Focus sur six films phares qui célèbrent une nouvelle décennie. Ces long-métrages qui vieillissent comme le bon vin nécessitent, selon nous, un dépoussiérage bien mérité en l’honneur de cette année singulière pour eux. Nous allons vous faire redécouvrir ces œuvres à travers leurs particularités, leurs héros et l’héritage qu’elles laissent.
Il fête ses 50 ans cette année : Mean Streets de Martin Scorsese (1973)
Nous abordons cette sélection de six films anniversaires par le troisième long-métrage de la carrière de réalisateur de Martin Scorsese. Une œuvre dans la plus pure tradition des films de mafieux qui fera plus tard la réputation de l’italo-américain avec des classiques du genre tels que Les Affranchis (1990) ou Casino (1995).
Mean Streets évoque le Little Italy du début des années 1970, quartier de Manhattan où réside un très grand nombre de ressortissants d’origine italienne. Harvey Keitel et Robert de Niro sont les deux personnages principaux de ce récit à l’aspect très documentaire. De Niro joue Johnny Boy, une sorte de chien fou ingérable à qui personne ne souhaiterait prêter un centime. L’histoire centrale du film tourne à ce propos autour d’une dette qui gonfle à mesure que les minutes s’égrainent. Harvey Keitel, jouant Charlie Cappa, ami de Johnny Boy, souhaite également faire fortune et peut compter sur l’appui de son oncle qui lui promet la gestion d’un restaurant. Charlie tente au cours du film de museler Johnny mais la mission s’avère être corsée.
Mean Streets est la rencontre entre des acteurs de légende et un réalisateur iconique. Il est la genèse et le point de départ de carrières cinématographiques à l’empreinte indélébile. Ce film cinquantenaire met en lumière les talents de Robert De Niro dans le microcosme du septième art. Si bien que Francis Ford Coppola flashe sur l’acteur New-Yorkais et lui propose le rôle de Vito Corleone dans le second volet de la mythique trilogie du Parrain (1974). Lorsqu’il évoque Mean Streets, Martin Scorsese décrit une œuvre autobiographique sur son mode de vie et de nombre de ses amis. Les sujets tels que la religion, la soif d’argent à travers le rêve américain sont centraux et offrent au spectateur un aperçu précis de ce que Scorsese souhaite transmettre à travers ce long-métrage. Tourné en vingt-sept jours avec un budget serré de 500 000 dollars, Mean Streets a acquis un important succès d’estime avec le temps. Vieux de cinquante ans, ce film apparaît comme une œuvre avant-gardiste et fondatrice.
Il fête ses 40 ans cette année : Scarface de Brian De Palma (1983)
Que l’on aime ou non, Scarface ne rend personne indifférent. Il est de cette caste des œuvres qui divisent, passionnent et déchaînent les foules. Le quinzième long-métrage de la carrière de réalisateur de Brian de Palma ne va, de prime abord, pas réussir à convaincre les férus du 7e art. Jugé bien trop vulgaire voire outrancier, il n’atteint même pas le million d’entrées en France lors de son exploitation en salles. C’est dire le bide réalisé par ce film qui a, entre temps, acquis un tout autre statut dans l’imaginaire collectif.
Cette œuvre, qui nous tient en haleine durant près de trois heures, est en réalité un remake de l’opus réalisé par Howard Hawks en 1932. Brian De Palma fait le choix, cinquante ans plus tard, de conter l’histoire d’un réfugié politique cubain. Le film débute à ce propos par un extrait d’un discours de Fidel Castro, chef d’Etat de l’époque, haranguant ses fidèles et visant frontalement ses concitoyens jugés comme contre-révolutionnaires. Ils seront près de 125 000 selon des estimations, à rejoindre la terre de l’Oncle Sam via les côtes floridiennes. Parmi eux, Antonio dit « Tony » Montana. Un malfrat cubain qui débarque dans un pays aux idéaux qui s’accordent bien plus avec son état d’esprit et ses ambitions. Tony entame son ascension avec Manolo dit « Manny » Ribera, son ami de toujours.
