Le féminisme s’écrit en bulles ! La BD documentaire est le nouveau terrain de jeu des récits d’histoire et d’engagement. Nous avons sélectionné des ouvrages essentiels qui, entre enquête et pédagogie, revisitent le passé au prisme des luttes féminines. Figure de proue, Titiou Lecoq et ses incontournables Grandes Oubliées de l’Histoire. Une lecture qui réhabilite l’héritage des femmes et enrichit vos connaissances. Découvrez nos pépites !
La bande dessinée documentaire et historique a explosé ces dernières années, s’imposant comme un format éditorial qui allie la puissance visuelle du Neuvième Art à la rigueur de l’enquête journalistique. Elle offre un moyen unique de vulgariser des sujets complexes et d’éveiller la curiosité du grand public. En s’appuyant sur des faits vérifiés et des analyses approfondies, elle permet de corriger des biais historiques, de rendre visible les personnages oubliés et de décrypter les enjeux sociétaux contemporains. Ce genre est un levier de transmission et d’engagement, essentiel pour se forger une opinion objective et mieux comprendre le monde.
Titiou Lecoq, l’art d’être féministe et populaire
Née à Paris en 1980, Titiou Lecoq est une écrivaine et journaliste reconnue pour son approche féministe et sémiotique de l’actualité. Après des études littéraires, elle co-fonde le blog influent « Girls and Geeks » en 2008. Son œuvre littéraire oscille entre fiction et essais percutants. Après le roman primé Les Morues et La Théorie de la tartine, elle publie l’essai incontournable Libérées, une analyse marquante de la charge mentale. En 2021, elle signe un récit majeur, Les Grandes oubliées – Pourquoi l’Histoire a effacé les femmes. Ce livre, qui met en lumière les figures féminines invisibilisées, a été récompensé par le Prix Lire dans le noir 2024 (catégorie Document) et sera adapté en bande dessinée, nommée au Prix BD Fnac France Inter 2026. Collaboratrice régulière de Slate.fr, elle continue d’explorer les enjeux d’inégalités de genre et l’impact du numérique.
Les Grandes Oubliées – Pourquoi l’histoire a effacé les femmes – Titiou Lecoq, Marie Dubois (L’Iconoclaste)
Réduit au silence ou effacé des manuels d’Histoire, le rôle majeur des femmes dans le façonnage du monde est le sujet brûlant de la BD féministe adaptée de l’essai de Titiou Lecoq. En s’appuyant sur des découvertes récentes, l’auteure et la dessinatrice Marie Dubois décortiquent, avec un ton pédagogue, mordant, irrésistible, les mécanismes qui ont conduit à l’effacement systématique des figures féminines. De l’Antiquité à l’ère moderne, elles analysent pourquoi et comment des réalisations essentielles, des découvertes scientifiques aux actes de combat, sont devenues invisibles. Cette BD n’est pas qu’un hommage ; c’est un décryptage sociétal puissant. En redonnant une place centrale à ces Grandes oubliées, le lecteur peut se forger une opinion objective sur la vision biaisée de l’Histoire.
La sélection coups de cœur en BD documentaire
Guérisseuses. Ces femmes de l’ombre qui ont changé l’histoire de la médecine – Mademoiselle Caroline (Leduc Graphic)
Oubliées de l’Histoire, vingt femmes scientifiques et soignantes sont mises en lumière dans Guérisseuses. Ces femmes de l’ombre qui ont changé l’histoire de la médecine par Mademoiselle Caroline. De l’identification du mécanisme de la Trisomie 21 au premier diagnostic européen du Covid-19, en passant par les fondations de la médecine psychosomatique, découvrez comment ces pionnières se sont imposées dans un milieu masculin pour réaliser des avancées médicales capitales. Cet ouvrage est un hommage nécessaire à leur détermination et à l’impact durable de leurs travaux dans tous les domaines de la médecine.
