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Vincent Delerm : pourquoi on a aimé son album poétique, « La Fresque »

13 juin 2025
Par Manue
Vincent Delerm : pourquoi on a aimé son album poétique, "La Fresque"
©Arno Lam

Le nom de Vincent Delerm a incarné le renouveau de la scène française, il y a plus de 20 ans. A 48 ans, il sort son huitième album, « La Fresque », où il célèbre celles et ceux qui ont traversé sa vie. A la fois grave et rayonnant, cet opus ne fait que renforcer toute la singularité de cet artiste, trop souvent catalogué « bobo ». Décryptage pour en savourer toute la poésie et l’universalité.

Cette pochette rose affichant plusieurs visages et formant une fresque que regarde Delerm en dit déjà beaucoup sur le concept et l’intention du chanteur pour son huitième album, La Fresque, sorti ce 6 juin.

Ici, Vincent Delerm convoque celles et ceux, célèbres ou non, qui ont fait partie ou ont simplement croisé sa vie. Comme il le souligne dans une interview à Sud-Ouest : « Penser à célébrer les moments qui font nos vies, les gens qui nous ont fait du bien, nous ont fabriqués. Cela s’est imposé. Tu penses avoir une personnalité propre et c’est aussi le fruit de rencontres, des gens que tu as pu aimer, admirer sans même les connaître. Les mots de quelqu’un restés un peu gravés. »

La-fresque

Delerm avouait récemment, qu’il y a quelques années, il préférait la solitude à des moments partagés entre amis, famille. Aujourd’hui, la donne a changé. « Les années passant, j’ai senti comme une urgence à dire aux gens qui comptent pour moi que je les aime », confie-t-il à Elle« Plus jeune, je m’inspirais de films de grands cinéastes que je mêlais à mes propres fantasmes. Cela a donné des titres comme Fanny Ardant et moi. Depuis, j’ai accumulé une multitude d’expériences. J’ai vécu, aimé, perdu des êtres chers. Ces émotions et images défilent dans La Fresque. J’y célèbre les personnes à travers lesquelles je me suis construit, de mes premières idoles à mes amours et mes amis », explique-t-il encore à Madame Figaro.

Son père Philippe a écrit La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules. C’est ce minimalisme, ces petits riens que l’on pense trop banals pour être célébrer que Vincent Delerm met lui aussi en lumière avec beaucoup de sensibilité et de poésie. Ce témoin de la vie, de l’amour, de la mort, bref du quotidien, sait avec subtilité peindre ce que nous sommes.

La gravité de la vie 

Il y a aussi beaucoup de gravité dans cet album, notamment quand on écoute Comme si Paris était en fête où il évoque avec délicatesse les attentats du 13 novembre 2015. Pas de sang, pas de morbidité, pas d’océan de larmes et de tristesse. Juste laisser le temps à la vie pour parler de ce drame plus tard à ses enfants et faire comme si la vie était belle alors que la terreur et la tragédie ont assourdi Paris. 

Même chose lorsqu’il parle de la mort d’un cousin dans Je ne savais pas que tu aimais les Pyrénées, de ce cœur brisé qu’il n’a pas vu. Les disparus traversent aussi C’est pour vous.

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Nostalgique et pudique

Ne vous méprenez pas, il y a aussi et surtout beaucoup de lumière dans cet album car la force de l’écriture de Delerm, c’est la pudeur dont il habille les mots.

« J’ai toujours tenu dès mon premier album, à laisser des choses manquantes dans les mots, dans les rythmiques. De l’étrange, de la place pour que chacun chemine autour de l’émotion comme la fin de ce film italien qui n’a pas de référence précise, confesse-t-il.

La nostalgie colore nombre de chansons de cet album, particulièrement Louise Ciccone. Dans ce titre, Delerm évoque son enfance, le Sud-Ouest, sa grand-mère… mais d’une manière particulièrement originale en faisant de Louise Ciccone (alias Madonna) un personnage central, à la fois présente avec sa chanson Live To Tell qui tournait en boucle et pourtant évidemment absente de la vie du garçon. 

Voir la beauté partout

Plus encore que Se plaire ou D’autres vies que la tienne, la chanson Koi No Yoakan, expression japonaise qui exprime ce sentiment que quelque chose de beau va se passer avec une personne, un.e inconnu.e que vous allez tomber amoureux, a une force exhaltante presque enivrante.

La vie, la mort, l’amour résume assez bien l’atmosphère de cet album entre ombre et lumière.

La beauté s’immisce presque partout dans cet opus. Que dire du titre Si beau où Delerm va jusqu’à trouver une certaine élégance, majesté dans les larmes d’une amie qui vient de vivre une séparation et qui s’épanche sur son épaule. Comme si la tristesse avait une certaine noblesse, une certaine grâce. 

C’est cet éclat, cette finesse d’écriture que l’on apprécie chez l’auteur. Ici, il livre des travellings, des mouvements subtils captant des moments de vie, des émotions. C’est cela, l’art de Delerm. 

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La musique et cinéma, éternelle source d’inspiration 

Le cinéma a toujours été inspirant pour le jeune Delerm. Il est même passé derrière la caméra plusieurs fois. Cet amour de la culture, de l’art, du cinéma comme de la musique (bien sûr), c’est ce qui donne cette écriture personnelle. Les références sont nombreuses. Dans le titre, Plusieurs, on décèle les clins d’oeil au cinéma (Call Me By Your Name, le visage de Romy).

Dans Lonesome, on croise Ennio Moriconne, Jesse James… 

Cet amour pour le septième art est aussi prégnant dans la musique. Ces orchestrations, en mode musique de film, apportent cette poésie aux paysages et émotions peintes et donnent de la profondeur à ces travellings. Vincent Delerm garde encore et encore cette lenteur qui le caractèrise depuis le début.

Si certains titres sont minimalistes, la plupart font la part belle aux cordes, à des arrangements très léchés, jalonnés de nuances, de notes rythmées, électroniques. La présence de Jean-Sylvain Gouic ou French 79 donnent ces palpipations qui n’entachent pas la langueur assumée de l’artiste, donnant juste assez de mouvement pour ne pas être trop indolent ou lourdaud. 

La Fresque peut se voir comme un diaporama poétique où celles et ceux qui ont façonné de manière directe ou indirecte la vie de Delerm en sont les personnages, témoins d’une existence. Et cette respiration de l’existence personnelle de Delerm a cette universalité, cette transversalité qui nous fait peut-être voir, ressentir notre propre réalité, notre propre histoire. 

Article rédigé par
Manue
Manue
Disquaire à la Fnac Saint-Lazare
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