
Voix d’Europe 1 – où son émission Il n’y a pas qu’une vie dans la vie est diffusée tous les week-ends – Isabelle Morizet a un passé glorieux : elle était Karen Cheryl, chanteuse culte des années 1980. Étonnamment romantique, son nouveau best of, disponible le 14 mars prochain, revient sur un répertoire qui va en rendre nostalgique plus d’un.e.
Karen Cheryl, en pleine lucarne
« Karen Cheryl reste pour le jeune public une fée du XXe siècle » peut-on lire dans le Dictionnaire de la chanson française, rédigé par un certain Pascal Sevran en 1988. Une référence à son rôle (déguisé) de présentatrice dans l’émission La Lucarne d’Amilcar, alors concurrente du Club Dorothée. Si bon nombre de trentenaires et quadragénaires connaissent Karen Cheryl pour ses fréquents passages à la télévision (notamment le jeu Hugo Délire ou la sitcom Les Filles d’à côté dans les années 1990), la jeune femme a d’abord et avant tout été une vedette de la chanson, l’une des divas des années 1970-1980.
Hyperpop avant l’heure
Dans les années 1970, les impresarios font la pluie et le beau temps sur la variété. Sheila doit beaucoup, alors, à Claude Carrère, et Dalida à son frère Orlando. Humbert Ibach, dit « Mémé », décide de lancer la carrière d’une jeune femme, Isabelle Morizet, batteuse et chanteuse. Sous le nom de Carène Cheryl, le public français découvre une interprète en prise avec le son de l’époque, soit une variété sucrée et un brin naïve, et des adaptations de pop étrangère, dont Abba. Ces chansons, de bonne facture, nourrissent une partie du best of Étonnamment Romantique, qui a la particularité de ne comporter que ses chansons en français.
Car dès 1978, en adoptant le pseudonyme plus universel de Karen Cheryl, l’artiste se mue en princesse disco anglophone. Queue de cheval, robe à paillettes, chorégraphies soignées… La protégée du producteur Humbert Ibach (des disques Carrère) apparaît désormais dans des émissions de variétés de plusieurs pays. Il faut attendre 1980 pour que fusionnent enfin ses deux orientations : ses principaux tubes retrouvent la langue de Molière (Show Me You’re Man Enough devient La Marche des Machos et Sing to Me Maman… Chante pour nous Mama), et Karen Cheryl traduit à nouveau des hits étrangers, dont Les Nouveaux Romantiques, d’après Sarà perché ti amo, et l’énorme carton Oh ! Chéri chéri… adapté de Made in Italy des mêmes Ricchi e Poveri. Entre disco, twist, ballades romantiques (Si…) et pop italienne, Karen Cheryl brasse d’un titre à l’autre de nombreuses influences, comme le font aujourd’hui les fées de l’hyperpop, à l’instar de Charli XCX ou des artistes capables de rendre hommage à la chanson transalpine, telle Adèle Castillon (Alabama).
Changement de vie, changement de génération
En novembre 1984, Canal+ et Europe 1 lancent le Top 50, classement officiel des ventes de 45 tours en France. Un indicateur du marché qui entraîne une accélération des sorties, des succès… Et des carrières. Les trajectoires météoritiques et les one-hit wonder (Jackie Quartz, Annabelle, Caroline Loeb, Corinne Charby etc.) vont marquer la seconde moitié des années 1980 ; chaque maison de disque cherchant à décrocher des entrées au Top, et non à promouvoir le temps long et la fabrication d’albums.
C’est dans ce contexte que Karen Cheryl, issue de la génération précédente, disparaît peu à peu des charts, alors qu’elle a fait une arrivée réussie au cinéma et à la télévision. Celle qui a pourtant performé en duo au Canada avec Michael Jackson, décide finalement d’entamer une nouvelle vie dans les années 2000, délaissant définitivement son pseudo (et la musique) pour redevenir Isabelle Morizet. Raison pour laquelle, malgré le succès de ses différents best of, aucune tournée d’anciennes stars n’a trouvé grâce à ses yeux. Un signe de plus d’une page tournée, dans un livre que rouvriront les nostalgiques à la faveur des 21 titres de cette anthologie, Étonnamment romantique.