Les sœurs Jacob – David Teboul, Marie Desplechin, Fred Bernard (Les Arènes)
Les Sœurs Jacob est le récit choral et poignant de Milou, Denise et Simone, raconté à partir des archives familiales par David Teboul, Marie Desplechin et Fred Bernard. Les trois sœurs grandissent à Nice dans un foyer aimant, mais leur jeunesse est brisée par les périls de la Seconde Guerre mondiale. La défaite de la France conduit à la persécution de leur famille, jusqu’à la déportation. Leurs correspondances dessinent l’enfance de ces femmes aux destins exceptionnels, liées par une tendresse indéfectible et un courage inépuisable. Cette œuvre graphique met en lumière leur jeunesse, leur survie et la reconstruction après l’horreur. Une BD essentielle pour le devoir de mémoire et la compréhension de la grande figure politique qu’est Simone Veil.
La Révolte des mères. Quand le conte fées vole en éclats – Marguerite Degi, Francesca Fattori, Audrey Legadec (L’Iconoclaste)
Quittées subitement par le père de leurs enfants, Francesca Fattori et Marguerite Degi se retrouvent propulsées dans le quotidien exténuant des mères solos. Entre la complexité de la garde alternée, les batailles autour de la pension alimentaire et l’explosion de la charge mentale, le conte de fées s’effondre. Dépassant leur expérience personnelle, les deux autrices signent une BD enquête essentielle pour décrypter un phénomène de société majeur : une famille sur quatre en France est monoparentale, majoritairement gérée par les mères (82%). S’appuyant sur des études, des témoignages experts et leurs propres anecdotes, elles offrent un livre puissant avec La Révolte des mères. Bien plus qu’un récit intime, cet ouvrage vise à la fois à aider les mères à se relever après la rupture et à militer pour des modèles familiaux plus justes et égalitaires.
On ne parle pas de ces choses-là – Alexandra Petit, Marine Courtade (Caterman)
On ne parle pas de ces choses-là s’attaque frontalement à l’un des tabous les plus lourds de notre société, l’inceste. L’ouvrage, scénarisé par Marine Courtade et dessiné par Alexandra Petit, se distingue par sa démarche double : un travail d’enquête journalistique rigoureux mêlé à une quête personnelle et familiale courageuse. Marine Courtade fait de sa propre famille le terrain d’investigation pour décortiquer les mécanismes du silence qui entourent ce crime. Elle s’engage dans un tour de France audacieux pour confronter ses oncles et tantes à une question simple et terrifiante : « Pourquoi vous êtes-vous tus ? ». Le livre ne se contente pas de pointer les coupables, il cherche à comprendre comment le déni et l’omerta peuvent gangréner des lignées entières.
Nous sommes la voix de celles qui n’en ont plus (Histoire d’un collectif à l’origine des collages contre les féminicides) – Paola Guzzo, Cécile Rousset (Actes Sud BD)
Nous sommes les voix de de celles qui n’en ont plus, un récit graphique coup-de-poing de Paola Guzzo et Cécile Rousset immortalise la genèse et l’impact du mouvement des collages féministes contre les féminicides, né à Paris fin août 2019. Ce collectif anonyme a transformé les murs de nos villes en étendards de lutte et de mémoire. La journaliste Paola Guzzo, qui a suivi de près ces « colleureuses » en recueillant leurs témoignages. Elle dépeint comment cette initiative citoyenne s’est propagée à travers la France, marquant un tournant dans la visibilité des violences faites aux femmes. Le point de départ du livre est emblématique : l’enquête sur le procès, maintes fois reporté, de quatre militantes nantaises poursuivies pour s’être opposées aux forces de l’ordre lors d’un collage dénonçant l’impunité. Plus qu’une chronique, c’est une œuvre qui éclaire le mouvement social en cours et porte la voix de celles qui se battent pour une société plus juste.
