Critique

L’Évaporée, de Fanny Chiarello et Wendy Delorme : la littérature à quatre mains

16 août 2022
Par Sophie Benard
L’Évaporée, de Fanny Chiarello et Wendy Delorme : la littérature à quatre mains
©TDR

[Rentrée littéraire 2022] Véritable roman-expérience, L’Évaporée relève le pari de l’écriture à quatre mains pour approcher le mystère d’une rupture amoureuse.

Dans l’œuvre de Fanny Chiarello, les romans que sont Si encore l’amour durait, je dis pas (2000), Dans son propre rôle (L’Olivier, 2015) ou encore A happy woman (L’Olivier, 2019) côtoient les recueils de poésie – La fin du chocolat (Les Carnets du Dessert de Lune, 2006), Collier de nouilles (Les Carnets du Dessert de Lune, 2008), Je respire discrètement par le nez (Les Carnets du Dessert de Lune, 2016), et Pas de côté (Les Carnets du Dessert de Lune, 2018). Quant à Wendy Delorme, performeuse, enseignante-chercheuse et écrivaine, elle est entre autres l’autrice de La Mère, la sainte et la putain (Au Diable Vauvert, 2012), Le corps est une chimère (Au Diable Vauvert, 2018), et de l’incontournable Viendra le temps du feu (Cambourakis, 2021).

Fortuite, la rencontre entre les deux autrices fût l’occasion pour elles de s’engager dans l’écriture à quatre mains. L’Évaporée raconte l’après ; l’après de la passion, l’après de la rupture, l’après de la disparition, l’après du désespoir. Les deux écrivaines se répondent alors, font dialoguer silencieusement leurs personnages – Fanny Chiarello prête sa plume à Jenny, qui vient de se faire quitter, et Wendy Delorme à Eve, qui vient de s’évaporer.

Je me suis fait miroiter des possibles infinis, j’ai eu des enthousiasmes, pour une ville, une peau, un sourire, un regard, une forêt, l’odeur particulière quelque part dans la Drôme d’un village tout penché au coteau d’une colline. J’en ai pris des avions, des trains, et la voiture. J’ai fait des kilomètres. Je connais vraiment bien plusieurs aéroports aux quatre coins du monde, et des dizaines de gares. Mon métier veut ça. Mais j’habite à trois rues de là où je vivais lorsque j’avais huit ans, sur le boulevard Saint-Jacques, près du parc Montsouris, dans le sud de Paris. Je ne peux pas partir. J’ai compris ça, au moins. Il est des liens puissants impossibles à défaire, qui gardent prisonnière même s’ils sont invisibles, même si celles ou ceux à qui ils nous retiennent ne sont plus de ce monde.

Fanny Chiarello
L’Évaporée

Alors qu’elles se remettent l’une comme l’autre du renoncement d’Eve, de sa désertion amoureuse, les vies et les émotions des deux femmes se croisent, sans jamais plus parvenir à se rejoindre. Au-delà de l’originalité du dispositif littéraire, Fanny Chiarello et Wendy Delorme construisent ensemble un texte superbe, sensible et incarné, qui interroge la difficulté de s’ancrer.

L’Évaporée, de Fanny Chiarello et Wendy Delorme. En librairie le 17/08/2022.

L’Évaporée, de Fanny Chiarello et Wendy Delorme, Cambourakis, 179 p., 18 €. En librairie le 17/08/2022.

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Article rédigé par
Sophie Benard
Sophie Benard
Journaliste