Sous-genre de la SF, le cyberpunk est d’abord une vision combinant l’énergie noire du Punk et la paranoïa savante du cybermonde. Celle d’un futur dystopique où la technologie envahit, améliore et aliène dans un même mouvement la société. Pour mieux en saisir la richesse et le dynamisme, un tour du monde en 20 romans qui ont fait l’histoire du cyberpunk s’impose…
Apparu durant les sixties, le mouvement cyberpunk a connu son âge d’or durant les années 80. Une décennie marquée par l’avènement des nouvelles technologies qui a décidé de nombreux auteurs de SF à s’engouffrer dans la voie ouverte par les grands anciens. Au-delà de ses spécificités formelles, un roman cyberpunk propose une approche plus politique, violente et nihiliste de la SF, tournant ainsi le dos aux codes romanesques du space opéra et de la fantasy…
Les grands anciens
Terminus les étoiles – Alfred Bester (USA)
Premier roman de SF américain qui peut être apparenté au mouvement cyberpunk, Terminus les étoiles (1955) introduit l’idée d’un bouleversement radical de la vie sur terre après la découverte par les humains de leur pouvoir inné de téléportation. Dans les années 40 et avant de connaître le succès, Alfred Bester fut scénariste régulier pour DC Comics.
Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? – Philip K. Dick (USA)
Passé à la postérité en tant que Blade Runner grâce au film de Ridley Scott, Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? est un roman écrit en 1966 par un Philip K. Dick alors au sommet de son art. À travers une intrigue policière ancrée dans un monde post-apocalyptique, il esquisse un de ses thèmes de prédilection à savoir la notion de simulacre générée par l’opposition entre l’androïde et l’humanoïde.
Sur l’onde de choc – John Brunner (GB)
Recueil de nouvelles visionnaire et référentiel pour le mouvement cyberpunk, Sur l’onde de choc, écrit en 1975 par l’auteur de SF anglais John Brunner, prédit en 2010 un monde dominé par la technologie et l’informatique. Un monde où l’information voyage à la vitesse de la lumière à partir d’une simple prise téléphonique. Un monde imaginé il y a 45 ans ans et qui ressemble furieusement au notre. Ce roman est le dernier tome de La Tétralogie noire, qui comprend aussi Tous à Zanzibar, L’Orbite déchiqueté et Le Troupeau aveugle.
Les maîtres des années 80
Software – Rudy Rucker (USA)
Informaticien de formation, Rudy Rucker a commencé à écrire de la SF en 1980. Sa tétralogie cyberpunk The Ware débute en 1986 avec Software pour se terminer en 2000 avec Realware. Elle met en scène un monde où les robots (appelés “boppers”) ont renversé leurs maîtres humains et se retrouvent confronté à leur tour à des révoltes internes. Autres romans de Rudy Rucker : La Quatrième Dimension, Le secret de la vie.
Neuromancien / Comte Zéro – William Gibson (USA)
Roman cyberpunk séminal de 1984, Neuromancien est à l’origine de la notion de cyberespace. C’est également le premier roman de William Gibson, auteur de SF américain et véritable initiateur du cyberpunk moderne. Dans un style flamboyant mêlant précision technologique et fantaisie débridée, il lance alors une trilogie dite de La Cité tentaculaire qui se poursuivra avec Comte Zéro. Il y développe l’idée d’une société dystopique gouvernée par des mégacorporations hyper-capitalistes où la résistance s’organise au sein du réseau informatique. Autres romans : Idoru, Mona Lisa s’éclate et plus récemment Code source.
Frontera – Lewis Shiner (USA)
L’américain Lewis Shiner a 34 ans lorsqu’il débute sa carrière d’auteur de SF en 1984. Frontera, son premier roman, mêle suspense spatial et thématiques cyberpunks au sein d’une intrigue complexe où l’humanité en perdition n’a d’autre choix pour se sauver que de se tourner vers Mars et une ancienne colonie porteuse d’un terrible secret. Dans un registre entre SF et fantastique Lewis Schiner est aussi l’auteur du célèbre Fugues.
Le marteau de verre – K. W. Jeter (USA)
Second volet de la trilogie Dr. Adder, considérée comme une des toutes premières sagas cyberpunks de l’histoire, Le marteau de verre (1986) est un roman de SF radical et sulfureux traversé par une incroyable violence sexuelle. Célèbre pour ses histoires horrifiques, K. W. Jeter y conjugue l’homme et la machine à travers les agissements pervers d’un chirurgien plastique totalement fou. Par ailleurs, ce roman est également le premier à introduire le terme “Steampunk” pour définir une variante mécanique et vintage du Cyberpunk.
Schismatrice / Mozart en verres miroirs – Bruce Sterling (USA)
Journaliste et essayiste engagé dans la défense des cyber-libertés, Bruce Sterling peut être lui aussi considéré comme un pionnier du mouvement cyberpunk. Proche de William Gibson et de Rudy Rucker, avec qui il partage une même volonté de bouleverser la SF, il publie coup sur coup Schismatrice (1985), roman où s’affrontent les visions technologiques et génétiques de l’évolution humaine, et Mozart en verres miroirs (1986), un recueil de nouvelles aux allures de profession de foi du mouvement cyberpunk. On lui doit également le roman steampunk, La machine à différence, co-écrit avec William Gibson.
Metrophage – Richard Kadrey (USA)
Spécialiste de la nouvelle, Richard Kadrey s’est illustré en 1988 avec la publication de Metrophage, un premier roman choc qui s’inscrit pleinement dans l’univers cyberpunk. Cartels de la drogue, trusts industriels immoraux, chaos social et politique, technologies dévoyées… Sa vision de Los Angeles au XXIe siècle est digne d’un enfer de Dante version techno.
