
Après une rupture, le cinéma console autant qu’il permet de renouer avec le rire. De « La Dolce Vita » à « Kill Bill », notre sélection de films, oscillant entre catharsis élégante et humour grinçant, prouve bien que l’amour, même lorsqu’il s’effondre, a tout d’un grand spectacle. De quoi panser les cœurs… ou célébrer la vengeance.
Les histoires d’amour, dit-on, finissent mal en général. Et quand elles s’achèvent, cœur en miettes et illusions en berne, il nous reste heureusement le cinéma pour panser nos plaies – ou, mieux encore, en rire à gorge déployée. Car l’écran a ce double pouvoir : relativiser nos chagrins en les drapant d’une beauté cathartique, ou transformer nos déboires en une comédie grinçante où l’amour, ce sacré farceur, finit toujours par trébucher. Préparez donc les mouchoirs, le popcorn, et peut-être… une batte de baseball (virtuelle).
La Dolce Vita (1960) de Federico Fellini
Commençons par une leçon de style – autant que de désillusion – signée du maestro Fellini. À l’aube des années 1960, Marcello Mastroianni, incarnation même de la séduction à l’italienne au sommet de son art, devait logiquement faire chavirer les cœurs sans avoir à lever le petit doigt… Erreur ! Malgré tout son charisme de latin lover et son costume impeccablement taillé, Marcello se retrouve à devoir ramer face à Anita Ekberg, diva hollywoodienne aussi sublime qu’imprévisible, qui le promène dans une danse cruelle – littéralement, jusqu’à la fontaine de Trevi. Avant de le laisser en plan, à errer dans une Rome mélancolique.
La morale de La Dolce Vita ? Parfois, mieux vaut arpenter les ruelles seul que s’épuiser à courir après une chimère… Une rupture, après tout, c’est aussi l’art de savoir lâcher prise avec classe.
La La Land (2016) de Damien Chazelle
Avec ses chansons entraînantes et ses pas de danse étoilés, La La Land pourrait presque nous faire croire à un amour aussi léger qu’éternel. Presque. Car derrière les couleurs pastel et les regards complices de Ryan Gosling et Emma Stone, le destin s’amuse à brouiller les pistes. Ici, pas d’amant jaloux, ni de trahison sentimentale. Juste la vie qui tire chacun de son côté : lui vers la musique, elle vers le cinéma. Leur histoire s’achève sur un échange de regards silencieux, chargés de regrets doux-amers.
C’est la rupture poétique par excellence : celle qui vous brise le cœur tout en vous rappelant que certaines fins de relation sont d’autant plus poignantes qu’elles ne durent pas.
Femmes au bord de la crise de nerfs (1988) de Pedro Almodóvar
Chez Almodóvar, la rupture n’est pas une tragédie, mais un mode de vie haut en couleur. Dans ce tourbillon de quiproquos et de gaspacho drogué, les héroïnes pleurent, crient, s’effondrent… puis se relèvent, un verre à la main et une amie sous le bras. L’amour ? Un fiasco récurrent, où même Antonio Banderas, avec son allure de jeune premier, passe pour un pauvre type dépassé.
Le message est clair : le prince charmant est une arnaque, mais les copines, elles, sont éternelles. Femmes au bord de la crise de nerfs, un film à savourer comme un antidote aux illusions perdues, avec une pointe de kitsch et une grande dose de panache.
Scènes de la vie conjugale (1973) d’Ingmar Bergman
Bergman, lui, préfère disséquer la rupture avec la précision d’un chirurgien… voire d’un thanatopracteur. Ici, un couple en apparence parfait – poli, cultivé, raisonnable – décide de se séparer sans éclats ni vaisselle brisée. Pas de hurlements, donc : juste des silences lourds de sous-entendus et des tentatives maladroites de compréhension mutuelle. Pourtant, malgré leurs efforts, Liv Ullmann et Erland Josephson glissent inexorablement vers l’abîme de l’incompréhension.
La fin, fragile et tendre, suggère que l’amour véritable ne brille que dans son imperfection et sa fugacité. Scènes de la vie conjugale, une œuvre pour ceux qui veulent méditer leur chagrin plutôt que le noyer dans les larmes.
Her (2013) de Spike Jonze
Et si la technologie pouvait nous sauver des vertiges de l’amour ? Joaquin Phoenix y croit dur comme fer en tombant sous le charme de son assistante virtuelle, dotée de la voix suave de Scarlett Johansson. Une idylle sans complications physiques, sans disputes ni compromis… jusqu’à ce que même cette IA, trop humaine dans ses désirs, finisse par le quitter pour explorer d’autres horizons numériques.
Moralité : pas de salut dans les algorithmes, l’amour reste une équation insoluble. Her, à voir pour se rappeler que, rupture ou pas, on n’échappe jamais vraiment à soi-même.
Qui a peur de Virginia Woolf ? (1966) de Mike Nichols
Avec ce premier long-métrage de Mike Nichols, on bascule dans l’humour noir, corrosif et jubilatoire. Elizabeth Taylor et Richard Burton, couple mythique à la ville comme à l’écran, s’étripent dans une joute verbale où chaque réplique claque comme une gifle. Entre deux verres de whisky, tous deux se lancent des horreurs avec une verve qui frôle le génie, dévoilant les cicatrices d’un amour ravagé par le temps et les non-dits.
La rupture comme un sport de combat : brutale, théâtrale – et étrangement cathartique. Qui a peur de Virginia Woolf ? est le long-métrage parfait pour celles et ceux qui préfèrent rire de leurs blessures plutôt que les panser.
La Guerre des Rose (1989) de Danny DeVito
Si la rupture peut être une guerre, autant qu’elle soit hilarante. Dans ce bijou de comédie noire, Michael Douglas et Kathleen Turner transforment leur divorce en un festival de coups tordus : lustres fracassés, voitures écrasées, animaux de compagnie pris en otages. Leur amour, jadis passionné, se métamorphose en une haine tout aussi ardente, portée par le plaisir visible des acteurs à l’écran.
Danny DeVito s’amuse à pousser le curseur de l’absurde, et nous avec. À regarder quand on rêve secrètement de balancer les affaires de son ex par la fenêtre avec un grand sourire.
Kill Bill : volumes 1 et 2 (2003-2004) de Quentin Tarantino
Et si, après une rupture, on passait directement à la vengeance ? Uma Thurman, alias la Mariée, ne fait pas dans la dentelle : trahie et laissée pour morte par Bill, elle se lance dans une croisade sanglante, katana à la main. Chaque coup porté est une revanche sur l’amour qui l’a brisée, et Tarantino filme cette rage avec une jubilation communicative.
Pas de chichi, ni de pleurs dans Kill Bill, mais une héroïne qui transforme son chagrin en arme tranchante. Autant passer par la lame que par les larmes. Idéal pour exorciser ses envies de représailles… sans passer à l’acte, bien sûr.