Les serial killers ont toujours exercé sur nous une troublante fascination. Le fruit d’une mythologie du crime née dans les journaux à la fin du XIXe siècle et dans lesquels rien, déjà, n’était épargné à des lecteurs avides de comprendre… et de trembler. Et finalement, rien n’a finalement changé depuis ! Voici une sélection non exhaustive de certains des meilleurs livres sur le sujet. De quoi répondre à votre quête de sens, ou simplement assouvir votre désir de frémir…
Des romans
Dragon rouge, Thomas Harris
Un classique pour commencer. Avec Dragon rouge, Thomas Harris ouvrait en 1981 une tétralogie passée depuis à la postérité. On découvre dans ce premier volet l’agents du FBI Jack Crawford et son profileur Will Graham, capable de se mettre dans la peau d’un tueur pour en deviner – et devancer – les modes opératoires. On y fait aussi la connaissance du Dr Hannibal « le cannibal » Lecter, psychiatre légiste amateur de Chianti. Un personnage aussi fascinant qu’effrayant utilisé ici par le FBI – à moins que cela ne soit l’inverse ? – comme consultant pour identifier le sanglant Dragon. Finesse de l’écriture, des personnages et de leur psychologie, scénario au cordeau…
Ce Dragon rouge compte parmi les merveilles du genre. Un livre charnière dans l’histoire du thriller littéraire, ainsi que viendront le confirmer ses illustres successeurs Le Silence des agneaux, Hannibal et Hannibal Lecter : les origines du mal.
Un tueur sur la route, James Ellroy
Autre pierre angulaire dans l’histoire du roman de serial killer, Un tueur sur la route d’un James Ellroy relativement anonyme. Il n’a pas encore écrit son quatuor de Los Angeles, ni sa trilogie Underworld USA qui le consacreront. Pourtant, ce Tueur sur la route apparaît déjà comme un livre précurseur plaçant de bout en bout son lecteur dans la peau et la tête d’un tueur en série : Martin Michael Plunkett, 35 ans, coupable de plusieurs dizaines de meurtres sexuels perpétrés aux Etats-Unis en l’espace de dix ans.
La plume est déjà là, tranchante, le verbe cru et acide : le « chien fou » de Los Angeles nous invite à suivre Martin tout au long de son ténébreux parcours. Depuis ses premières déviances, son premier meurtre… jusqu’au dernier. Un « one shot » d’une terrifiante intensité, signé par un écrivain majeur du polar américain.
American Psycho, Bret Easton Ellis
Beau, riche, intelligent, Patrick Bateman, 27 ans, incarne le stéréotype parfait du golden boy new-yorkais des années 1980. Son quotidien ? Restaurants chics, boîtes branchées et repoudrage de nez. Mais Patrick a une autre passion : tuer, décapiter, égorger, violer… Ultra-violent, misogyne, pornographique : à sa sortie en 1991, American Psycho provoqua un véritable cataclysme, mettant en émoi une Amérique indignée.
Mais encore fallait-il accepter d’aller au-delà de la « simple » et spectaculaire violence de son détestable personnage pour mieux saisir la puissance du propos du roman : à travers la folie meurtrière, réelle ou fantasmée, de son sociopathe, Bret Easton Ellis dresse le portrait sans concession d’une déshumanisation des rapports sociaux, caricature glaçante d’une génération X déchue et perdue, matérialiste et dépourvue d’idéaux. Un chef d’œuvre nihiliste, génialement moderne et transgressif.
Les Racines du mal, Maurice Dantec
« Andreas Schaltzmann s’est mis à tuer parce que son estomac pourrissait. » C’est par ces mots que Maurice Dantec ouvre ses Racines du mal. À l’époque, Dantec n’est pas encore le prophète cyberpunk de Babylon Babies mais a déjà jeté dans la marre du roman noir son pavé La Sirène rouge, rocambolesque épopée sur fond de snuff movies. Avec Les Racines du mal, l’écrivain va encore plus loin : l’histoire de la cavalcade meurtrière d’un schizophrène sujet aux pires hallucinations, lui-même dépassé par des cerveaux maléfiques plus effroyables encore.
Pour mener l’enquête, un trio de scientifiques aidés d’une neuromatrice, sorte d’IA conçue pour dénouer les logiques criminelles des tueurs de masse… Un thriller mâtiné de SF, doublé d’une réflexion philosophique, sociologique, politique et scientifique sur notre chère modernité. Un livre d’une étourdissante folie littéraire !
