Au cœur de l’été, polars, thrillers et romans noirs font aussi leur rentrée. Côté français, Philippe Deparis, Jérôme Loubry, Thomas Cantaloube, Jean-Christophe Portes, Ian Manook et Olivier Truc sont de la partie. Dolores Redondo et Javier Castillo représentent l’Espagne alors que le Canada peut compter sur J.L. Blanchard et la Suède sur Lina Bengtsdotter.
Styx – Philippe Deparis (Eaux troubles)
Après une riche carrière d’agent opérationnel à la BRI (Brigade de Recherche et d’Intervention), Philippe Deparis se consacre aujourd’hui à l’écriture de polars d’une grande rigueur documentaire. Après une trilogie entièrement dédiée à son unité d’origine, il revient en août avec Styx, un nouveau roman au titre évocateur qui explore cette fois la part d’ombre des forces de l’ordre. Dans le turbulent XIe arrondissement de Paris, un charismatique ex “baqueux” – venu d’une BAC (Brigade Anti Criminalité) des quartiers chauds – prend sous son aile trois jeunes policiers. Alors que l’un des membres du trio semble être le seul à déceler des signes de mal être chez leur mentor, ce dernier va brutalement se suicider laissant derrière lui un mystérieux carnet mettant en cause ses deux collègues. Lancé dans une quête de vérité sans retour, Éric va voir son monde basculer dans les ténèbres.
En attendant le déluge – Dolores Redondo (Gallimard)
Autrice phare du polar espagnol contemporain, Dolores Redondo est également fort prisée par le cinéma et la télévision qui ont déjà adapté quatre de ses sept romans. En plus de l’avoir rendu célèbre hors des frontières de son Pays Basque natal et de la péninsule ibérique, Le Gardien invisible, premier acte de la glaçante trilogie du Baztan, installe dès 2013 un style sombre et tendu qui va donner un nouvel élan au polar dit régional. Enfin traduit deux ans après sa parution espagnole, En attendant le déluge est un roman indépendant qui part d’une série de meurtres non résolus en Écosse dans les années 60 pour arriver vingt ans plus tard à Bilbao. Alors qu’il s’apprête enfin à arrêter le tueur surnommé Bible John dans la capitale basque, l’enquêteur obsédé par cette affaire est terrassé par une crise cardiaque. Touché mais pas coulé. À peine rétabli le policier va relancer sa traque dans une région qui est en passe de connaître les pires inondations de son histoire et de potentielles actions violentes de l’ETA.
L’île – Jérome Loubry (Calmann Lévy)
Synchronisé au mantra d’une célèbre série SF des années 90, la vérité est toujours ailleurs dans un roman de Jérôme Loubry. Entre autres intrigues complètement retorses et indéchiffrables, on se souvient des réalités alternatives des Refuges, du complot délirant des Sœurs de Montmorts ou encore des crimes vaudous de De soleil et de sang. Dans un thriller de Jérôme Loubry l’ambiance est sombre, la tension palpable et le champ des possibles s’élargit considérablement. Curieux des mécanismes de la maladie mentale comme des conséquences des traumatismes passés, il a fait de l’altération du réel et du drame caché devenu explosif les thèmes moteurs d’intrigues qu’il est presque toujours impossible de résumer sans trop en dire. Après avoir fait une nouvelle fois vaciller nos certitudes avec la tragédie familiale du Chant du silence, il est de retour cet été avec L’île, un nouveau casse-tête diabolique dont la seule certitude que l’on puisse avoir est qu’il se déroule sur la charmante île de Porquerolles.
Une enquête de De Bonneau et Lamouche, Tome 1 : Le silence des pélicans – J-L Blanchard (Fides)
Alors que le potentiel comique d’un duo mal assorti n’a jamais fait aucun doute dans une comédie, il restait à prouver que l’attelage de la carpe et du lapin puisse également être un atout pour un roman policier. Avec la série des Enquêtes de Bonneau et Lamouche, l’auteur canadien J-L Blanchard réalise un irrésistible combo d’enquêteurs composé d’un inspecteur placardisé, arrogant et bourré de fausses certitudes (Bonneau) et de son jeune assistant réfractaire à l’autorité mais doté d’une intelligence redoutable (Lamouche). Publié aujourd’hui en France après une parution canadienne en 2021, Le silence des pélicans débute par la rencontre improbable entre ces deux personnages. Réuni à l’occasion d’une enquête de routine sur la mort d’une étudiante, le duo va peu à peu comprendre malgré ses couacs internes qu’il y a une grosse anguille sous roche dans cette affaire… Polar jubilatoire par excellence, ce premier épisode lance parfaitement une série policière drôle et originale qui n’oublie jamais de se tendre quand doit progresser une intrigue criminelle qui elle n’a rien d’hilarant.
Le bureau des légendes, Tome 5 : Les Mouettes – Thomas Cantalouble (Fleuve)
Après une riche carrière journalistique qui va des USA, où il fut longtemps correspondant pour plusieurs grands titres de la presse nationale, jusqu’à la création de Mediapart en 2008, Thomas Cantaloube se consacre aujourd’hui entièrement à la littérature. Cinq ans après un premier roman noir et politique qui marqua les esprits (Requiem pour une République), il publie cet été Les mouettes un cinquième opus présenté comme un prolongement du Bureau des légendes. Dans ce service des opérations fantômes de la DGSE, l’histoire est celle d’un officier du renseignement mis sur la touche mais réactivé par sa hiérarchie pour assurer l’exfiltration d’un agent infiltré dans un groupe djihadiste prêt à passer à l’acte… Quand un auteur talentueux au fait des affaires du monde rencontre la plus importante série d’espionnage, toute nationalité confondue, de ces vingt dernières années, on obtient forcément le meilleur.
