Jusqu’au 29 janvier 2023, le BAL et le Jeu de Paume rendent hommage à l’ « art pauvre » des années 1960 à 1975. Intitulée Renverser ses yeux, l’exposition entremêle photographie, film et vidéo dans un singulier dialogue avec le temps présent.
Ce mardi 11 octobre a vu l’ouverture simultanée de Renverser ses yeux au Jeu de Paume et au BAL. Derrière ce titre singulier se cache une référence à l’œuvre éponyme de Giuseppe Penone, mais également une invitation, plus littérale, à apprécier la puissance et les résonnances de l’arte povera sur nos sociétés contemporaines. Né dans les années 1960, le mouvement italien célèbre la sobriété ou le dénuement, comme le suggère si bien son nom d’art pauvre en français.
À l’époque, une partie de l’avant-garde italienne a fait de l’image mécanique son médium de prédilection. Photographie, film ou vidéo… Le déploiement d’un tel entremêlement – résolument critique et politique – s’explique en raison du développement même des médias et de l’importance qu’ils prenaient alors. Face à cette omniprésence, quelques artistes ont décidé d’en esquisser les contours pour mieux en révéler les limites, leitmotiv de l’exposition.
L’art comme prise de conscience
Loin de vouloir dresser un panorama exhaustif des avant-gardes italiennes des années 1960 et 1970, le BAL et le Jeu de Paume, en association avec Triennale Milano, préfèrent se concentrer sur le courant instigué en 1967 par Germano Celant, en réaction au Pop Art américain. Dans la volonté de rapprocher l’art à la vie, le critique encourageait, selon ses mots, « une expression libre liée à la contingence, à l’évènement, au présent ».
À cet effet, les commissaires d’exposition ont imaginé une articulation en quatre sections thématiques sur deux lieux qui soulèvent chacune une interrogation spécifique. Le BAL s’intéresse ainsi au « Corps » et à la notion d’identité qui en découle tandis que le Jeu de Paume donne à voir l’ « Expérience » dans son rapport au temps et à l’espace, l’ « Image » et sa propension à déconstruire le réel ou à en déformer les représentations, et le « Théâtre ».
« Plus que de donner une nouvelle image à la modernité, l’avant- garde cherche, par l’usage des médias, à remettre en jeu ses structures, ses racines, à déconstruire le discours autour de sa fonction et de son aura. L’art n’est plus affirmation mais prise de conscience : les médias sont des “objets” porteurs de mémoire, leur “corps” visuel et tactile conditionne la perception de la temporalité et des lieux communs de notre société », conclut Giuliano Sergio, commissaire indépendant de l’exposition.