Tout au long du film, Tony parvient, à un rythme effréné, à grimper et griller les échelons pour construire sa fortune. Évoluant de serveur/plongeur dans un food-truck à parrain de la cocaïne à Miami en passant par sous-fifre de Frank Lopez, il mute par tous les états pour maturer jusqu’à pourrir de l’intérieur, rongé par son propre produit. Scarface a acquis le statut de film culte et fait sans aucun doute office de carte de visite pour Al Pacino. Au sortir d’une décennie précédente fructueuse en tous points, le New-Yorkais franchit un nouveau cap dans sa carrière avec Scarface. Pacino y distribue des répliques mythiques à la volée qui, encore aujourd’hui, sont restées dans les mémoires.
Il fête ses 30 ans cette année : Les Visiteurs de Jean-Marie Poiré (1993)
Dans le genre comédie à la française, nous sommes servis ! Les Visiteurs fête ses trente ans cette année. L’œuvre de Jean-Marie Poiré ne trouve pas sa genèse dans les années 1990, mais plutôt trois décennies auparavant. L’idée de ce film naquit lorsque le réalisateur était alors âgé de 17 ans. Une histoire composée sur quatre pages durant un cours de mathématiques a donc donné lieu au onzième plus gros succès de l’histoire du box-office français. Avec 13,7 millions d’entrées, Les Visiteurs s’impose comme le cinquième film français de l’histoire.
Cette comédie d’un peu moins de deux heures met en scène Godefroy, comte de Montmirail, et son fidèle serviteur, Jacquouille la Fripouille. Le film débute à l’époque moyenâgeuse avant de basculer à l’époque contemporaine, au début des années 1990. Les deux personnages principaux interprétés par Jean Reno et Christian Clavier sont alors transportés huit cents ans après suite à une potion ingurgitée à la recette caduque. Confrontés à un monde nouveau et totalement inconnu, Godefroy et Jacquouille nous offrent nombre de répliques cultes. Le film voit également Christian Clavier endosser deux rôles différents avec Jacquouille ainsi que son descendant, Jacques-Henri Jacquart, propriétaire du château du comte de Montmirail. Là où Les Visiteurs se distingue, c’est dans l’intemporalité de son humour et des gags réalisés.
Trente ans après, ce long-métrage ne semble pas faire son âge et il s’agit sans doute de sa plus grande force. Un palmarès étoffé entoure ce film puisqu’il a vu Valérie Lemercier remporter le César de la meilleure actrice dans un second rôle. On y retrouve également des noms reconnus du cinéma français en la personne de Marie-Anne Chazel ou encore Isabelle Nanty. Si Les Visiteurs a donné lieu à une suite, celle-ci fut bien moins mémorable que cette réalisation de 1993. Là aussi, une spécialité bien française.
Il fête ses 20 ans cette année : Pirates des Caraïbes : la malédiction du Black Pearl de Gore Verbinski (2003)
Les aventures de Jack.. plutôt du Capitaine Jack Sparrow fêtent leurs vingt ans en cette année 2023. Le personnage interprété avec panache et caractère par Johnny Depp a été l’une des figures de proue de Disney durant les années 2000 et avec du recul, on ne peut qu’être compréhensif. Cette saga a su tenir la dragée haute durant les trois premiers opus, si ce n’est plus, à l’aide d’un ton décalé et d’un humour subtil, très bien senti.
Le premier volet de cette saga désormais légendaire met aux prises entre autres, le capitaine Jack Sparrow, déchu de son navire fétiche, le Black Pearl, à son ancien second : le capitaine Hector Barbossa. Dans ce premier épisode, nous assistons à un film très rythmé qui mêle plusieurs intrigues et plusieurs enjeux. Car si Jack Sparrow met tout en œuvre pour récupérer son bâtiment, terme nautique, il le fait à l’aide d’un lieutenant improvisé. Ce dernier s’avère être William Turner – interprété par Orlando Bloom– , fils de Bill Turner, dont on fait la connaissance dans l’épisode suivant, modeste forgeron à Port-Royal. « Will » est tombé sous le charme de la fille du gouverneur Weatherby Swann, Elizabeth Swann, interprétée par Keira Knightley. Cette dernière ayant été enlevée par l’équipage impitoyable et maudit du Black Pearl à cause d’un médaillon crucial, Turner va s’allier à Sparrow pour tenter de ramener saine et sauve celle pour qui son cœur chavire. Un échange de bons procédés pour une aventure qui voguera au gré des egos de chacun.