Les postcyberpunks
Le Samouraï virtuel – Neal Stephenson (USA)
Roman tourné vers les problématiques linguistiquessur fond d’Amérique dystopique livrée aux gangs et aux sectes, Le Samouraï virtuel transcende les codes du cyberpunk pour en proposer une vision plus positive. Doté d’un brillant parcours scientifique, l’américain Neal Stephenson écrit des romans prospectifs (ancrés dans un futur proche) pour tenter de mieux comprendre le monde d’aujourd’hui et anticiper raisonnablement celui de demain.
Transmetropolitan – Warren Ellis et Darick Robertson (GB)
BD postcyberpunk pour son caractère moins nihiliste que le pur cyberpunk, Transmetropolitan met en scène une équipe de journalistes engagés corps et âme dans la dénonciation des injustices sociales et des dérives du pouvoir américain. Scénarisée par Warren Ellis et dessinée par Darick Robertson, la série originellement éditée par DC Comics en 1997 compte 60 numéros.
Carbone modifié – Richard Morgan (GB)
Plus connue sous son titre original depuis son adaptation réussie sur une célèbre plateforme de streaming, Carbone modifié est un roman de SF cyberpunk publié en 2002 par le britannique Richard Morgan. Précisément postcyberpunk, l’intrigue se situe aux USA dans un futur dystopique où la mémoire devient un enjeu politique et où les hommes cohabitent avec les IA pour le meilleur et parfois pour le pire.
Les héritiers
Dans la dèche au royaume enchanté – Cory Doctorow (Canada)
Référence directe à un roman autobiographique de George Orwell, Dans la dèche au royaume enchanté fait figure d’OVNI dans le monde cyberpunk. Plus acerbe que violent, le blogeur canadien Cory Doctorow y dresse le portrait d’un avenir où le clonage nous évite la mort et notre réputation est une valeur marchande…
Accelerando – Charles Stross (GB)
En titrant son roman de 2005 Accelerando, l’auteur écossais Charles Stross introduit la notion de singularité technologique, soit un emballement technologique stimulé et impulsé par l’intelligence artificielle. Totalement remodelés par l’IA, le monde et la société n’ont plus rien de commun avec nos références actuelles.
Des larmes sous la pluie – Rosa Montero (Espagne)
Reprenant à son compte la figure du Replicant chère à Philip K. Dick, la journaliste et romancière espagnole Rosa Montero fait une incursion remarquée dans la SF en 2013 avec Des larmes sous la pluie. Célèbre pour La fille du cannibale, elle ose le thriller d’anticipation à forte résonance politique et pose un double questionnement existentiel sur la mémoire et la mort.
Câblé / Plasma – Walter Jon Williams (USA)
Quinze avant Matrix, Walter Jon Williams s’est lancé à l’assaut de la cybermatrice avec Câblé, premier tome d’une série d’aventures ébouriffantes menées par un drôle de tandem formé d’un cowboy contrebandier et d’une zonarde. Quatre ans plus tard, en 2000, il initie avec Plasma une nouvelle saga éponyme moins cyberpunk et plus proche de la hard SF à connotation spatiale.
Moxyland – Lauren Beuke (Afrique du Sud)
Avec Moxyland, l’ex-journaliste afrikaner Lauren Beuke imagine une société liberticide régie par des nanotechnologies intrusives. Dans ce cyber-cauchemar, le monde virtuel et les nouvelles technologies sont des armes de contrôle massif que devront apprivoiser pour mieux les détruire deux jeunes étudiants en quête de liberté.
L’école japonaise
Ghost in the Shell – Shirow Masamune (Japon)
En laissant les rênes de son intrigue musclée à une héroïne mi-cyborg mi-humaine, Shirow Masamune aura marqué son époque. Mangaka cyberpunk revendiqué, il livre avec Ghost in the Shell une véritable réflexion transhumaniste qui apporte de la profondeur à une série jalonnée de multiples morceaux de bravoures.
Akira – Katsuhiro Otomo (Japon)
Manga célèbre et incontournable des années 80, Akira débute en 2019 sur une terre ravagée par une troisième guerre mondiale. Entre dérives technologiques, univers urbain post-apocalyptique et sous-texte politique, l’expérimenté mangaka Katsuhiro Ôtomo rassemble tous les codes cyberpunk pour imposer durant 120 épisodes une vision sombre et violente du futur.
Cyberpunk made in France
Le goût de l’immortalité – Catherine Dufour (France)
Informaticienne de formation, la française Catherine Dufour défend à travers ses livres la littérature de l’imaginaire sous toutes ses formes. Inspirée par les contes et la fantasy, elle bascule dans le cyberpunk le plus sombre dans Le goût de l’immortalité, une dystopie glaçante aux allures de quête spirituelle et identitaire dans un monde ravagé par la pollution, l’hypertechnologie et les modifications génétiques.
Babylon babies – Maurice G. Dantec (France)
Malgré sa décevante adaptation cinématographique, Babylon babies reste le meilleur roman cyberpunk de Maurice G. Dantec. Dans ce classique de la SF française, l’auteur disparu étale tout son noir talent dans un survival halluciné où un mercenaire bourru a pour mission de convoyer une étrange jeune fille schizophrène à travers un monde à feu et à sang.
F.A.U.S.T. – Serge Lehman (France)
Composé de trois tomes et deux novellas (roman court ou nouvelle longue, si l’on préfère), le cycle de F.A.U.S.T. est un crossover réussi entre la cli-fi pour les enjeux écologiques, l’espionnage pour la trame et le cyberpunk pour l’action et le contexte futuriste. Auteur de SF aguerri à la tête d’une impressionnante bibliographie, Serge Lehman compte également de nombreuses BD à son actif.
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