Rassemblant les six premiers albums studio de Renaud et trois de ses disques live, le Putain d’coffret raconte les débuts tonitruants d’une légende vivante de la chanson française. Alors que l’interprète reprend aussi la route cette année, l’occasion était trop belle de nous souvenir des chansons du titi parisien rageur et ironique. Voici dix de ses plus célèbres compositions.
Hexagone
En 1975, la chanson française, plus engagée que jamais, a amené sur le devant de la scène des François Béranger et des Jacques Higelin. Amateur de rock et de mob, blouson noir et doté d’une gouaille inimitable, le jeune Renaud s’inscrit dans ce courant, avec un premier album, Amoureux de Paname. Il s’y distingue par sa rage anar, symbolisée par Hexagone. Prenant pour prétexte le passage des mois, le chanteur parisien décrit dans ce morceau de bravoure tout ce qui lui déplaît en France, des bals populaires aux violences policières, en passant par l’hypocrisie bourgeoise. Pamphlet musical de six minutes, le titre devient l’une des plus célèbres diatribes sociales de son auteur, et est à retrouver dans le Putain d’coffret !
Laisse béton
Si le verbe haut façon Renaud a tôt fait de provoquer, c’est par l’humour que le chanteur a acquis une solide réputation au milieu des années 1970. Pour son deuxième disque, il met en musique un langage parlé alors en pleine effervescence, le verlan, sur Laisse béton. Narrant les déconvenues d’un type tranquille et peinard, accoudé au comptoir, progressivement délesté de tous ses effets personnels, la chanson offre un instantané de la France des PMU et des flippers, mais aussi des loubards à la petite semaine, dans une miniature tout à fait réjouissante.
Ma Gonzesse
Sous l’écorce rude se cachait un cœur tendre. C’est ce que les auditeurs de Renaud comprennent avec la parution de son troisième album, Ma Gonzesse, et surtout le succès de la chanson éponyme, ballade à l’accordéon qui montre le romantisme amusant mais sincère du chanteur. Usant et abusant des solécismes et autres anacoluthes qui font le charme de la langue française martyrisée (« ma gonzesse, celle que j’suis son mec, celle que j’vis avec »), l’artiste répandait de belles paroles et se dévoilait davantage.
Dans mon HLM
À mi-chemin entre la sociologie et un roman de Pérec, Dans mon HLM est l’une des chansons les plus drôles de Renaud. Pourtant, son sujet n’a rien de véritablement amusant : étage par étage, l’auteur y dépeint les habitants d’une de ces habitations à loyers modérés qui esquissèrent une sorte de mixité sociale dans les années 1970. Instantané de la France prolo, réparti entre différents stéréotypes (des babas aux cadres centristes en passant par l’ancien barbouze toujours intolérant), cette chanson donne une lecture assez intéressante d’un milieu géographique dépeint non sans astuce.
Morgane de toi
Elle s’appelle Lolita Séchan, écrit des livres, et mène une jolie carrière depuis une dizaine d’années. Elle est aussi une héroïne de chanson depuis sa plus tendre enfance : nouveau père, Renaud fait une déclaration d’amour en argot/verlan (morgane signifie « amoureux ») à cette fille née en 1980. Toujours aussi tendre, évoquant des images d’enfance magique, le chanteur y apparaissait un peu plus apaisé qu’à l’accoutumée.
Mistral Gagnant
Avec l’album du même nom, Mistral Gagnant signe l’immortalité de Renaud comme référence de la chanson française. Troquant le vitriol contre le sucre ajouté des friandises de sa jeunesse, le chanteur sortait de son encrier quelques-unes des plus belles pages de la poésie des années 1980. Avec sa mélodie de piano déchirante et sa nostalgie non feinte, le titre est l’équivalent musical de films comme Amarcord ou de livres de Philippe Delerm. C’est dire le pouvoir de quatre minutes de ballade !
Putain de camion
Appartenant à la bande du Café de la Gare, Renaud a fréquenté très vite des acteurs et comédiens comme Romain Bouteille, Miou-Miou, Patrick Dewaere, et son pote Coluche. C’est au décès de celui-ci qu’est dédié Putain de camion, tiré de l’album éponyme. Une déchirante plainte contre la mort absurde du plus grand comique français du XXe siècle, et sans doute l’une des personnes les plus proches du chanteur question politique et ouverture d’esprit.
Triviale Poursuite
Le talent magnifique de Renaud reste la concision de son écriture, capable d’embrasser en quelques mots des sujets particulièrement graves. Dans Triviale Poursuite, en reprenant les thèmes des fameux camemberts du jeu de société, il livrait une chanson sur la violence particulièrement bien amenée, brassant en un texte le conflit israélo-palestinien, les réfugiés, l’affaire Gregory. Pour un résultat bouleversant.
Manhattan Kaboul
Après une décennie 1990 plus compliquée, marquée par des problèmes personnels et des disques de reprise, Renaud revient sur le devant de la scène en 2002 avec Boucan d’enfer. L’album est porté par l’inoubliable duo Manhattan Kaboul avec Axelle Red, évocation du 11 septembre et de la guerre d’Afghanistan, sous un angle intimiste très bien vu. Un énorme carton dans les charts qui aboutit au retour au top de l’auteur, qui livrait sur le même album un très autobiographique Docteur Renaud, Mister Renard.
Toujours debout
Luttant contre ses démons, Renaud a réussi à passer les décennies en donnant régulièrement de ses nouvelles. En 2016 paraissait son avant-dernier album de chansons originales, Renaud, précédé de Toujours debout, une chanson aux allures de bulletin de santé qui prouvait que le chanteur avait gardé intacte sa verdeur. Depuis, l’artiste a publié deux disques, l’un de chansons pour enfants, l’autre de reprises, Métèque.
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