De Jean-Luc Godard le prophète à Chris Marker l’observateur sagace, de Louis Malle l’irrévérencieux à Michel Hazanavicius le malicieux… Les grands soirs de Mai 68 ont été pour les pros du grand écran une fantastique source d’inspiration, de réflexions et de rires. Quand le cinéma filme la révolution…
Photo : © Philippe Aubry – Les Compagnons du cinéma
La prophétie
La Chinoise, Jean-Luc Godard (1967)
Une étudiante en philosophie, un acteur, un peintre soviétique, une paysanne et un scientifique sympathisant communiste sont dans un appartement, aux murs tapissés de petits livres rouges… Ensemble, ils causent Mao, Révolution culturelle et marxisme-léninisme. On est en 1967. Godard est au sommet de sa gloire. Mais avec La Chinoise, JLG entame un virage vers un cinéma politique radical. Porté tout entier par sa nouvelle et jeune muse Anne Wiazemsky, le film prophétise les tremblements à venir de Mai 68…
Le pastiche
Le Redoutable, Michel Hazanavicius (2017)
C’est justement ce Godard des années Mao et de La Chinoise que Michel Hazanavicius a choisi de croquer et de parodier dans Le Redoutable, un pastiche de biopic à travers lequel Hazanavicius désacralise et humanise un maître de la Nouvelle Vague vacillant. Devant la caméra, Louis Garrel incarne un excellent JLG zozotant en proie aux doutes. Tandis que Stacy Martin interprète sa compagne de l’époque, Anne Wiazemsky, dont le récit autobiographique Un an après a servi de base à la réalisation du film.
De 68 à nous jours…
Nés en 68, Olivier Ducastel et Jacques Martineau (2008)
Dans Nés en 68, Olivier Ducastel et Jacques Martineau passent en revue quarante ans d’histoire à travers les tribulations intimes, amicales et amoureuses d’une bande de jeunes trotskystes et de leurs héritiers : de la libération sexuelle à la victoire de Sarkozy, en passant par la chute du Mur de Berlin, le Sida et le scandale du sang contaminé… Et pour « écrire » ses pages d’histoire à l’écran, on trouve notamment une étonnante et touchante Laëtitia Casta, aux côtés de Yannick Renier et Yann Trégouët.
Qui suis-je, où vais-je ?
Après Mai, Olivier Assayas (2012)
1971. Gilles, lycéen, était trop jeune pour soulever les pavés trois ans plus tôt. Mais, tout comme ses camarades, il est emporté par l’excitation de lendemains enchantés. Tout semble alors possible et c’est presque là tout le problème. Olivier Assayas est allé puiser dans les réminiscences de son adolescence pour donner corps, dans cet Après Mai, à ses propres tergiversations existentielles de l’époque. Engagement collectif ou création individuelle ? Art ou révolution ?
La crise en héritage
Milou en Mai, Louis Malle (1990)
Retiré dans sa belle bâtisse gersoise, Milou Vieuzac (Michel Piccoli), la soixantaine bourgeoise, pensait être épargné par les secousses parisiennes de Mai 68. Mais c’était sans compter sur la mort de Madame Vieuzac, la reine mère. C’est alors que toute la famille, dont sa fille Camille interprétée par Miou Miou, arrive en ordre dispersé, drainant avec elle ses relents d’égoïsme et d’hypocrisie exacerbés par les vents libertaires venus de la capitale. Milou en mai, un grand classique signé Louis Malle.
À cor et à Chris
Le Fond de l’air est rouge, Chris Marker (1977)
Et on finit avec la pertinence documentaire de Chris Marker et son Fond de l’air est rouge. L’artiste aux multiples talents y retrace, en deux parties, dix ans d’histoire de la (nouvelle) gauche mondiale, de 1967 à 1977, entre luttes idéologiques et exercices de l’État. Entre espoirs et désillusions. Une fascinante saga tout en archives, de la guerre du Vietnam à la mort du Che, de Mai 68 au Printemps de Prague, du Watergate au coup d’État du Chili. Un film à la subjectivité revendiquée, passionné et totalement passionnant.