Pirates des Caraïbes 1 parvient durant près de 2h30 à narrer l’histoire et cibler le personnage de Jack Sparrow, élément central de la saga, sans pour autant perdre le cap au sujet des autres belligérants. Un dosage parfait qui nous permet de nous attacher à chacun et de créer un fil conducteur pour les épisodes suivants. Cette œuvre de Gore Verbinski a su marquer son temps et ne paraît aujourd’hui ni daté ou dépassé, que ce soit en termes d’effets spéciaux ou de spectacle. Elle aura même été le point d’ancrage et de départ d’une série de films plébiscitée par le grand public issu de différentes générations.
Il fête ses 10 ans cette année : Django Unchained de Quentin Tarantino (2013)
Pour celui-ci, je vous l’accorde, j’ai un peu triché. Et pour cause, le huitième long-métrage réalisé par Quentin Tarantino est sorti en salles courant décembre 2012 outre-atlantique. Cependant, Django Unchained a été exploité sur grand écran à partir du 16 janvier 2013 en France. Il devient ensuite le plus grand succès de Tarantino en termes d’entrées réalisées avec pas moins de 4,3 millions de tickets vendus dans l’Hexagone.
Un casting costaud entoure ce western : Jamie Foxx, Samuel L. Jackson, Leonardo DiCaprio pour ne citer qu’eux. Le premier cité a le luxe d’avoir le rôle principal, celui de « Django », un esclave du Texas à la fin des années 1850. Il se voit affranchi de ce joug par le docteur King Schultz, un chasseur de primes interprété par Christoph Waltz, déjà excellent dans le rôle d’Hans Landa dans Inglourious Basterds (2009). Après avoir obtenu les scalps de trois frères ciblés par Schultz, les deux personnages majeurs de l’intrigue se lancent à la recherche de la femme de Django. Au cours de leur escapade, ils feront notamment la rencontre de DiCaprio, jouant un propriétaire abject d’une plantation.
Nommé pour cinq distinctions à la cérémonie des Oscars, Django Unchained est titré du meilleur scénario original pour Quentin Tarantino, ainsi que du meilleur acteur dans un second rôle pour Christoph Waltz. Sur le plan pécuniaire, cet opus est un succès grandiose. Rapportant plus de 425 millions de dollars avec un budget de 100 millions, il est la plus grande réussite de Tarantino de ce point de vue.
Il fête ses 10 ans cette année : La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche (2013)
Pour sceller cette sélection, impossible de ne pas évoquer La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche. Le cinquième film réalisé par le franco-tunisien, long de presque trois heures, avait fait grand bruit dans les mœurs françaises il y a dix ans. Titré de la Palme d’Or à l’unanimité au Festival de Cannes 2013, La Vie d’Adèle avait soulevé des sujets importants de l’époque dans l’Hexagone tels que l’homosexualité.
Adaptation du livre « Le Bleu est une couleur chaude », ce film met en scène Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux en personnages principaux. La première citée est récompensée du César du meilleur espoir féminin en 2014 pour le rôle d’Adèle. Une adolescente de 15 ans qui mène un quotidien banal jusqu’à sa rencontre avec une jeune femme aux cheveux à la teinte bleu ciel. Cette rencontre foudroyante va bousculer son esprit et ses sentiments. Le début d’une relation aussi inattendue qu’intense.
Les éloges n’ont pas manqué de pleuvoir au sujet de La Vie d’Adèle. Cependant, ce film a été émaillé par une polémique à forte résonance après sa sortie. Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux ont dénoncé un tournage éreintant qui n’en finissait plus. Constat partagé par les techniciens. Les scènes à caractère sexuel ont également été mal vécues par les deux actrices principales qui ont témoigné en ce sens quelques mois et quelques années après. En dépit de cela, La Vie d’Adèle a été un immense tremplin pour elles. Le grand public a fait connaissance avec deux artistes talentueuses qui, encore aujourd’hui, occupent le grand écran.