent par exemple de fouiller les alentours du village de fond en comble, l’achat de cartes détaillées mettant en évidence la quantité de secrets étonnante que renferme ce remake.

Une autre conception de la peur

Ceux qui craignaient le sentiment de déjà-vu inhérent à ce type de proposition risquent donc d’être agréablement surpris par la manière dont ce titre se distingue de l’original par un déroulement largement renouvelé. On a le sentiment de redécouvrir Resident Evil 4 sans pour autant que sa proposition singulière, basée sur un compromis parfait entre l’action et le survival horror, ne soit dénaturée.

©Capcom 2023

Cette version 2023 se charge aussi de gommer les éléments un peu trop typés « arcade » du jeu d’origine, ne serait-ce que dans la manière dont les objets laissés par les ennemis juraient avec l’atmosphère pourtant très sombre de l’aventure. Ici, tout est plus discret, plus en accord avec l’ambiance horrifique visuellement modernisée, ce qui n’empêche pas le joueur de ressentir le même plaisir décomplexé à faire parler la poudre face aux abominations qui se bousculent pour l’écharper.

©Capcom 2023

Après tout, si Resident Evil 4 a su marquer l’histoire d’un genre tout entier, c’est aussi parce que sa dominante « action » assumée permettait de se détacher de cette peur viscérale qui nous empêchait parfois de mettre un pied devant l’autre dans les tout premiers volets de la série. C’est une autre forme de malaise que prônait alors le quatrième volet de la franchise et, que l’on valide ou pas ce changement de direction assumé, cette composante fait toujours bel et bien partie de son ADN, y compris dans cet ambitieux remake.

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