Les livres sont des voyages, on le répète assez souvent. Mais lorsqu’ils assortissent une virée en mer d’un voyage dans le temps, c’est encore mieux ! Amateurs de romans historiques ou curieux en quête d’un cadeau dépaysant, cette sélection est faite pour vous. Dans chacun des romans présentés ici, vous retrouverez le même personnage aux multiples visages : l’Histoire. Du Moyen Âge au siècle dernier, elle sait s’y prendre pour obtenir le premier rôle, qu’elle interprète toujours avec panache !
Le temps des cathédrales
Le Moyen Âge semble être une source inépuisable d’inspiration. Après avoir engendré des classiques, à l’image de La Pierre angulaire, Prix Femina 1953, il continue d’inspirer nos auteurs les plus contemporains. Avec Les Piliers de la terre, par exemple, le romancier Ken Follett s’est taillé à coups d’épées un nouveau succès, qui prend place dans l’Angleterre du XIIe siècle. Par ailleurs, en historiens confirmés ou simplement passionnés, les auteurs de livres aux décors médiévaux s’intéressent beaucoup à la question religieuse : Max Gallo en narrant la vie d’empereur de Charlemagne, fervent défenseur de l’Église dans Moi, Charlemagne, empereur chrétien et Aline Kiner en s’interrogeant sur le rôle qu’une chrétienté féroce réserve aux femmes dans La Nuit des béguines.
Mais le Moyen Âge n’est pas qu’une époque entièrement sombre, traversée par les luttes pour le pouvoir et le maintien de la chrétienté. Citons deux livres proprement sensuels, qui nous transmettent un peu de la magie médiévale : Le Bureau des jardins et des étangs est un roman chargé de mille odeurs décrites avec finesse qui accompagnent le pèlerinage d’un pêcheur de carpes dans l’empire du Japon, tandis que les couleurs sont à l’honneur du Passeur de lumière, l’histoire d’un maître verrier dont la mission est d’illuminer les cathédrales.
La Renaissance
Le roman historique réussit à Ken Follett, et il aurait tort de limiter au temps des cathédrales son talent de conteur. Une colonne de feu déploie ainsi le brio du romancier sur fond de guerres de religion, quatre siècles après Les Piliers de la terre. Ce sont ces guerres et l’obscurantisme qu’elles charrient que critique Zénon, héros humaniste de Marguerite Yourcenar dans L’Œuvre au noir : cet esprit libre et éclairé incarne une époque de basculement, pivot entre le Moyen Âge et les Temps Modernes, qui verront aussi le monde s’étendre au-delà de l’Atlantique, jusqu’au Mexique raconté par Alexis Jenni dans La Conquête des îles de la Terre Ferme.
Du côté du vieux continent, le protestantisme fera son chemin jusqu’à prévaloir dans les Provinces-Unies du XVIIe et à peser, dans sa version puritaine, sur la maison amsterdamoise décrite par Jessie Burton dans Miniaturiste. Si l’on parle pour l’époque d’un « Siècle d’or néerlandais », les riches marchands qui l’ont bâti ne sont pas à l’abri de lourds secrets…
Le siècle des Lumières
En 1715, la monarchie ne s’essouffle pas encore mais l’homme sous la couronne voit apparaître la mort. Eve de Castro imagine ainsi dans Nous, Louis, Roi le regard que porterait le Roi Soleil sur son règne en cet instant crucial. Les rois succèdent aux rois, c’est donc un jeune Louis XV endeuillé que l’on retrouvera dans L’Échange des princesses. Son régent Philippe d’Orléans complote pour conserver l’exercice du pouvoir par le biais d’un accord avec l’Espagne : un fait historique véridique et un prétexte parfait utilisé par Chantal Thomas pour nous dévoiler les coulisses de la vie à la cour…
Le commissaire aux affaires extraordinaires de Louis XVI, Nicolas Le Floch, célèbre personnage de l’écrivain Jean-François Parot, se retrouve dans Le Prince de Cochinchine, victime d’un attentat dont il réchappe bien heureusement. À la veille de la Révolution française, les tensions sont palpables dans le Paris de Le Floch. L’enquêteur doit faire preuve d’une grande détermination pour démêler les fils tendus des deux enquêtes dans lequel il est embarqué : un meurtre lié à Olympe de Gouges et un complot d’État.
Le siècle des Lumières porte en lui le germe de la Révolution et de l’exécution de la famille royale, à laquelle échappera seule la fille, Marie-Thérèse, surnommée Mousseline la sérieuse par sa mère : une histoire contée par Sylvie Yvert. C’est un Paris encore pré-révolutionnaire et insouciant qu’examine Deux hommes de bien à travers les yeux de voyageurs espagnol : une ville peuplée d’esprits éclairés et encensée par l’art de la conversation. Le contraste est saisissant avec le Paris de L’Embaumeur ou l’odieuse confession de Victor Renard d’Isabelle Duquesnoy : la Révolution a éclaté et le héros de cette histoire, embaumeur apprenti, se démène pour mener comme il peut une vie mal engagée.
Tandis qu’on conspire à Versailles et qu’on fait la révolution à Paris, les héros des romans de Virginie Caille-Bastide et de Jean-Christophe Rufin préfèrent partir à l’aventure : le cruel capitaine de Le Sans Dieu à bord d’un galion qu’il conduit avec détermination au large des Caraïbes, l’explorateur du Tour du monde du roi Zibeline aux commandes d’un voyage rocambolesque et d’une vie hors du commun qui le fera roi de Madagascar.
Le XIXe siècle aux quatre coins du monde
Le XIXe siècle sera aux femmes ou ne sera pas, du moins dans les romans qui le racontent. On peut ainsi se prendre d’admiration pour la princesse qui donne son titre à La princesse de Bakounine, et se consacre à la lutte révolutionnaire après avoir fait la rencontre de l’anarchiste Bakounine en Italie. On peut applaudir les trois héroïnes de La part des flammes, qui gardent la tête haute dans l’incendie qui ravage une vente de charité et se libèrent du regard que porte sur elles une société corsetée. Rebelles, les sœurs américaines de La vengeance des mères le sont également, qui prennent le parti du peuple indien après sa tentative d’extermination par les États-Unis.
Et les hommes ? Au large de ces histoires, ils s’affrontent Dans les eaux du Grand Nord à bord d’un baleinier, autour du meurtre d’un garçon de cabine…
Les temps agités
Le siècle dernier a été traversé par les drames que l’on sait et la production romanesque qui nous intéresse ici se partage assez naturellement entre les récits de la Première et de la Seconde Guerre mondiale.
Citons pour aborder la première Le chagrin des vivants d’Anna Hope. Ce roman décrit les traumatismes causés par la Grande Guerre dans l’Angleterre de 1920, alors que le pays s’apprête à accueillir le Soldat inconnu, rapatrié depuis la France. Mais les blessures des Anglais ne seront pas encore pansées que s’annonceront les souffrances de la Seconde Guerre mondiale.
Les manœuvres d’Hitler pour annexer l’Autriche dans L’Ordre du jour, l’horreur des camps à travers l’histoire de deux sœurs jumelles soumises aux expériences du professeur Mengele dans Mischling ou encore la bataille de Stalingrad vue par un officier allemand dans Éclairs lointains : ces heures sombres font l’objet de récits très documentés qui pourront nous aider à regarder avec intelligence notre passé récent.
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Aller + loin : Une colonne de feu, le roman de Ken Follett