Soixante-dix ans après sa mort, et un dernier enregistrement mythique avec Martial Solal, la flamme de Django Reinhardt ne s’est pas éteinte. Bien au contraire. De Rodolphe Raffalli à Fanou Torracinta, en passant par Biréli Lagrène et Tchavolo Schmitt, nombreux sont les guitaristes de génie à alimenter le foyer ardent du jazz manouche. Retour sur dix gratteux incendiaires du genre.
Django Reinhardt
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Dans Accords et désaccords, Woody Allen imagine la vie d’un musicien américain qui se présente comme le « meilleur guitariste du monde à l’exception d’un Européen nommé Django ». Le réalisateur new-yorkais reprend là une légende qui fait de Django Reinhardt le meilleur guitariste de l’Histoire, sans concurrence possible à son époque.
Inventeur, avec son collègue violoniste Stéphane Grappelli, du jazz manouche, Django Reinhardt a réussi à dépasser son statut social et son infirmité (sa main gauche a été meurtrie dans un incendie, l’obligeant à jouer sur trois doigts seulement) pour s’imposer dans le monde entier. Avec ses standards comme Nuages, son improvisation sur La Marseillaise sortie durant la Libération, l’homme a traversé les périodes swing et be-bop en demeurant au top de la musicalité et de l’innovation. Soixante-dix ans après sa mort, de nombreux disques permettent de saisir son influence et sa virtuosité, à commencer par le best-of Vinyl Story et la quasi-intégrale The Genius of Django composée de 21 CD et d’un livret exceptionnel.
Rodolphe Raffalli
Si le jazz manouche a parfois gagné la chanson au cours des dernières décennies (avec des artistes comme Sanseverino ou Thomas Dutronc), on doit à Rodolphe Raffalli et Renée Garlène un joli croisement entre le swing et les performances vocales. Le guitariste corse a notamment repris des mélodies de Brassens à la sauce jazzy, avant de collaborer avec la jeune chanteuse sur le répertoire du même tonton Georges. Leur duo retrouve cette année la grâce du jazz d’antan avec l’album Garifalli – Instants, qui doit moins à la virtuosité des musiciens qu’à leur ouverture d’esprit.
Romane
Pratiquant le jazz manouche sans être membre de la communauté gitane, Romane a été l’un des grands professeurs de guitare swing dans la France des années 1980, réalisant des ouvrages méthodiques en parallèle de ses disques. Après avoir collaboré avec un des successeurs de Django (Stochelo Rosenberg du Rosenberg trio), l’homme travaille depuis 2007 avec ses enfants, en particulier Richard Manetti, initié comme lui à la guitare manouche : leur disque Père et fils concentrent deux générations de talents !
Biréli Lagrène
On doit au guitariste manouche venu d’Alsace Biréli Lagrène le retour du jazz manouche dans l’actualité au début des années 1980. Ce virtuose, qui a joué avec tous les grands de son époque, de Jaco Pastorius à Richard Galliano, en passant par le Rosenberg trio, a bien sûr rapidement dépassé le cadre de son genre d’origine, pour incarner une certaine polyvalence sonique. Récemment, il s’est livré brillamment à l’exercice du solo, avec l’album Solo Suites, après de nombreux disques en duo, en particulier avec son grand copain de scène, Sylvain Luc.
Sylvain Luc
Originaire du Sud-Ouest, Sylvain Luc a appris la guitare, le violon, le violoncelle. C’est à la 6-cordes qu’il va se consacrer dans la vingtaine, imposant un jeu très délié et une esthétique devant autant au jazz manouche qu’aux autres courants de la guitare jazz. En particulier avec Biréli Lagrène (Duet, Summertime), puis Marylise Florid, il se montre très à l’aise à jouer en duo. Sur son nouvel album, Simple Song, son phrasé mélodieux embellit un répertoire de titres solos parfaitement exécutés.
Tchavolo Schmitt
Enregistrant très souvent avec un ensemble manouche, Tchavolo Schmitt est aujourd’hui la voix la plus traditionnelle de la guitare swing tzigane, comme l’atteste sa discographie où il dialogue notamment avec des accordéonistes, et ses apparitions dans les films de Tony Gatlif. Son dernier disque en date, Miri Chterna fait une nouvelle démonstration du talent mélodique d’un des rois de l’école européenne du jazz !
Samson Schmitt
Fils de Dorado Schmitt (l’un des artisans de la b.o. du film Latcho Drom), Samson Schmitt baigne dans la scène manouche des années 1990-2000, en intégrant notamment l’orchestre à l’origine du disque Les Enfants de Django. Régulièrement appelé par d’autres pour tenir la guitare sur des projets inspirés du swing manouche, il a ainsi participé à l’expérience Gainsb’Art en 2021, relecture jazzy du répertoire du célèbre compositeur de La Javanaise.
Samuel Strouk
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Les barrières sont faites pour être ouvertes, et celles séparant la musique classique du jazz manouche ont été enfoncées par Samuel Strouk. Ce virtuose de la guitare, diplômé de conservatoire, s’est très tôt intéressé aux musiques tziganes et latino-américaines pour élargir son répertoire. Avec l’expérience Loco Cello, qui mêle ses six cordes à celles frottées par un quator à cordes, il a même réussi le pari de rassembler musique de chambre et swing dans un même disque somptueux.
Adrien Moignard
Issu de la nouvelle génération du jazz manouche, Adrien Moignard se produit en duo, trio et groupe depuis le début des années 2000. Inspiré, bien entendu, par la virtuosité de Django, le garçon sillonne les scènes d’Europe en défendant un répertoire varié, mélange de classique et de moderne. Sur son disque hommage au pionnier, Djano’s Songs, sorti en 2023, il reprend douze thèmes majeurs en compagnie du contrebassiste Diago Imbert, dans un exercice de duettistes particulièrement réussi.
Fanou Torracinta
Le jazz manouche se déplace d’un coin à l’autre de l’Europe. Une migration permanente qui explique que l’un des guitaristes les plus talentueux du genre vienne de Corse. Fanou Torracinta mêle avec bonheur deux traditions musicales folkloriques dans ses disques, comme le démontre son disque Gipsy Guitar From Corsica Volume 2.