Le Parfum, Patrick Süskind
« Qui maîtrise les odeurs, maîtrise le cœur des hommes »… Doté d’un odorat surdéveloppé, le jeune Jean-Baptiste Grenouille en est pathologiquement persuadé et fera du parfum suprême l’objet de sa quête assassine. À travers le parcours de ce bâtard déraciné, né sans parents, sans amour et sans le sou dans le Paris crasseux et nauséabond du XVIIIe siècle, Patrick Süskind nous entraîne dans un périple aussi funèbre que poétique, philosophique et spirituelle.
Car voler les odeurs, c’est pour Grenouille s’emparer à la fois du souvenir et de l’âme de ses victimes. Et sa quête de la fragrance suprême, c’est celle de la beauté pure et absolue. C’est la quête du divin. Avec Le Parfum, Patrick Süskind n’en aura jamais été aussi proche.
Des BD
From Hell, Alan Moore
Londres, 1888. Dans les ruelles sombres et embrumées d’un Whitechapel miséreux et malfamé, cinq filles de « mauvaise vie » sont retrouvées assassinées. Cinq meurtres au rituel abominable, tous attribués à celui que l’on surnommera vite Jack l’Éventreur. On connaît l’histoire du célèbre serial killer dont l’identité reste pourtant aujourd’hui une énigme. Une hypothèse tout de même… qui nous mènerait jusque dans les plus hautes sphères de la couronne d’Angleterre.
C’est cette hypothèse que le scénariste Alan Moore (Watchmen, V pour Vendetta) a choisi de reprendre à son compte pour délivrer une vision personnelle de cette célèbre balade sanglante : From Hell est un chef d’œuvre graphique au scénario formidablement complexe et rigoureusement documenté, sublimé par les traits noirs, vifs et précis d’Eddie Campbell. Une expérience unique et une énorme claque !
Edmund Kemper, Jean-David Morvan
Edmund Kemper est le quatrième volume de la série BD Les Serial Killers, chez Glénat, lancée à l’initiative de Jean-David Morvan. Une série sur les tréfonds de l’âme des hommes les plus monstrueux. Edmund Kemper, c’est ce colosse de 2m06 et 136 kg qui, dans les années 1970, mis son QI incroyablement supérieur à la moyenne au service de ses déviances, violentes et cruelles.
Accusé d’une dizaine de meurtres – dont celui de sa propre mère ! –, il fut le premier tueur en série interrogé par les agents spéciaux du FBI John E. Douglas et Robert Ressler dans le cadre de du tout premier programme de profilage criminel. Sorte d’Hannibal Lecter mais bien réel ! Avec l’album de Jean-David Morvan, immiscez-vous dans la tête de ce sociopathe schizophrène paranoïde à l’histoire hallucinante.
Des essais
Mindhunter – Dans la tête d’un profileur, John E. Douglas
Il est donc l’inventeur de la science du profilage criminel au FBI, celui qui a inspiré à David Fincher son show TV Mindhunter et à Thomas Harris son personnage de Jack Crawford. Dans ses deux ouvrages Mindhunter : dans la tête d’un profileur et Le Tueur en face de moi, l’ancien agent spécial John E. Douglas raconte l’avènement du premier département des sciences du comportement au FBI.
Il nous déroule par le menu certaines de ses enquêtes les plus retentissantes ayant conduit à l’arrestation de tueurs tels que Charles Manson, Ted Bundy, Ed Kemper. Des assassins de masse qui, loin des incarnations maléfiques généralement projetées sur grand écran, se révèlent ici des types terriblement normaux. L’approche est clinique, factuelle, le ton moins coloré que dans un Silence des agneaux mais le récit tout aussi passionnant.
Le Livre noir des Serial Killers, Stéphane Bourgoin
Difficile de séparer le grain de l’ivraie dans le travail de Stéphane Bourgoin, estampillé « spécialiste français » des tueurs en série mais récemment confronté à ses nombreux boniments. Pourtant, dans le flot de ses inventions, quelques vérités incontestables : la réalité de son intérêt pour le crime sériel et son impressionnante connaissance du sujet. De quoi faire de Stéphane Bourgoin une phénoménale mémoire du crime en série.
Ainsi, son Livre noir des Serial Killers demeure un classique de la criminologie. De Jeffrey Dahmer, le « cannibale de Milwaukee » à Peter Kurien, « le vampire de Düsseldorf », en passant par Ed Kamper, l’ « ogre de Santa Cruz », Stéphane Bourgoin décortique les parcours chaotiques de six tueurs en série, dessine avec justesse leurs profils psychologiques, ne nous épargnant rien de leurs motivations. Gare aux âmes sensibles !
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