Lou Andreas Salomé. Si tu veux la vie, vole-la – Séverine Vidal, Olivia Sautreuil (Bayard)
Lou Andreas Salomé, la pionnière et muse intellectuelle, était un être d’exception, qualifiée par Nietzsche de « diamant de l’intelligence » et d’aussi « clairvoyante qu’un aigle, aussi courageuse qu’un lion ». Son parcours, qui enjambe les XIXe et XXe siècles, est celui d’une femme qui a farouchement refusé les conventions d’une époque patriarcale pour se forger une vie de l’esprit. De son histoire d’amour non-sexuelle en trio avec Nietzsche et Paul Rée à son rôle d’influence la plus profonde, la plus décisive dans la vie de Rilke, Lou était une « compreneuse » que même Freud admirait. Complexe, incandescente, mais toujours entreprenante et vivante, elle s’est imposée comme une figure centrale de la psychanalyse naissante. Lou Andreas Salomé. Si tu veux la vie, vole-la retrace le chemin d’une femme qui n’a cessé de questionner le narcissisme, les rapports humains et la féminité.
Les Yeux d’Alex – Claire Fauvel (Glénat)
Alex, jeune photographe talentueuse à Marseille, prépare son exposition pour le festival d’Arles sur le thème audacieux du désir. Face à un imaginaire érotique dominé par le regard masculin, elle décide d’inverser les rôles et de faire de ses amants ses modèles. Sa quête artistique se transforme vite en un parcours initiatique et personnel. Dans les Calanques ou l’intimité de son appartement, Alex tente de créer un nouvel imaginaire, loin des injonctions et des schémas inégalitaires de la séduction. C’est tout un système de valeurs qu’elle doit renverser pour se réapproprier son désir et s’émanciper des normes patriarcales. Les Yeux d’Alex de Claire Fauvel bouscule le duo traditionnel homme « créateur »- femme « muse ». Il s’agit d’une œuvre forte qui invite à repenser notre rapport au corps et à la sexualité comme un acte politique et libérateur.
Jeune et fauchée – Florence Dupré La Tour (Charivari)
Jeune et fauchée de Florence Dupré La Tour est un témoignage puissant et plein d’humour sur le déclassement social et la précarité financière. L’auteure, issue d’un milieu bourgeois où l’argent était une notion lointaine, découvre à 18 ans la dure réalité de la débrouille. De l’étudiante insouciante à la mère célibataire autrice de bande dessinée, elle raconte des années de privations, mais aussi de créativité et de lutte pour la dignité. Ce récit autobiographique aborde de front la relation complexe que nous entretenons avec l’argent. Loin des clichés sur la pauvreté, la bédéiste livre une réflexion personnelle, parfois âpre, mais toujours drôle, sur la façon dont l’absence de ressources façonne l’existence et modifie la perception du monde.
Diana. Confidences d’une princesse rebelle – Sophie Couturier, Sandrine Revel, Annick Cojean (Steinkis)
Le 27 août 1997, alors que Lady Diana est au sommet de sa popularité, le journal Le Monde publie un entretien-choc où la princesse se confie avec une sincérité déroutante. Par les autrices d’Une Farouche Liberté, cette bande dessinée retrace les coulisses de ce scoop retentissant. Pourquoi Diana a-t-elle choisi un média français pour cette révélation ? Qui est Annick Cojean, la journaliste qui a obtenu cette interview exclusive ? Diana. Confidences d’une princesse rebelle explore la liberté de ton de Diana, ses motivations profondes et l’onde de choc politique et médiatique qui a suivi. Une plongée fascinante dans les derniers jours d’une icône.
Pour le lectorat peu effrayé par une pile à lire qui n’en finit pas, voilà encore d’autres titres qui devraient plaire !
- L’incroyable histoire des grands procès – Philippe Bercovici, Jane Salmon-Fabiani, Christian Lerolle (Les Arènes)
- Une bouteille à la mer – Zelba, Isabelle Autissier (Futuropolis)
- Ces lignes qui tracent mon corps – Mansoureh Kamari (Casterman)
- En quête de liberté. Comment je me suis sortie de l’enfer de Daesh – Gaëlle Joly, Sana, Tugce Audoire (Vuibert)
- Hurlevent (Wuthering Heights) – Emily Brontë, Isabella Mazzanti (Gallimard Papillon Noir)
- Alaska Highway – Marie Larrivé, Jérémie Villet (Les Baladeurs)
