Annoncé en septembre, le rachat d’ARM par Nvidia soulève une vague de protestations. La Chine, des autorités de régulations aux quatre coins du monde ou des géants comme Qualcomm, Google et Microsoft se disent préoccupés par cette acquisition.
En septembre 2020, Nvidia annonçait l’acquisition d’ARM pour 40 milliards de dollars. Un rachat historique qui a rapidement suscité de nombreuses interrogations. Amenée à bouleverser le marché mondial des puces, cette opération interpelle sur la stratégie de Nvidia, ses répercussions technologiques, mais aussi sur ses enjeux géopolitiques dans un contexte de tensions entre les États-Unis et la Chine. La célèbre marque au caméléon avait très vite tenté de rassurer les observateurs sur ses intentions, consciente que ce « deal » était encore loin d’être bouclé. Nvidia et la pépite britannique ARM (jusqu’alors détenue par le japonais SoftBank) avaient prévenu lors de la signature que le rachat pourrait prendre 18 mois avant d’être finalisé, soit une échéance prévue en mars 2022.
Un délai qui doit permettre d’obtenir l’approbation des autorités réglementaires du Royaume-Uni, de Chine, de l’Union européenne et des États-Unis. Quelques mois plus tard, la résistance s’organise pour dénoncer cette acquisition et ses opposants sont nombreux.
Qualcomm, Google et Microsoft font part de leurs inquiétudes
Les médias américains Bloomberg et CNBC ont rapporté ce week-end que Qualcomm, Microsoft et Google étaient inquiets à l’idée de voir Nvidia faire main basse sur ARM. Malgré les promesses de la marque au caméléon, ces trois grands groupes américains auraient demandé aux autorités de régulation du monde entier, dont la Federal Trade Commission des États-Unis et la Commission européenne, de se pencher sur ce dossier. L’autorité de la concurrence britannique et son homologue chinois auraient également été approchés, même si aucune de ces organisations n’a souhaité confirmer cette information. En pleine bataille avec Apple, Intel ferait également pression sur les autorités de régulation aux États-Unis et dans d’autres pays pour qu’elles annulent l’acquisition, rapporte Nikkei.
Pour mieux comprendre les craintes de ces entreprises, il est important de connaître ARM. Régulièrement évoquée dans nos colonnes, cette société anglaise détenue par le groupe japonais SoftBank conçoit les architectures (plans) de processeurs qui sont ensuite utilisés par ses clients comme Qualcomm (pour ses puces Snapdragon), Nvidia ou encore Apple. La firme ne propose aucun processeur en son nom et se contente de vendre ses technologies sous licence, avec un positionnement « neutre » malgré une implication indirecte dans la bataille entre les États-Unis et Huawei. Dans son pays d’origine, le géant chinois s’est d’ailleurs adressé au régulateur pour contester cette opération. Outre-Manche, c’est le spécialiste des puces IA GraphCore qui a dénoncé le rachat d’ARM.
En effet, de nombreux constructeurs sont dépendants du travail d’ARM et ils craignent aujourd’hui que ce rachat ne nuise à la concurrence. Qualcomm estime « qu’il y a un risque très élevé que Nvidia devienne le gardien des technologies ARM et empêche d’autres fabricants de puces d’utiliser la propriété intellectuelle d’ARM », rapporte CNBC.
Un chemin semé d’embûches pour Nvidia
Si Nvidia a déjà tenté de rassurer sur ce point, plusieurs régulateurs ont prévu d’enquêter et le risque que l’accord soit bloqué subsiste. Outre la pression des concurrents, l’acquisition d’ARM par Nvidia met en lumière des enjeux politiques. Ce rachat pourrait être à l’origine d’un monopole américain dans un domaine stratégique, mettant au passage l’Europe sous sa dépendance. Une situation qui n’est pas non plus du goût de la Chine, tandis que l’arrivée au pouvoir de Joe Biden pourrait compliquer la tâche de Nvidia aux États-Unis. Selon CNBC, l’enquête de la FTC – qui a changé de direction avec la nomination de la démocrate Rebecca Slaughter – est passée à une « deuxième phase ». Le régulateur américain a demandé à SoftBank, Nvidia et ARM de lui fournir plus d’informations.