Les enquêtes de Victor Dauterive, Tome 8 : La conspiration des royalistes – Jean-Christophe Portes (City)
Dans le milieu hautement concurrentiel du polar historique, chaque auteur se choisit une période de prédilection pour cultiver ses intrigues. Jean-Christophe Portes, lui, s’en est attribué deux : la Révolution française et la Seconde Guerre mondiale. Après deux thrillers dans les bas fonds parisiens durant l’occupation nazie, il revient en août à sa série phare des Enquêtes de Victor Dauterive. Alors qu’en 1791, la Révolution fait bouillonner le pays, un jeune officier de gendarmerie protégé par Lafayette s’échine à mettre hors d’état de nuire tous les criminels et complotistes qui projettent de plonger la France dans le chaos. Dans La Conspiration des royalistes, huitième tome de la série à paraître en août, la Terreur et son cortège de brutalités politiques restent le contexte d’une intrigue où la lutte des classes n’a jamais aussi bien porté son nom.
Le jeu de l’âme – Javier Castillo (Albin Michel)
Jeune auteur espagnol de thriller, Javier Castillo a le vent en poupe et la particularité d’avoir placé toutes les intrigues de ses romans de l’autre côté de l’Atlantique. Il doit toutefois son succès international à l’adaptation très réussie et 100% espagnole de La petite fille sous la neige, une histoire d’enlèvement d’enfant non résolu pris en charge des années plus tard par une jeune journaliste. Sans en être réellement la suite, Le jeu de l’âme, son sixième roman à paraître en août, permet de retrouver des années plus tard, une Mirren trigs qui a pris du galon au sein d’un prestigieux quotidien new-yorkais. Contrairement à l’affaire précédente où la preuve de vie de la fillette kidnappée venait d’une cassette VHS, cette fois c’est une photo qui vient prouver la mort d’une adolescente. De nouveau impliquée, la reporter va s’associer à un ancien professeur pour découvrir qui se cache derrière cette série de meurtres rituels.
Le pouilleux massacreur – Ian Manook (Manufacture De Livres)
Programmé au départ de la rentrée littéraire 2024, Ian Manook revient contre toute attente en France avec un roman noir, initiatique et largement autobiographique. Après des polars en Mongolie, Islande, Brésil et une saga historique arménienne, le temps était venu pour l’écrivain voyageur de se raconter. Le pouilleux massacreur marque son retour à Meudon-la-Forêt au début des années 60 dans une cité HLM aux côtés d’une bande de jeunes zonards qui s’ennuient ferme. Le problème est que l’ennui pousse à faire des bêtises qui peuvent avoir des conséquences dramatiques et vous entraîner au fond du trou. C’est cette triste réalité que va vivre Sorb après qu’un des membres de son groupe ait été reconnu responsable de la mort d’une femme suite à un petit larcin qui a mal tourné. Murés dans leur silence face à la police, toutes les petites frappes de la bande ne pourront s’extraire de la spirale infernale où ils ont été entraînés.
Le premier renne – Olivier Truc (Métailié)
Après une parenthèse BD et un roman enquête sur un attentat au Pakistan qui devint une célèbre affaire politico-judiciaire, Olivier Truc retrouve aujourd’hui ses fidèles enquêteurs lapons de la police des rennes, Nina Nansen et Klemet Nango. Des retrouvailles d’autant plus sensibles que le duo va devoir faire toute lumière sur le massacre d’un troupeau le long d’une voie ferrée empruntée par un train chargé de minerai de fer. Sur fond de guerre fratricide au sein d’un même clan d’éleveurs, d’esprits chauffés à blanc par les potentiels bénéfices du commerce de terres rares et les manœuvres en coulisses de ceux qui tirent les ficelles, Le premier renne dresse une série de constats déchirants sur le prix humain à consentir pour sauver un environnement d’ores et déjà à l’agonie mais aussi sur l’avidité pathologique de l’homme.
À trop jouer avec le feu – Lina Bengtsdotter (Hachette fictions)
Si elle ne peut encore prétendre au titre de reine du polar suédois, que se partagent actuellement les deux Camilla (Läckberg et Grebe), Lina Bengtsdotter peut assurément en endosser celui de dauphine. Après une trilogie menée par l’enquêtrice Charlie Lager, elle quitte pour la première fois le décor de sa ville natale de Gullspång avec À trop jouer avec le feu. Dans ce nouveau thriller, toujours scrupuleusement fidèle aux préceptes scandinaves, on retrouve son goût pour les secrets et les disparitions d’enfants à travers l’histoire de deux amies séparées par un événement tragique survenu dix ans auparavant. Pourtant, malgré la culpabilité qui la ronge, Vega n’hésite pas une seconde à quitter Londres où elle s’est exilée après avoir reçu un inquiétant appel à l’aide de Katja. À son arrivée à Silverbro, Katja s’est volatilisée. Comme un écho funeste, cette disparition en rappelle une autre vieille de trente ans jamais résolue et ravive le terrible secret qui les a séparées.
—