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Critique de That ’90s Show (Netflix) : souvenirs d’adolescence garantis

19 janvier 2023
Par Lisa Muratore
Critique de That ’90s Show (Netflix) : souvenirs d'adolescence garantis
©Patrick Wymore/Netflix

16 ans après l’arrêt de That ’70s Show, la sitcom américaine a le droit à un nouveau spin-off, attendu ce 19 janvier 2023 sur Netflix. Baptisée That ’90s Show, cette création originale nous replonge avec nostalgie dans l’univers du teen-show culte tout en abordant avec humour et tendresse les premiers émois adolescents.

Friends (1994-2004) et How I Met Your Mother (2005-2014) sont généralement citées comme les séries feel good de référence des années 1990-2010. Si la première a inspiré la seconde, l’univers des sitcoms, à l’époque, a également été marqué par la diffusion de That ’70s Show (1998-2006). Moins connu que ses rivaux du petit écran, ce show créé par le quatuor Mark Brazil, Bonnie Turner, Terry Turner et Linda Wallem, en reprenait pourtant tous les codes : un groupe d’amis, aux personnalités hautes en couleur, avait pour habitude de se réunir dans un QG immuable.

Sauf qu’ici, le Central Perk new-yorkais et les problématiques de célibat au cœur de la grosse pomme ont été remplacés par le sous-sol d’Eric Forman, à Point Place, une bourgade fictive du Michigan. 

La nouvelle bande de That ’90s Show. ©Patrick Wymore/Netflix

À l’heure où le disco vivait ses dernières heures sur la piste de danse, que le mouvement hippie n’avait jamais été aussi puissant, et que Star Wars (1977) était sur le point de crever l’écran, le lycéen et ses amis (Donna, Fez, Kelso, Jackie et Hyde) tentaient de tuer l’ennui en volant des fûts de bières, en fumant de la marijuana, défiant ainsi la surveillance des parents d’Eric : Red, ancien militaire grincheux, et sa femme Kitty, une infirmière fantaisiste.

Plus ou moins oubliée aujourd’hui, la série qui a vu Ashton Kutcher (Kelso), Mila Kunis (Jackie) ou encore Topher Grace (Eric) progressivement accéder à la célébrité, a tenté de revenir en 2002 sur Fox. Étant donné son succès au fil des huit saisons diffusées, la chaîne américaine voulait offrir une création originale basée sur un concept similaire. Intitulée That ’80s Show, elle n’a cependant jamais trouvé son public et a finalement été annulée au bout de 13 épisodes.

Le poids de l’héritage

Aujourd’hui, plus de 20 ans après la première tentative de spin-off, Netflix se lance dans le pari d’offrir à That ’70s Show la suite qu’elle mérite. Logiquement baptisée That ’90s Show, elle situe l’action en 1995, alors que Leia, la fille d’Eric et de Donna, vient passer l’été chez ses grands-parents. Durant les vacances, cette timide geek originaire de Chicago va se lier d’amitié avec plusieurs jeunes de Point Place, sous l’œil plus ou moins attentif de Red et de Kitty. 

Les interprètes de Red et de Kitty dans That ’70s Show sont de retour dans le spin-off. ©Patrick Wymore/Netflix

Le couple emmené par Kurtwood Smith et Debra Jo Rupp s’est reformé pour l’occasion. Dès les premières minutes, on retrouve ce qui fait, depuis 1998, le sel de leur duo. Kitty est restée cette maman poule aussi attentionnée qu’étouffante que l’on adore, tandis que Red, de son côté, jure toujours autant de mettre « son pied dans le derrière » de n’importe qui viendrait troubler sa tranquillité.

Rien ne semble avoir changé en 20 ans, en témoigne les caméos des personnages originaux, bourrés de nostalgie, que nous offre cette nouvelle série : Eric est toujours ce geek passionné par Star Wars, amoureux de Donna, les superficiels Kelso et Jackie vivent une romance passionnelle digne de deux adolescents, tandis que l’éternel dragueur, Fez – dont les ressorts humoristiques sont toujours aussi efficaces – est encore à la recherche de l’amour. 

That ’90s Show surfe sur la nostalgie de la série mère. ©Patrick Wymore/Netflix

Plus largement, les fans de la première heure apprécieront replonger dans l’univers sitcom de That ’70s Show, porté par les rires du public. Les interludes animés, les sketchs musicaux, les manies amusantes des personnages, leurs phrases cultes, mais aussi les lieux et objets emblématiques de Point Place fondent un plaisir coupable délicieux que n’a jamais su combler le spin-off How I Met Your Father (2022) et encore moins la grand-messe organisée autour de Friends, en 2021, avec le casting de la série. 

Cet ensemble offre un côté jouissif à That ’90s Show qui assume parfaitement sa filiation avec la série mère. On retrouve ainsi une dynamique d’écriture convaincante, un portrait des personnages aussi flamboyant que ridicule, le tout orchestré autour d’un humble divertissement.  

Un teen-show tendre et profond

Seulement, ceci interroge la force de frappe de ce spin-off si la série originelle n’avait pas existé. Car à vouloir proposer une plongée nostalgique aux fans de That ’70s Show, la série risque de tomber parfois dans le piège du fan-service. Malgré un pilote sans saveurs, That ’90s Show parvient en dix épisodes à nous accrocher pour proposer une série drôle, à l’esprit vintage, qui n’hésite pas à jouer avec les références kitsch (des décors aux costumes) des années 1990. Un retour dans le passé dont raffole Netflix, comme on a pu le voir avec Wet Hot American Summer (2015) ou Glow (2017-2019).

Ozzie dans That ’90s Show.©Patrick Wymore/Netflix

Ce qui fonde l’intérêt de la série réside également dans sa représentation de l’adolescence. Derrière les intrigues simplistes de romance et d’amitié, That ’90s Show questionne les premiers émois, à l’instar de ce qu’offrait la dernière saison de Stranger Things (2022). Elle interroge la notion de loser, cette confiance en soi blessée lorsqu’on est considéré comme trop nerd, trop gros, trop stupide, trop vierge, trop libre ou trop gay. On se prend ainsi d’affection pour les personnages, notamment celui d’Ozzie (Reyn Doi), un adolescent sarcastique, impatient que le monde devienne aussi tolérant que ses amis face à son homosexualité.

Cette bande de bras cassés, réfugiée dans le sous-sol, devient alors un espace d’acceptation dans lequel chacun est libre d’être ce qu’il souhaite. That ’90s Show réussit brillamment à aborder ces problématiques avec humour et légèreté. Par ailleurs, mises en perspective avec la vie de Red et de Kitty, ces notions offrent un clash des générations dans lequel l’avenir du couple est questionné à travers la retraite et le syndrome du nid vide.

Malgré des débuts difficiles, That ’90s Show a dans l’ensemble réussi le pari d’offrir à That ’70s Show le spin-off qu’elle méritait. En dépit d’imperfections scénaristiques et d’une envie parfois trop appuyée de coller à la série de référence, cette création originale offre un divertissement amusant et tendre sur l’adolescence. Dans cette optique, elle surfe sur les codes d’antan des sitcoms américaines.

Un format intéressant pour une plateforme, à une époque où les séries apparaissent de plus en plus travaillées, mais surtout à l’heure où Netflix, plus particulièrement, ne cesse d’annuler ses programmes au bout d’une saisonThat ’90s Show survivra-t-elle ? On espère en tout cas que les abonnés laisseront une chance à la série d’exister le temps de quelques épisodes supplémentaires. Réponse à partir de ce 19 janvier.  

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste